Merck Serono confirme la fermeture de son site genevois . « Consternation » ou solidarité ?



La direction de Merck Serono n'a rien lâché : la consultation du personnel, c'est fini. Et au terme de cette consultation, on en est quasiment, à quelques détails près, au même point qu'à son lancement : on ferme ! Le siège genevois de Merck Serono sera fermé, celui de Coisins aussi, 500 postes administratifs, de recherche et de développement sont supprimés, ainsi que 80 postes de production, et 750 collaborateurs se voient proposer un déplacement en Allemagne, aux Etats Unis ou en Chine. Rien en Corée du Nord ou en Somalie ? Le Conseil d'Etat genevois exprime sa « colère et sa consternation » ? Nous pourrons, aux côtés des Seronos, exprimer nous aussi notre colère, avec moins d'hypocrisie et moins de consternation, et plus de solidarité, dans la rue avec la manifestation prévue à 14h depuis le site Merck Serono (Sécheron) jusqu’à l’Hôtel de Ville...


« On sait qui commande, dans ce pays ! »


Le personnel de Merck Serono a entamé hier une grève, reconduite aujourd'hui, et mis en place un campement d'« indignés » devant le siège de la société protégée désormais par des gorilles, et qui a interdit dans son encinte toute manifestation, tout signe «bruyant» de protestation et toute utilisation des imprimantes pour dire autre chose que « merci patron ! ».  Les grévistes ont décidé de reconduire le mouvement de grève pour jeudi 21 juin, afin de créer un rapport de force politique pour provoquer la médiation que la loi permet en cas de licenciement collectif -puisque c'est de cela dont il s'agit désormais clairement. Mais une médiation entre qui et qui? Entre les syndicats, dont Merck Serono se contrefout («les gorilles à l'entrée de l'entreprise, voilà le dialogue social selon Merck Serono », résume un délégué du personnel)  et une direction qui ne veut entrer en matière sur rien de sérieux et qui refuse a priori tout ce qui pourrait limiter une restructuration fondée sur la seule volonté d'améliorer les profits (pardon : « la compétitivité »...) de l'entreprise ?


Le gouvernement genevois exprime sa « colère » et sa «consternation» après la confirmation du sabordage de Serono par Merck ? On pourrait, si on la considérait naïvement comme autre chose qu'une posture, comprendre la colère du Conseil d'Etat, mais pas sa consternation : après tout, la pratique de Merck est dans ce pays sans protection contre les licenciements, les délocalisations et les plans de restructuration sur le dos des salariés, à la fois parfaitement légale, et parfaitement logique -de la logique capitaliste, si ce terme vous dit encore quelque chose. Aux Seronos licenciés ou invités à s'expatrier à Pekin, il prend tout son sens : le capital décide, le travail en prend plein la gueule et le gouvernement, «consterné » compte les coups , car si « la grève, c'est l'arme des travailleurs ! », les larmes, c'est la grève de la «gouvernance»... Le gouvernement genevois avait pourtant créé il y a quinze jours une task force regroupant la Confédération, le canton, l'Université et les syndicats, mais elle avait été boycottée par Merck Serono. Le projet majeur de cette task force est une proposition des employés de l'entreprise  : la création d'un « centre de compétences» en biotechnologies, dans l'arc lémanique. Investissement nécessaire : autour de 300 millions. Et le canton attend un « geste significatif » (une centaine de millions) de Merck Serono. Un geste largement à la portée de la multinationale, qui n'a retenu aucune des solutions «alternatives  à la fermeture, mais que personne n'est en mesure de lui imposer, alors même qu'elle a fait 750 millions de francs de bénéfices en 2011, et que son  plan de restructuration est prévu pour lui en rapporter 350 de plus chaque année.


Aux politiques, Merck Serono ne tient après tout qu'un discours clair : préoccupez-vous de ce qui est de votre compétence : pas l'emploi, pas le tissu économique, pas l'innovation -mais la crèche et les bâtiments. Chacun dans son pré, les vaches seront bien gardées : les décisions fondamentales au capital, les accessoires aux collectivités publiques. Une belle leçon de choses politiques, sur le ton qu'avait adopté il y a une trentaine d'années le président du parti radical de l'époque, un certain Yann Richter, après la non-élection au Conseil fédéral d'une candidate socialiste : « On sait maintenant qui commande dans ce pays ! ». Qui commande ? La direction allemande d'un groupe qui contrôle une entreprise genevoise, pas le gouvernement genevois, pas les syndicats, pas les salariés... c'est ce rapport de force qu'il faut modifier, par tous les moyens (« même légaux »...) dont nous disposons. Ils ne sont pas innombrables, et pas forcément de nature à terrifier la direction de Merck Serono, mais ils existent et peuvent tout de même faire réfléchir la multinationale : ils vont du boycott des produits du groupe à l'exigence d'un remboursement des éventuels rabais et cadeaux fiscaux dont elle aurait bénéficié à Genève, en passant par la grève et les manifestations de soutien dans la rue et les parlements.


Sinon quoi ? La résignation ? Les travailleurs de Serono, sans aucune tradition de lutte collective, sans aucune expérience syndicale, nous montrent en tout cas ces jours une combativité dont bien des secteurs fortement syndicalisés devraient s'inspirer...

Commentaires

Articles les plus consultés