Le Salon du Livre s'ouvre demain : Lisez !

Avant que le livre ne meure...
Lire un livre, s'y immerger, c'est s'abstraire du monde pour le temps de la lecture, mais ce n'est pas fuir le monde : c'est le réinventer. Et c'est s'armer pour le changer. Nous nous sommes constitués par les livres que nous avons lus et aimés, et en nous prenant pour Gavroche ou Jean Valjean, Aramis ou Edmond Dantès, Philip Marlowe ou Etienne Lantier, nous nous déprenions de tout ce qui nous enserrait -et nous continuons ainsi à nous déprendre de ce qui nous pèse, en nous engloutissant dans les pages des livres, plus profondément qu'en n'importe quel film. Il paraît que cette immersion dans les mots est passée de mode. Que le livre est en crise. Nous voyons les librairies fermer, les unes après les autres. A Genève, on en a porté quatre en terre, en peu de temps : Forum, Artou, Panchaud, Descombes. Nous flânions dans les rayonnages de Prior, nous pouvons encore flâner dans ceux de Jullien, mais pour combien de temps ? Dans combien de temps seront nous définitivement condamnés à la Fnac et à la liseuse électronique ? Dans combien de temps les bibliothèques municipales seront-elles rattachées aux musées d'art et d'histoire parce que ce qu'elles offrent sera devenu objet de culte patrimonial et nostalgique ?
Le livre n'est pas une marchandise comme les autres. Il est un facteur central, essentiel de culture. Il est même, depuis Gutemberg, LE premier véhicule de la culture et de l'intelligence, et contrairement à ce que de vains lieux communs nous susurrent, il l'est resté. Parce que l'écrit l'est resté. Les media ne s'annulent pas, ils s'ajoutent, s'empilent, se répondent : l'imprimerie n'a pas tué la parole, la radio n'a pas tué la presse, la télévision n'a pas tué le cinéma, l'internet n'a tué ni la parole, ni l'écrit -et a même donné une vigueur nouvelle au plus vieux medium du monde : la rumeur. Il n'y a pas d'internet sans écrit : l'écrit est sur l'écran, mais l'écran n'est qu'une page. En proférant son célèbre « Le medium, c'est le message », MacLuhan n'a proféré qu'une ânerie, celle d'un plombier nous assurerant que « le tuyau, c'est l'eau »...
Nous avions prôné le « oui » au prix unique du livre, non pour le prix, mais pour le livre. Nous irons au Salon du Livre non pour le salon, mais pour le livre, parce que nous mourrons avant lui, et parce qu'il nous reste inconcevable de pouvoir vivre sans lui.
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