Ecrivez votre propre constitution !

Vous prendrez bien un chti coup de blanc avant d'écrire votre propre constitution ?
Une constitution n'est pas un texte sacré, mais à la fois l'expression d'un projet et l'expression de l'organisation du pouvoir et des pouvoirs, à un moment donné, dans un espace culturel donné. Elle doit donc, en tout temps, être modifiée ou remplacée par une autre. Une constitution est à la fois un programme politique et un mode d'emploi institutionnel. Comme programme politique elle énonce des droits fondamentaux, comme mode d'emploi elle décrit une architecture institutionnelle, mais elle est ce que son contexte lui donne la possibilité d'être -ou alors, totalement déconnectée de la réalité, elle est ce que fut la constitution française de l'AN II ou les constitutions soviétiques : des textes parfaits, et purement rhétoriques. Nos constitutions (cantonale, fédérale) sont ce que notre réalité est : pas forcément démocratique, pas forcément égalitaire, pas forcément soucieuse des droits sociaux. Depuis la fin de la Guerre Mondiale, elles ont intégré des droits sociaux et politiques nouveaux, souvent avec l'accord, plus ou moins résigné, du patronat et de ses représentants politiques, mais le capitalisme n'en a pas été aboli pour autant -il a été en quelque sorte « socialisé« » par l'alliance de la social-démocratie, de la démocratie chrétienne et de cette partie de la droite qui se sentait encore héritière du radicalisme démocratique du XIXe siècle. Nous nous retrouvons ainsi avec des constitutions contradictoires, mêlant des éléments libéraux et des éléments sociaux-démocrates, de l'oligarchie et de la démocratie, du droit de propriété et des droits sociaux, un poil de laïcité et une louche de religiosité (l'absence, dans le projet de la constituante, d'une séparation claire entre l'Eglise et l'Etat est inacceptable aux yeux de la Coordination laïque genevoise. Certes, mais cette même absence dans la constitution actuelle est-elle acceptable ?)...
Il ne faut pas sacraliser l'exercice constituant : il n'est pas l'alpha et l'omega de l'expression d'un projet politique, et les meilleures constitutions sont souvent les plus impuissantes : la Constitution française de l'An II, celle de 1793, était parfaite, et fut sans doute la plus démocratique de toutes les constitutions françaises : elle ne fut jamais appliquée, et deux ans plus tard, celle de 1795 revenait en arrière sur les conquêtes révolutionnaires les plus importantes, abolissant le suffrage universel (masculin), rétablissant le suffrage censitaire, réduisant les droits politiques et sociaux, et préparant aux constitutions suivantes, celles du bonapartisme puis de la restauration «libérale» et de la monarchie orléaniste. A l'inverse, des mesures radicales peuvent être prises hors de tout cadre constitutionnel : la Commune de Paris a ainsi décidé de l'élection et de la révocation populaires de toutes les charges publiques (y compris administratives), a plafonné le salaire des titulaires de ces charges à celui d'un ouvrier qualifié, a annulé les arriérés de loyer... aucune constitution ne l'y autorisait...
Le 14 octobre, les Genevois et les Genevois auront le choix entre deux constitutions, s'excluant l'une l'autre: la constitution actuelle, et le projet de la constituante (qui abrogera la première s'il est accepté). Lisez-les, jaugez-les, comparez-les, et posez-vous la question : l'une ou l'autre vaut-elle la peine qu'on la défende contre l'autre ? On connaît notre réponse : fondamentalement elles se valent. Les « avancées » du projet de la constituante ne sont pas telles qu'il mérite qu'on le soutienne, et la constitution actuelle ne vaut pas qu'on la maintienne. On votera donc blanc, en vous invitant à en faire autant. Et, comme vous y invite la Jeunesse Socialiste et comme nous nous sommes aventurés à le faire (www.perso.ch/troubles/constitution.pdf), à écrire votre propre constitution...
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