Justice genevoise : La normalisation en marche

La suppression du jury populaire, acquise le 17 mai au nom de la conformité avec le droit fédéral, n'est que la première étape de la normalisation de la Justice genevoise. Etapes suivantes : la suppression des juges d'instruction et la constitution d'un Ministère public pléthorique dont les membres seront voués à l'exercice schizophrénique consistant à mener les enquêtes pour ensuite soutenir l'accusation. Terme possible de la " réforme " du pouvoir judiciaire, ou de sa contre-réforme : l'abolition pure et simple de l'élection populaire des juges, déjà réduite à une simple éventualité, au cas où les négociations entre partis pour le partage des postes n'aboutissent pas à une élection tacite. Une question agite le marigot judiciaire : les changements à venir impliquent-ils ou non de nouvelles élections judiciaires en 2010 ? Le Conseil d'Etat n'en veut pas mais ne semble pas très bien savoir pourquoi il n'en veut pas. Autre question : élections judiciaires ou non, quel sera le rôle du Procureur général au sein du nouveau Parquet, sachant que l'actuel PG est déjà incapable de diriger une dizaine de procureurs, et qu'on ne voit guère par quel miracle il se révélerait capable d'en diriger trois ou quatre fois plus ?

Crise sociale, relance des juges
Pour la droite politique, la chose est jugée : le système judiciaire genevois actuel est condamné, par le droit fédéral ou par le temps qui passe, et on doit y substituer un système plus hiérarchisé, avec des sections dirigées par des " premiers procureurs " désignés par le Procureur général (ou éventuellement par le Grand Conseil, mais surtout pas par le peuple). Plus à gauche, ou plus " en bas " dans la hiérarchie judiciaire (notamment au sein des actuels juges d'instruction), on souhaite plutôt un Ministère public dont les membres seraient plus autonomes, insérés de manière moins rigide dans un cadre moins pyramidal. Mais si le débat agite le milieu judiciaire, on ne peut pas dire qu'il passionne les citoyennes et les citoyens -il est pourtant d'importance : c'est toute la conception de la justice, comme appareil de pouvoir, qui est en cause. La normalisation de la Justice genevoise répond à celle de la société : au prétexte d'efficacité, c'est bien de maintien de l'ordre social et non de justice dont il s'agit. Et le maintien de l'ordre social a son prix : le salaire de ceux à qui il est confié. D'ailleurs, les magistrats du pouvoir judiciaire ont des démangeaisons syndicales et ont adressé une demande d'augmentation de salaire (sous la forme d'une réévaluation de leur classification de fonction), après que le secrétaire général du pouvoir judiciaire, Raphaël Mahrer, ait obtenu de passer de la classe 31 (entre 13'000 et 17'000 francs par mois) à la classe 32 (erntre 13'700 et 18'500 francs par mois). Les magistrats en veulent autant. Y'a pas de raison que ça soit la crise pour tout le monde. D'ailleurs, on sait d'expérience que les crises économiques et sociales accroissent le volume et modifient la nature des dossiers traités par le pouvoir judiciaire et ses modestes salariés à 200'000 balles par an. C'est comme pour les policiers, les gardiens de prison, les infirmiers en psychiatrie et les assistants sociaux : dans certains secteurs, la crise et la relance, c'est la même chose. Et la normalisation de la justice, une simple manière de renforcer un appareil répressif en un temps où les appareils idéologiques (l'école, les églises, les institutions culturelles) ne suffisent plus à maintenir la plèbe dans la quiétude de la servitude volontaire.

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