Fonds de tiroirs

Débat au Conseil municipal de Genève, lundi soir, à propos de la décision de la Municipalité d'accorder aux nettoyeuses (surtout) et aux nettoyeurs de ses locaux une rallonge de salaire faisant passer celui-ci de 19,35 à 25 balles de l'heure. Hurlements de la droite locale : augmenter le salaire des nettoyeuses pour le faire passer à 25 balles de l'heure, ce serait risquer de provoquer une crise économique à Genève... Euh, y'a pas des coups de balais-brosses quelque part qui se perdent, là ?

Avec la dernière révision (à la baisse) de l'assurance-chômage, révision, les plus de 55 ans devaient avoir cotisé sans interruption durant 24 mois pour avoir droit au maximum de 520 indemnités journalières. Et il suffisait que quelques jours seulement manquent pour que ce maximum ne soit plus garanti à des chômeurs et chômeuses qui rencontrent les plus grandes difficultés à retrouver un nouvel emploi. Du coup, chaque mois, une cinquantaine de personne arrivaient en fin de droit pour n'avoir cotisé - travaillé - «que» 22 ou 23 mois sur les 24 requis, parce qu'entre deux emplois, il y avait un « trou » de quelques jours. Sur proposition du président de l'Union syndicale suisse (USS), le conseiller national Paul Rechsteiner, le Parlement fédéral a décidé de faire passer la durée de cotisation à l'assurance-chômage de 24 à 22 mois pour que les chômeurs et chômeuses de plus de 55 ans aient droit au maximum de 520 indemnités journalières. Ce qui, selon l'USS, devrait permettre d'éviter une bonne cinquantaine d'arrivées en fin de droit pas mois, ou plus de 600 par an. Réduire de deux mois la durée de cotisation à l'assurance a donc pour conséquence le maintien des droits au chômage de plusieurs centaines de personnes. On imagine sans peine les conséquences, heureuses, qu'aurait l'instauration dans ce pays d'une véritable assurance-chômage, fondée sur autre chose que des obsessions comptables...

Le Parti socialiste genevois détient trois sièges au Conseil National, et un au Conseil des Etats. La droite convoite le siège socialiste au Conseil des Etats, la gauche de la gauche le troisième siège socialiste au Conseil National. Titre de la «Tribune de Genève » de mardi : «un vrai suspense tenaille les socialistes genevois ». Ouais, on est tenaillés. Et pincés, faucillés, martelés, cisaillés... Mais bon, tant qu'on est pas sciés...

Commission municipale genevoise des arts et de la culture, examen du budget culturel municipal et grande démonstration de la hauteur de vues culturelle de la droitunie (du PDC au MCG), minoritaire jusqu'à la pause, majoritaire après la pause : on proclame que le budget, dans son ensemble, est trop lourd, que son augmentation de 3,4 % d'une année sur l'autre est une « explosion », qu'il faut économiser 10 millions. Pourquoi ? Ben... parce que... Où ça ? Ben, partout où on peut. On propose donc d'abord une réduction linéaire, à la hache de toutes les lignes budgétaires. Là , la droite se plante. Puis, elle propose de tailler au hasard ou à la tàªte du client dans les subventions (et les postes). Sans aucun argument (on coupe ainsi un million dans le fonds général pour le théâtre, sans donner aucune explication), ou avec des arguments dont la pertinence nous aveugle encore des heures plus tard, genre : le Festival international du film sur les droits humains à une « idéologie qui nous déplaît » (dixit l'UDC) ? On lui sucre plus de 100'000 balles... Quand on cause politique culturelle, on pourrait pas vérifier que dans la tête de tous ceux qui causent, y'a un cerveau et pas seulement une calculette ou une chope de bière ?

Vendredi sort dans les librairies le dernier bouquin de Jean Ziegler, «Destruction massive », sous-titré par emprunt au livre de Josué de Castro, paru au sortir de la Guerre Mondiale, en 1946 : « Géopolitique de la faim ». De Castro avait écrit son livre au moment même où la toute jeune Organisation des Nations Unies se dotait, avec la FAO, d'un bras armé pour lutter contre la faim. Ziegler écrit son livre 65 ans plus tard, pour constater que cette lutte a échoué, que la faim tenaille toujours des centaines de millions d'humains, en tue toujours des dizaines de millions, en menace toujours deux milliards. Les pays riches ont mieux à faire que contribuer au programme alimentaire mondial : ils ont à boucher les trous abyssaux creusés par les acteurs des marchés financiers dans les banques. Quant aux prix des matières premières alimentaires, ils ont pris l'ascenseur, pendant que les cultures vivrières sont éliminées au profit des cultures destinées à la production industrielle, notamment celle des biocarburants. Pour de Castro, en 1946, pour Ziegler en 2011, la faim n'est pas une fatalité, mais la conséquence de choix politiques et économiques bien précis. Et si ceux qui font ces choix ne veulent pas la mort des affamés, ils la provoquent, précisément par leurs choix. Les pays les plus frappés par la famine doivent consacrer une part colossales de leurs ressources, non à nourrir leur population, mais à payer les intérêts de leur dette. Résultat : la faim est aujourd'hui la première cause de mortalité humaine dans le monde, et toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans en meurt.
Jean Ziegler, Destruction massive - géopolitique de la faim, éditions du Seuil

Mardi soir, le Maire de Genève, le PLR Pierre Maudet (seul membre de droite de l'exécutif municipal) s'est adressé au Conseil Municipal pour défendre sa collègue socialiste Sandrine Salerno, accusée de tous les maux depuis qu'elle s'en est prise à la Genève financière. Pierre Maudet a donc démenti les accusation de «copinage» portées contre Sandrine Salerno à propos de l'engagement de Boris Drahusak, fraîchement débarqué du département de la Culture, comme directeur des « ressources humaines » de la Ville (qui n'en manque pas, de ressources humaines) : « Sandrine Salerno a agi sur mandat du Conseil administratif » et «n'a pas favorisé un proche », a précisé le Maire. Qui revenait de Sofia. Et qui a été parfait, en parapluie bulgare de Sandrine.

La Justice genevoise (on aurait pu ne pas mettre de majuscule à « Justice » , mais vous connaissez notre respect des institutions...) a donc fauté en prononçant en 2006 la dissolution de l'association Rhino : la Cour européenne des droits de l'Homme a estimé que cette dissolution violait la convention européenne protégeant la liberté d'association. La Confédération (responsable devant la Cour des conneries de la Justice genevoise puisqu'elles ont été confirmées par le Tribunal fédéral) devra verser 107'000 francs d'indemnités à l'association des squatters, victime d'une mesure jugée « disproportionnée » car « pas nécessaire pour le maintien de l'ordre public » . Du coup, les ex-squatters des Philosophes pourront retrouver les loyers provisionnés qui leur avaient été confisqués et les comptes personnels des membres du collectif Rhino pourront être libérés. Et une autre requête de Rhino devant la Cour est toujours en attente de décision : elle porte, celle-là, sur l'évacuation musclée des squatters, sans jugement ni possibilité de recours. Tout cela est bon pour le moral : les zautorités de la « capitale mondiale des Droits de l'Homme » (Genève, donc...) y réfléchiront désormais peut-être à deux fois (encore qu'une seule fois suffirait, mais mieux vaut être prudents) avant de dissoudre une association qui leur déplaît.

Commentaires

Articles les plus consultés