Fonds de tiroirs

Le mandat donné par les nouveaux propriétaires de la Basler Zeitung à Christoph Blocher, au titre de « conseiller », inquiète (on se demande pourquoi) les journalistes du quotidien bâlois, instruits des méthodes et des orientations de ces propriétaires par l'épisode du tachat de la Weltwoche par le même racheteur que celui de la Basler Zeitung, Tito Tettamanti, un copain du Pithécantrope, qui a transformé l'estimable hebdo de centre-gauche en organe officieux de l'UDC canal blochérien. Tettamenti a beau protester qu'«il ne peut être question d'une implication » de Blocher dans la ligne éditoriale de la BZ, personne ne le croit. Même pas lui, sans doute. D'autant qu'un nouveau rédacteur en chef a été nommé en la personne du biographe (disons : du thuriféraire) de Blocher, Markus Somm. Les journalistes de la BZ exigent que le mandat de consultant de Blocher soit résilié et qu'il soit garanti que l'ancien Conseiller fédéral ne soit pas impliqué dans le quotidien. C'est à ce genre d'exigence que l'on voit que l'UDC a raison quand elle affirme qu'en Suisse, « les journalistes sont de gauche ». Parce qu'il faut être naïfs comme la gauche sait l'être pour croire que Blocher et ses copains se sont payé un quotidien à Bâle pour y laisser publier autre chose que ce qu'ils veulent y lire et y faire lire...

Le « Bloc Identitaire » français, un machin d'extrême-droite qui organise le 18 décembre prochain à Paris, avec une vingtaine de mouvements européens du même tonneau, un grand raout islamophobe, y a invité Oskar Freysinger. Interrogé sur sa présence à ce machin, le Génie des Alpages joue les andouilles : « j'y été invité par un ami », mais « s'il s'agit en définitive d'un rassemblement de néonazis, je n'irai pas ». Il veut pas être « récupéré », Oskar. Et subir ensuite le sort de son collègue jurassien, Dominique Baettig, durablement plombé par sa présence à un rassemblement identitaire du même genre, en octobre 2009. Bref, s'il y a un portrait du Führer sur le mur, Freysinger fera meeting buissonnier. Ou demandera qu'on enlève le portrait. Ou qu'on le retourne. Enfin, qu'on fasse quelque chose pour pas que ça se voie qu'il fréquente des infréquentables, ça polluerait son plan media d'invité permanent d' « Infrarouge », et récurrent de « Genève à chaud ».

Ce qu'il reste de l'UDC genevoise bouge encore et au Grand Conseil, les blochériens de Piogre ont eu une de ces idées géniales qui les caractérisent : ils proposent de ramener le calme dans la prison surpeuplée de Champ-Dollon en prolongeant de dix à trente jours la durée possible des mises au cachot. Quelqu'un pourrait expliquer à ces abrutis que pour un détenu sans troubles psychiatriques, le mitard, dans une prison surpeuplée, c'est pas une punition mais une récompense, une sorte d'oasis ?

Le Conseiller national bernois Ricardo Lumengo, condamné pour fraude électorale, a démissionné du Parti socialiste avant de s'en faire lourder, mais ne renonce pas à son siège parlementaire. Il est donc à la recherche d'un groupe auquel se rattacher ou d'une étiquette à arborer. Et les gazettes nous annoncent qu'il hésiterait entre le parti évangélique (qui affirme que Lumengo partage ses « valeurs chrétiennes ») et La Gauche (alternative), qui d'ailleurs ne veut pas de lui. Hésiter entre le Sermon sur la Montagne et les Béatitudes... en effet, on peut dire qu'il les partage, les « valeurs chrétiennes », Lumengo...

Or donc, pour sauver le pince-fesse favori d'une partie de sa nomenklatura politique, le canton s'apprête, sans consulter la commune concernée (Vernier) à racheter le terrain sur lequel est installé le Moa, boîte de nuit qu'il avait fait fermer en octobre, pour accepter sa réouverture provisoire un mois plus tard. Une demande de crédit de 14 millions sera déposée pour l'achat de la parcelle de deux hectares (dont le Moa n'occupe que 2,5 de la surface mais 10 % de la valeur locative ), et en attendant, le canton est devenu locataire du propriétaire du terrain et le Moa sous-locataire du canton avec un loyer inchangé. « Où est l'intérêt général dans cette affaire ? », s'interroge la « Tribune »... ben, nulle part. Et c'est d'ailleurs marrant : pour sortir 14 millions afin de sauver un dancing (l'inénarrable Chevrolet clamant que « le Canton a sauvé un lieu culturel» -sans doute une confusion entre culturel et culturiste), le Conseil d'Etat n'a pas de problème. Mais quand on lui demande de n'en sortir que la moitié afin d'annuler les hausses de tarifs des TPG, on a l'impression qu'on l'étrangle, et les mêmes (le genre Jornot, ou Chevrolet) qui se mobilisent comme des malades pour que les caisses publiques sont ponctionnées au bénéfice du Moa et du propriétaire du terrain sur lequel il est installé (et que le Conseil d'Etat s'apprête à racheter « au prix du marché »), hurlent à la mort quand on leur demande se se bouger pour les usagers des TPG. Ou pour construire des logements sociaux sur les communaux d'Ambilly.

L'UDC suisse veut tenir son congrès national dans le canton de Vaud, le 4 décembre prochain, mais n'a pas réussi à y trouver une salle. La Ville de Lausanne a refusé de lui louer le Palais de Beaulieu et l'Université de lui louer une aula, la salle communale d'Yvonand est trop petite... bref, l'UDC tiendra bien finalement son congrès dans le canton, mais, en se payant des agents de sécurité privés, dans une prairie appartenant à l'un de ses députés, à Coinsins, près de Rolle. Proverbe rupestre : changement d'herbage réjouit les moutons.

Justifiant la prolifération de projets de nouvelles prisons à Genève, avec pour objectif d'en arriver le plus rapidement possible à une place de geôle pour 500 habitants, la Conseillère d'Etat Isabel Rochat interprète à sa manière les statistiques, en affirmant dans « Le Courrier » du 20 novembre que l'«augmentation des places de détention répond à une réalité démographique ». Ah bon, quelle réalité démographique ? Il y a trente ans, 300 places de détention suffisaient, il en faudrait 1000 aujourd'hui, la population du canton a-t-elle triplé en 30 ans ? En réalité, elle n'a augmenté que d'un quart... la seule chose qui a peut-être triplé, c'est la frénésie carcérale de la justice, mais ça relève du confort intellectuel, de la solution de facilité ou de la pulsion claustrophile, certainement pas de la « réalité démographique »... Cela dit, bourrer les prisons, c'est bien, mais faut payer ceux qui les bourrent. Et donc, le processus de normalisation des procédures judiciaires dans toute la Suisse a incité le Conseil d'Etat a proposer une augmentation massive du traitement des juges, les moins bien payés d'entre eux (les débutants qui n'ont aucun antécédent dans la fonction publique cantonale) se voyant gratifiés d'une augmentation de 27 % de leur salaire, lequel atteindra (si le Grand Conseil accepte la proposition) 218'000 francs par an. Soit en gros le triple du salaire moyen genevois...

On se demande pourquoi, quand le pape admet enfin l'usage du préservatif, tout le monde salue « un pas important »... quelqu'un lui a dit, à Benoît, que la capote, c'est pas prévu pour faire des pas, et que se la mettre au pied, c'est un truc à se casser la gueule ?

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