Augmentation des primes d'assurance-maladie : Les caisses encaissent, les assurés trinquent

La dernière augmentation des primes est scandaleuse. Comme les précédentes. Et comme le seront les suivantes ( le lobby des assureurs, « Santésuisse », prédit pour 2012 une hausse supérieure à celle qui vient d'être annoncée). Cette hausse est scandaleuse par son niveau, mais surtout parce qu'elle est un racket pérenne, qui frappe tous les assurés sans tenir compte de leur revenu, et qu'elle est donc aussi insupportable pour les bas revenus, et douloureuse pour les revenus moyens, que parfaitement indolore pour les hauts revenus. Cette injustice est consubstantielle au système des primes par tête, calculées par région en ne tenant réellement compte d'aucun autre paramètre que ceux des « coûts de la santé » et de la santé financière des caisses-maladie. Ce système n'a rien à voir avec une assurance sociale, mais tout se passe comme si les forces politiques (à commencer par le PS) qui devraient assumer la proposition d'en changer y avaient renoncé, se contentant, au plus fort de leurs bouffées d'audace, de proposer un emplâtre (non remboursé) sur une jambe de bois (à la charge de l'unijambiste) : la caisse unique. Avec comme mot d'ordre implicite : surtout, ne parlons plus de primes proportionnelles au revenu, ça fait peur à la classe moyenne, à qui on se contentera de seriner que le coup de la sante étant le même pour un riche et un pauvre, la prime doit être la même pour le premier que pour le second, comme si l'assurance-maladie devait être une assurance contre l'augmentation des coûts de la santé au lieu d'être une assurance contre les coûts de la maladie.

Clopin, clopant

Selon plusieurs sondages, une majorité des Suisses-ses seraient favorables à des primes maladie fixées en fonction du revenu. C'est une bonne nouvelle, à prendre toutefois avec de longues pincettes : à chaque fois qu'il s'est agi de se prononcer lors d'un vote, cette majorité virtuelle s'est dissoute dans les urnes et on s'est retrouvé avec des refus secs et sonnants (comme en 2003 et en 2007). Parce que des primes fixées en fonction du revenu, cela signifie que les revenus supérieurs à la moyenne ou à la médiane vont payer plus que ce qu'ils paient déjà. Or ce sont les bénéficiaires de ces revenus, la « classe moyenne supérieure » et les couches les plus privilégiées, qui votent le plus : le taux de participation augmente au fur et à mesure que l'on grimpe dans l'échelle des revenus et dans celle du niveau de formation. Le résultat, c'est que lors même que dans un sondage une majorité s'exprime en faveur des primes selon le revenu, ou de la caisse unique, ou des deux à la fois, dans les urnes une majorité refuse ces propositions et exprime on ne peut plus clairement que son problème, c'est de payer moins, pas d'être solidaire des moins riches et des plus malades... il y a de la cécité dans cette incapacité à admettre le principe d'une contribution fixée en fonction du revenu, puisqu'une part de plus en plus importante des assurés ne peuvent payer leurs cotisations sans une aide financée par les budgets publics, c'est-à-dire l'impôt, c'est-à-dire déjà un prélèvement proportionnel au revenu, et même progressif selon le revenu lorsqu'il s'agit des impôts directs. A Genève, une majorité de ménages sont subventionnés pour pouvoir s'acquitter de leur obligation légale de cotisation à l'assurance-maladie. Et si on tient compte du financement public des hôpitaux, et du financement indirect des EMS par les prestations complémentaires, c'est tout le système suisse de santé qui est largement financé par l'impôt. Le pas qui mènerait à une assurance-maladie solidaire, prise en charge par une caisse unique et financée par des cotisations définies en fonction du revenu, ne serait donc qu'un pas dans une direction déjà prise de longue date. Mais c'est ce dernier pas qui coûte -et qui coûte symboliquement, parce qu'il signifie l'abandon d'un système dont pourtant chacun (ou presque) sait qu'il n'est plus tenable, mais en lequel chacun (ou presque) tente de se frayer un chemin en claudiquant d'une caisse à l'autre, à la recherche pour un an de la caisse la moins chère -qui sera un an plus tard celle dont les primes augmenteront le plus.

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