A propos de Dominique Strauss-Kahn (et de ceux qui lui ressemblent)

Sex addict ? Power addict !

Il paraît que Dominique Strauss-Kahn est un « drogué du sexe», un « sex addict ». Il est aussi un « drogué du pouvoir », un « power addict». Et cet homme qui était l'un des puissants de ce monde, s'est défait sous nos yeux, pour ne plus être qu'une pauvre chose hagarde, blafarde, dans son costard de grand couturier réduit à l'apparence d'une fripe, muet entre deux flics paradant devant les caméras de télévision, muet encore devant un tribunal l'expédiant en prison, entre un dealer et un braqueur qui n'avaient ni l'un, ni l'autre les moyens d'offrir comme lui une caution d'un million de dollars pour ne pas être incarcéré. Ces images à elles seules le carbonisent : coupable ou non, « DSK » est politiquement mort. Et pourtant, si la mise en scène policière et judiciaire de sa chute peut donner la nausée, on ne pleurera pas sur son sort, s'il s'est réellement rendu coupable de ce dont on l'accuse, et où le grotesque le dispute à l'odieux.

« Si haut que soit placé un trône, on n'y est jamais assis que sur son cul »

Eros et kratos, couple maudit : « La jactance et l'arrogance du maître font ressortir la misère de l'être. L'autorité n'est qu'un habit clinquant mangé de vermine. Aucun amour ne résiste à la mesquinerie d'une existence incapable de comprendre que la force et la ruse sont des béquilles. On ne peut être ambitieux et amoureux. L'arrivisme est une échelle où l'amour ne grimpe qu'en pressantant sa chute » (Raoul Vaneigem)... On aimerait s'en tenir là... mais Vaneigem parle encore de l'amour quand dans les actes dont Dominique Strauss-Kahn est accusé il n'y a que du rut. Ces actes sont odieux. Ils le sont d'autant plus que l'homme présumé les avoir commis était un homme de pouvoir, et qui aspirait à l'être plus encore, en devenant le chef d'un Etat disposant de l'arme nucléaire et dont les armées guerroient ou stationnent sur les cinq continents et quelques îles. Qu'un homme se laisse gouverner par son sexe laisse planer un lourd doute sur sa capacité à diriger un Etat et à gouverner les hommes et les femmes, puisqu'on nous assure que les hommes et les femmes ne sauraient être laissés sans gouvernement. Si un homme ne sait maîtriser ses pulsions, quel risque ne prendrait-on pas à lui confier la clef de l'arme nucléaire et la chefferie des armées ? Le pouvoir rend fou ? Peut-être. Et l'envie de pouvoir plus encore. Mais les fous de pouvoir le sont du pouvoir en tant que tel -du pouvoir politique, du pouvoir économique, du pouvoir sexuel. Et lequel de ces pouvoirs s'exerce sans violence ? Et dans quelle faille de soi s'engouffre cette folie ? dans quel manque ? dans quelle incertitude sur ce que l'on est, ou ce que l'on voudrait être et que l'on ne sait ou ne peut être ? Il faut une invraisemblable dose d'immaturité, et d'une immaturité d'autant plus dangereuse que sera haut placé le siège sur lequel on trône, pour se comporter comme DSK est accusé de s'être comporté, puis pour nier en être responsable -mais c'est peut-être cette immaturité même qui fait d'un homme un homme de pouvoir. Ainsi, ce que l'«affaire Strauss-Kahn » devrait provoquer, mais qu'elle ne provoque pas, est une interrogation qu'on n'a jusqu'ici entendue exprimer nulle part : comment éviter de confier le pouvoir à des hommes (ou, mais plus rarement encore) des femmes incapables d'exercer sur eux-mêmes le pouvoir qu'ils revendiquent sur les autres? Il faudrait être enfin capables de se débarrasser, non des hommes et des femmes de pouvoir, mais du pouvoir lui-même, et de rendre ainsi inoffensifs ceux qui n'aspirent qu'à l'exercer. Car le pouvoir, c'est toujours, quoi qu'on en dise, de quelque oripeau dont on le revête, de quelque idéologie dont on se réclame pour le légitimer, le pouvoir sur les autres -le pouvoir d'exercer sur les autres sa propre impuissance à assumer ce qu'on attend de tout humain adulte : ne pas se laisser gouverner par ses instincts, penser par sa tête plutôt que par ses génitoires, ou, pour parler comme quelque poète naïf, écouter son coeur plutôt que ses couilles. Mais il est vrai qu'ainsi l'on se condamnerai à devoir déserter le champ du pouvoir

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