Genève : La Ville veut acheter la campagne Masset, la droite s'y oppose

Un domaine à rendre à tous

Le Conseil municipal en avait décidé ainsi, par une majorité formée de la gauche et du MCG : la Ville de Genève devrait pouvoir acheter la campagne Masset, un domaine de 3,5 hectares (une allée centrale bordée d’arbres, un jardin avec des arbres fruitiers, une vigne une zone de forêt, un pré, un sentier donnant) avec en son cœur une vaste maison de maître du 18e siècle, classée et dans un état de préservation exceptionnel. Un petit paradis, propriété privée en vente que la Ville voudrait acheter pour, en en devenant propriétaire, en faire une propriété publique ouverte au public. La remettre à la population. On est dans un des quartiers les plus denses de la ville la plus dense du canton -et avec Bâle la plus dense de Suisse. Un quartier de 34'000 habitants qui va encore se développer, accueillir une population supplémentaire dans les zones de Bourgogne, de la Concorde et dans des surélévations, accueillir de nouvelles entreprises, supporter plus de circulation. Un quartier qui va donc avoir grand besoin d'espaces verts accessibles à toutes et tous, et de lieux d'une offre sociale et culturelle indispensable à sa population et que la maison de maître pourrait accueillir avec quelques aménagements compatibles avec son classement. Or ce projet se trouve menacé par l'annonce d'un référendum par des partis de droite (le PLR et les Verts libéraux l'ont décidé mercredi). Un référendum dont la seule annonce du lancement pourrait, pour des raisons de délais, compromettre la vente de la campagne à la Ville. Ce n'est même plus un référendum, c'est un droit de veto : il suffit d'annoncer qu'on veut lancer un référendum pour couler le projet, et cela, mais cela seul, est à la portée de la droite municipale : même plus besoin de se les geler dans les rues en hiver pour récolter des signatures (ou de payer des gens pour qu'ils les récoltent à la place des référendaires incapables de le faire eux-même), le propriétaire du domaine décide seul de maintenir son offre à la Ville ou de chercher un autre acquéreur. 

Rendre à la population un et un espace privé disponible

Acheter la campagne Masset pour 21,5 millions de francs, ce serait, dit un appel signé par des centaines de personnes (https://www.soutiencampagnemasset.ch/), une "opportunité unique" pour la Ville de Genève, qui en a largement les moyens : elle dispose d'un budget d'investissement de 180 millions, qui n'a pas augmenté et n'est jamais utilisé en totalité. Quant à la maison de maître, si elle est classée, elle n'est pas inaménageable pour d'autres usage que celui d'une résidence privée, comme il en fut fait de la Villa Batholony ou de la Villa Dutoit. Et la Ville ne manquerait pas de projets entre lesquels choisir celui qui conviendra.

La droite municipale, elle, n'a aucun projet pour cette maison et cet espace vert, mais qu'à cela ne tienne : il lui suffit d'empêcher la Ville d'en réaliser un et de laisser des privés les racheter à un privé. Genre nabab pétrolier ou potentat en fuite. L'important étant que le domaine reste privé -ou plutôt, que la population en reste privée...

Inclure ce domaine de 3 hectares et demi dans le domaine public, ce serait en faire ce qu'on a fait, et par les mêmes moyens qu'on l'a fait pour ouvrir le parc des Eaux-Vives : un parc public, l'"écrin indispensable" d'une multiplicité d'activités sociales. Et ce serait aussi, comme on l'a dit dans le débat au Conseil municipal, affirmer la légitimité d'une maîtrise par la ville de son propre espace, ne serait-ce que pour le rendre vivable à sa propre population. Elle n'a pas besoin, ni d'ailleurs envie, de le faire en expropriant : elle peut le faire en acquérant, chaque fois que cela se justifie, des immeubles et des terrains mis en vente, librement, par leurs propriétaires privés. On ne dékoulakise pas, on municipalise. Et on ne municipalise pas par pulsion ou par idéologie, on municipalise parce que c'est le meilleur, et peut-être le seul, moyen de rendre à la population des biens et des espaces privés disponibles.

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