Présidentielle française : rien n'est encore joué...

Il court, il court, le Sarko... après le FN...

François Hollande en tête, Nicolas Sarkozy premier président de la République a être battu au premier tour, le Front National à son plus haut niveau alors que la droite recule, la gauche qui avance malgré le score en demi-teinte du Front de gauche, le « centre » atomisé : le premier tour des présidentielles françaises rend certes optimiste pour le second tour, mais n'en présage en rien. Les intentions de vote au second tour donnent toujours l'avantage, avec huit point d'avance, à Hollande sur Sarkozy, mais rien n'est joué -et on s'attend à ce que Sarkozy fasse tout ce qu'il peut pour attirer à lui les électrices et les électeurs de Le Pen sans repousser celles et ceux de Bayrou... Dans son dernier numéro d'avant le premier tour, «Le Monde» titrait : « Nicolas Sarkozy, l'homme qui courait après les voix du FN ». Ces voix lui ont échappé, mais il va continuer pendant quinze jours à leur courir après.


« Ne demandez rien en échange » de votre soutien à François Hollande pour battre Nicolas Sarkozy... (Jean-Luc Mélenchon)


Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, un président sortant candidat à sa rééelection est devancé par un candidat de l'opposition. Mais si François Hollande est en tête, être en tête au premier tour ne garantit évidemment pas d'être victorieux au deuxième : Giscard d'Estaing avait devancé Mitterrand au premier tour en 1981 -il fut tout de même battu en finale. Et Lionel Jospin avait devancé Jacques Chirac au premier tour en 1995 -et c'est Chirac qui fut élu. La première place n'a guère qu'un effet psychologique, celui d'un adjuvant à la méthode Coué.  En ce premier tour, François Hollande a certes fait mieux que Ségolène Royal en 2007 (elle avait obtenu 25,8 % des suffrages), mais c'est surtout le score de Jean-Luc Mélenchon qui conforte les chances du candidat socialiste : le héraut du Front de Gauche, même s'il ne réussit pas à dépasser la candidate du Front National (les derniers sondages lui promettaient plus que ce qu'il a obtenu : un capital de sympathie et des intentions de vote ne font pas des votes effectifs) obtient tout de même, et de loin, le meilleur résultat d'un candidat de la « gauche de la gauche » depuis plus de 30 ans, et bien plus que les scores additionnés de tous les candidats de ce champ politique en 2007. La mobilisation qu'il a réussi à susciter autour de sa candidature, autour du Front de Gauche (la seule force politique nouvelle qui soit apparue dans cette campagne) et autour de son programme n'est pas seulement le fait d'une addition des bases militantes et électorales des autres candidats de la gauche radicale, elle est aussi le résultat d'un retour à l'engagement politique de gens qui l'avaient déserté -et dont l'apport est indispensable à François Hollande pour l'emporter. Jean-Luc Mélenchon a d'ailleurs éloquemment appelé à voter pour François Hollande, sans rien demander en échange de ce soutien et avait auparavant précisé qu'il ne comptait pas participer au gouvernement. Son ambition est autre : constituer en France une opposition de gauche, même à un gouvernement de gauche. Une opposition qui puisse tirer ce gouvernement sur la gauche, l'empêcher de glisser au centre et prendre la place du populisme d'extrême-droite. Car celui-ci continue de progresser : En 2002, Jean-Marie Le Pen avait obtenu 16,86 % des suffrages. Il était retombé à 10,4 % en 2007. La fille remonte aujourd'hui le score du Front National à un niveau jamais atteint par l'extrême-droite lors d'une élection présidentielle -cela ne signifie pas qu'il y a 20 % de fascistes en France, mais pour le moins qu'il y a des millions de « largués »  par la politique menée depuis des années par la droite au pouvoir (et trop mollement combattue par la gauche) : l'héritage de Sarkozy, c'est Marine Le Pen à plus de 18 %... malgré la forêt de perches rhétoriques et programmatiques tendues par le président-candidat à l'électorat lepéniste.

Ensemble, les candidats de gauche obtiennent autour de 45 % des suffrages. La gauche, si la totalité de son électorat du premier tour se mobilise pour le second, semble presque assurée de la victoire -mais tout est dans ce « presque ». Et dans ce qui suivra une élection de François Hollande à la présidence  : une majorité parlementaire ou non ? Et quelle majorité parlementaire ? Le PS majoritaire à lui seul ou majoritaire en une coalition avec le Front de Gauche et les Verts ? Et une majorité reposant sur quel mouvement social ? Avec quel programme ? Et face à quelle opposition, dans quel état ?
Tout reste donc à faire pour la gauche française : transformer l'essai du premier tour, gagner le second, faire élire une majorité parlementaire, tenir la promesse du changement sur laquelle François Hollande a fait campagne. Les suffrages qui se sont portés hier sur Jean-Luc Mélenchon sont indispensables à François Hollande. Et ceux qui se sont portés sur Eva Joly, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud lui seront bien utiles. Mais cette addition de vote ne fait ni une coalition gouvernementale, ni un programme commun. Une majorité parlementaire, peut-être. Et encore. Il est vrai qu'en face, Sarkozy ne peut encore espérer gagner que si deux électorats incompatibles (séduire l'un c'est dégoûter l'autre) de François Bayrou et Marine Le Pen se rallient massivement à son camp. Par peur de la gauche.
Mais à qui François Hollande fait-il peur ? Aux banquiers privés genevois et à leur clientèle de Neuilly, peut-être, et encore...

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