Politique suisse d'asile : Le Sénat adoucit le durcissement...
En juin dernier, le Conseil national, contre l'avis du Conseil
fédéral, avait décidé (par une coalition majoritaire de la droite et
de l'extrême-droite, et sur proposition du président du PLR) de
supprimer toute aide sociale à tous les requérants d'asile, y
compris ceux qui n'ont pas été déboutés de leur demande. Cette
décision a cependant été contestée par une décision inverse du
Conseil des Etats, inquiet des coûts supplémentaires qu'elle
entraînerait pour les cantons, et également inquiet du risque de
voir une partie des requérants, privés de toute aide autre qu'une
aide d'urgence, basculer dans la délinquance. Mais pour le reste, le
Sénat ayant confirmé toutes les décisions du Conseil National, il
n'a en somme qu'adouci sur un seul point le nouveau durcissement de
la politique d'asile de la Suisse.
Le fin du fin de la politique suisse d'asile : rendre les requérants invisibles
Le Conseil des Etats a donc refusé de supprimer totalement l'aide sociale aux requérants d'asile. Mais il a en revanche confirmé la suppression de la possibilité de demander l'asile dans les ambassades de Suisse, la création de centres pour requérants « récalcitrants », et sorti la désertion de la liste des causes d'obtention de l'asile, lors même qu'elle est souvent punie, au moins de «traitements inhumains et dégradants», jusqu'à la torture, voire la mort. Comme pour la plupart des mesures contenues dans la succession interminable des « durcissements » de la loi sur l'asile, la suppression, pour tous les requérants d'asile, de l'aide sociale (inférieure d'un tiers à celle accordée aux Suisses), remplacée par une aide d'urgence de quelques francs par jour, le plus souvent versés en bons ou en nature, n'a de justification que celle d'un symbole -celui, précisément, de ce « durcissement » obsessionnel : elle n'a pratiquement pas d'effet incitatif au départ des requérants déboutés -or l'un des prétextes avancée pour justifier cette mesure, votée par la majorité de droite du Conseil National, était qu'elle allait les inciter à quitter la Suisse. En réalité, tous motifs de départ confondus, seul un requérant débouté sur six quitte la Suisse de manière contrôlée. Et les cinq autres ? Ils restent, ou disparaissent dans la nature, en passant du statut de requérants déboutés à celui de clandestins sans-papiers...
La Suisse se barricade contres les réfugiés et renforce constamment sa barricade, mais les réquérants entrent tout de même (en 2011, 45 % de plus qu'en 2010...). Parce que les réfugiés se contrefoutent de savoir si les lois suisses sur l'asile sont ou non restrictives. Ils ont besoin de partir de chez eux, ils partent. Ils ont besoin d'arriver quelque part, et s'ils ne meurent pas en route ils y arrivent. Ils ne comparent pas les lois en vigueur dans les pays de (mauvais) accueil, mais ils comparent notre richesse à leur propre pauvreté.
« Il n'est jamais légitime pour un Etat de créer des lois, d'empiéter sur la sphère de liberté des individus et de poser des contraintes à la vie en société sans amener la preuve de l'efficacité de ces mesures », écrivent à propos du droit de l'asile, Johan Rochel et Stefan Schlegel (dans La Cité du 20 juillet) : « en d'autres mots, les lois inutiles sont illégitimes : elles violent la liberté des individus sans permettre d'atteindre le but qu'elles poursuivent »... on y est en plein, avec la politique suisse d'immigration. On y est même tellement que la preuve de l'efficacité des mesures prises n'est attendue par personne. On est dans la gesticulation pure. Mais si les mesures prises n'ont aucun des effets qu'on leur attribuait, elles en ont qu'on n'avait pas annoncés, qu'on pouvait prévoir mais dont, pour parler clairement, on se contrefout : les catégories de requérants d'asile, les plus fragiles (femmes seules, mères seules avec enfants, personnes âgées, malades, handicapés...) sont durement frappées par des mesures dont on assurait qu'elles étaient destinées à combattre des abus commis par d'autres catégories (les hommes jeunes, essentiellement). Et comme on le sait désormais, chaque durcissement des conditions d'obtention de l'asile produit des clandestins, des sans-papiers et des délinquants. Les mesures restrictives de l'asile et de l'immigration aggravent les problèmes qu'elles étaient supposées combattre ? Peu importe à ceux qui les ont prises : ils pourront produire des chiffres attestant d'une réduction du nombre des réfugiés sans dire qu'elle se paie d'une augmentation de celui des clandestins...
