La campagne électorale de la présidentielle US est vraiment lancée
Un débat spectaculairement amusant et substantifiquement mou
On y est (le "on" étant ici volontairement impersonnel) : la campagne électorale de la présidentielle américaine est maintenant vraiment lancée. Les premiers bureaux de vote ne vont pas tarder à s'ouvrir et mardi soir un premier débat spectaculairement amusant et substantifiquement mou a opposé Kamala Harris et Donald Trump. Ce qui va suivre, on s'y attend : côté Trump, un peu éteint lors du débat (faute de public, peut-être), un déluge de polémiques, de manipulations, de "fake news", d'insultes, de dénis et de mensonges, et, côté Harris, un exercice de façon d'image, exercice réussi lors du débat et, jusqu'à présent, dans toute la campagne ("Kamala ramène la joie", résume sont populaire vice-présidentiel potentiel, Tim Walz). De programme politique, présidentiel et gouvernemental, en revanche, il ne devrait guère être question. De projet, moins encore (sinon de leur projet personnel à l'une et l'autre d'être élu.e). Mais d'attitude, d'intentions, d'image, là, il est question. Et d'un choix entre deux "Amériques" (comme si l'Amérique se réduisait aux USA). D'un choix simple, comme l'est le choix entre Trump et Harris. Ce sera lui ou elle. Un choix de valeurs. Et ce n'est pas le débat de mardi, ni le possible débat suivant, qui feront la différence. Les commentateurs, les analystes, les sondages, considèrent que la Démocrate a gagné le débat. Pour autant, elle n'a de loin pas encore gagné l'élection. Si vous espérez en l'affaiblissement de la puissance étasunienne, vous pouvez continuer à espérer, comme Poutine, en une victoire de Trump.
“Une raison futile diminue le poids des bonnes raisons qu’on avait données auparavant”
"L'élection présidentielle américaine sera
        l'événement le plus déterminant de l'année pour la démocratie",
        selon l'avocat français Laurent Cohen-Tanugi ("Le Monde" du 5
        janvier). L'année venait pourtant seulement de commencer, et on
        ne pouvait (ni ne peut toujours) être assuré que d'autres
        événements, imprévus ceux-là (mais pas forcément imprévisibles,
        autour des conflits en Ukraine, au Moyen-Orient ou dans les
        parages chinois) ne puissent rivaliser d'importance avec cette
        élection programmée. 
      
Avant que Trump se retrouve confronté mardi à
        Harris sur ABC (dans un débat qu'il estime "truqué"),  Donald
        Trump s'était fait offrir deux heures, bien moins risquées, de
        conversations de bistrot avec Elon Musk,  où ils ont l'un et
        l'autre fait assaut et concurrence de propos beauf : la
        prestation sur X d'Elon Musk et Donald Trump fait carrément de
        nos débats des explorations rhétoriques stratosphériques :  Trump promet "la plus grande déportation de l'histoire
        des Etats-Unis" (il parle des migrants, pas des Amérindiens...),
        assure que le renoncement de Joe Biden à être candidat était un
        "coup d'Etat", se félicite de ce que la montée des océans due au
        réchauffement climatique se traduira par "plus de propriétés en
        bord de mer" et félicite Elon Musk d'avoir provoqué des
        licenciements massifs chez X : "vous êtes le meilleur réducteur
        de coûts". Elon Musk, lui, qualifie Kamala Harris de candidate
        d'"extrême-gauche" et l'immigration d'"apocalypse zombie.  Musk soutient donc Trump. Comme on se ressemble, on
        s'assemble : ils sont aussi immatures et égocentriques l'un que
        l'autre. Et se méritent amplement. Elon Musk est passé du
        libertarisme aux marches de l'extrême-droite. L'enfant atteint
        du syndrome d'Asperger, obsédé par le déclin démographique au
        point de faire douze enfants par fécondation in vitro ou mère
        porteuse, multipliant les liaisons avec des salariées ou des
        stagiaires de ses entreprises et les payant pour qu'elles n'en
        fassent pas état, dispose d'une fortune estimée à plus de 200
        milliards de dollars. 
      
Kamala Harris a soixante ans (deux ans de moins
        que Barak Obama, mais surtout quinze ans de moins que Trump). Et
        malgré quatre ans de vice-présidente, elle a réussi à apparaître
        comme l'incarnation d'un renouveau -sans que son programme, ou
        ce qui en tient lieu, soit à cette image. Sur Gaza, notamment,
        elle est dans la ligne de Biden, d'une prudence coupable face à
        Israël (qu'une majorité d'Américains soutiennent, quoi qu'Israël
        fasse).  L'enthousiasme qu'elle suscite dans le camp démocrate,
        inédit depuis la campagne d'Obama en 2008, tient pour un part au
        soulagement de n'avoir pas à se résigner à n'avoir que Joe Biden
        à opposer à Donald Trump, mais aussi à ce qu'elle serait la
        première femme présidente, en sus d'être fille d'immigrants, et
        "de couleur". 
    
Pour autant, la "kamalamania", si réelle qu'elle soit, n'est pas unanime, l'électorat étasunien est toujours aussi divisé entre deux camps de force à peu près égale, et si Kamala Harris est bien la seule à pouvoir battre Trump, il n'y aura que quelques pourcent d'indécis, quelques milliers de voix dans une poignée d'Etats, qui feront la différence. Et là, "ne pas être Trump", être opposée à Trump, être d'une génération plus jeune que lui, être femme, "de couleur" et fille d'immigrants, ne suffira pas. Parce que ces Etats sont aussi ceux où pèse un électorat d'"oubliés de la prospérité" que la défense des libertés (de disposer de son corps, de son vote, de son mode de vie) mobilisera moins que les conditions matérielles de vie. Or le caractère démocratique de la présidentielle américaines est assez douteux : le président n'est pas élu par le peuple mais par des "grands électeurs" élus dans chaque Etat, ce qui rend possible l'élection d'un président minoritaire dans le vote populaire, mais majoritaire dans le collège des"grands électeurs", grâce à quelques dizaines de milliers en sa faveur dans quelques Etats "charnières"... Les électrices et les électeurs des USA voteront-ils pour un projet ou pour une image ?
Biden avait lancé la campagne pour sa réélection
        pour "protéger la démocratie américaine" et sauver "l'âme de la
        nation", il s'est retire de la course pour les mêmes raisons,
        son propre parti le lâchant. "Mon
        intention était de me représenter pour être réélu mais je crois
        qu'il est maintenant dans l'intérêt de mon parti et de mon pays
        de me retirer" : Biden apportant son "soutien total" à Kamala
        Harris, Trump a perdu l'adversaire qui lui aurait le mieux
        convenu et les Démocrates peuvent
        recommencer à espérer. Surtout que Taylor Swift a apporté son
        soutien à Kamala... à quoi tient la présidence de l'encore
        première puissance mondiale... 
      
      
      
    
    



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