La loi sur l'énergie soumise au vote du peuple le 9 juin : Fiat Lux ?
Le 9 juin, entre quelques autres objets soumis à la sagacité du Peuple souverain, on trouve une loi fédérale sur l'énergie, dont le but est de soutenir le développement des énergies renouvelables. Et qui suscite, dans deux camps opposés (l'UDC et les écolos) de vifs débats entre une position majoritaire contestée par une minorité. Au moins l'UDC et son Conseiller fédéral sont-ils d'accord sur un point : il faut faire tout ce qui est possible et acceptable de faire pour assurer une production énergétique couvrant le maximum d'une consommation en hausse constante. Pas question d'économies de consommation, juste question de moyens de couvrir la consommation, et de réduire les importations. Parce que notre électricité à nous, elle est propre, et que l'électricité des étrangers, elle est sale. Fiat Lux, d'accord, sed helvetica...,
Des économies de consommation d'énergie ? Horresco
referens !
A l'UDC, l'Assemblée du Parti a décidé d'appeler à
refuser la loi que son groupe parlementaire a acceptée et que
défend son Conseiller fédéral, Albert Rösti (qui se retrouve
ainsi dans la même situation que sa collègue socialiste
Elisabeth Baume-Schneider à propos des primes
d'assurance-maladie, à défendre une position contraire à celle
de son parti). Rösti défend la loi au nom de la souveraineté et
de l'indépendance énergétiques de la Suisse, et de la prévention
d'un "black out" : "Si on veut éviter tout risque de pénurie, il
faut produire plus de courant"... ou en consommer moins ? Non,
de cela, pour Rösti, il ne saurait être question -tout au plus
admet-il que "si on eut décarboner le pays, il faut produire
davantage d'électricité. Et comme le nucléaire et les énergies
fossiles ne sont actuellement pas une option, on ne peut pas en
plus freiner les renouvelables au nom de la biodiversité". Face
à lui, le parti refuse que la Confédération puisse imposer des
installations aux cantons et aux communes et (pour reprendre les
mots du président de l'UDC Vaud) "gâcher les paysages avec des
éoliennes dont l'efficacité dépend de la météo". Au moins le
parti et son Conseiller fédéral sont-ils d'accord sur un point :
il faut assurer une production énergétique couvrant le maximum
d'une consommation en hausse constante. Or Il se trouve que la
loi soumise au vote du peuple imposerait aux fournisseurs
d'électricité des programmes d'économie d'énergie. Horresco
referens. Du coup, l'UDC dit "non" à la loi.
Dans le camp écolo, les Verts et plusieurs grandes associations comme Pro Natura appellent à soutenir la loi que la Fondation Franz Weber, entre autres, combat. Pour Pro Natura, la loi "permettra de faire progresser la part des énergies renouvelables essentielles pour limiter le réchauffement climatique", et la refuser serait faire un cadeau aux partisans de l'énergie nucléaire et aux défenseurs des énergies fossiles. Pour la Fondation Franz Weber et Vera Weber, il n'est pas question de "détruire la nature sur l'autel de la production d'énergie". Parce que c'est bien là que le discours purement productiviste d'Albert Rösti trouve ses limites : certes, il reconnaît que le potentiel du solaire est "énorme sur le toits et les façades" (ce que les opposants à la loi soutiennent également) et que les éoliennes, les barrages et les parcs solaires alpins sont une alternative aux énergies fossiles, mais c'est toujours pour assurer la couverture d'une consommation croissante -comme la substitution de la bagnole électrique à la bagnole à essence doit assurer le maintien du primat de la bagnole...
Cela dit, refuser la loi n'améliorerait en rien la
protection des paysages et des écosystèmes : les demandes de
permis de construire pourront toujours être déposées. Et si la
loi devait être adoptée, les communes et les cantons pourraient
toujours se prononcer en votation, après référendum, sur le
projets autorisés -lesquels pourraient toujours être l'objet de
recours. On n'en a donc pas fini de débattre des modes de
production de l'énergie que nous consommons (et de celle que
nous importons). A défaut d'être capables de débattre des
possibilités réelles d'en consommer moins, de l'énergie, de
quelque manière qu'elle soit produite : la
meilleure, la moins chère, la moins polluante, la moins nuisible
à l'environnement naturel et humain, de toutes les énergies,
n'est-elle pas celle qu'on ne consomme pas ? Or les panneaux
solaires, les éoliennes, les barrages, il faut bien les produire
et les construire. Et leur production, elle en consomme, de
l'énergie. Et des métaux rares. Et du travail humain. Et des
écosystèmes. Mais après nous le déluge, non ?
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