La Suisse mène ainsi, à coups de « durcissements » successifs, comme la plupart des Etats européens, une politique d'asile totalement inefficace, qui ne dissuade aucun requérant potentiel de venir en Suisse, et pas beaucoup de requérants déboutés d'en partir, et pas non plus l'extrême-droite que l'on a cru calmer en satisfaisant l'une de ses lubies de revendiquer toujours plus de restrictions au droit d'asile.
1700 requérants d'asile qui devaient être renvoyés, comme le permet l'accord de Dublin, vers un pays où ils s'étaient annoncés avant d'arriver en Suisse, ont disparu dans la nature en 2011 sans laisser de traces, admet l'Office fédéral des migrations : C'est peut-être cela, le fin du fin de la politique suisse d'asile : des requérants d'asile transformés en clandestins qui n'apparaissent pas dans les statistiques, qu'on n'a pas à héberger, dont on n'a plus à gérer les dossiers administrativement, et à qui on a aucune aide, ni sociale ni d'urgence, à apporter...
Le fin du fin de la politique suisse d'asile : rendre les requérants invisibles
Le Conseil des Etats a donc refusé de supprimer totalement l'aide sociale aux requérants d'asile. Mais il a en revanche confirmé la suppression de la possibilité de demander l'asile dans les ambassades de Suisse, la création de centres pour requérants « récalcitrants », et sorti la désertion de la liste des causes d'obtention de l'asile, lors même qu'elle est souvent punie, au moins de «traitements inhumains et dégradants», jusqu'à la torture, voire la mort. Comme pour la plupart des mesures contenues dans la succession interminable des « durcissements » de la loi sur l'asile, la suppression, pour tous les requérants d'asile, de l'aide sociale (inférieure d'un tiers à celle accordée aux Suisses), remplacée par une aide d'urgence de quelques francs par jour, le plus souvent versés en bons ou en nature, n'a de justification que celle d'un symbole -celui, précisément, de ce « durcissement » obsessionnel : elle n'a pratiquement pas d'effet incitatif au départ des requérants déboutés -or l'un des prétextes avancée pour justifier cette mesure, votée par la majorité de droite du Conseil National, était qu'elle allait les inciter à quitter la Suisse. En réalité, tous motifs de départ confondus, seul un requérant débouté sur six quitte la Suisse de manière contrôlée. Et les cinq autres ? Ils restent, ou disparaissent dans la nature, en passant du statut de requérants déboutés à celui de clandestins sans-papiers...
La Suisse se barricade contres les réfugiés et renforce constamment sa barricade, mais les réquérants entrent tout de même (en 2011, 45 % de plus qu'en 2010...). Parce que les réfugiés se contrefoutent de savoir si les lois suisses sur l'asile sont ou non restrictives. Ils ont besoin de partir de chez eux, ils partent. Ils ont besoin d'arriver quelque part, et s'ils ne meurent pas en route ils y arrivent. Ils ne comparent pas les lois en vigueur dans les pays de (mauvais) accueil, mais ils comparent notre richesse à leur propre pauvreté.
« Il n'est jamais légitime pour un Etat de créer des lois, d'empiéter sur la sphère de liberté des individus et de poser des contraintes à la vie en société sans amener la preuve de l'efficacité de ces mesures », écrivent à propos du droit de l'asile, Johan Rochel et Stefan Schlegel (dans La Cité du 20 juillet) : « en d'autres mots, les lois inutiles sont illégitimes : elles violent la liberté des individus sans permettre d'atteindre le but qu'elles poursuivent »... on y est en plein, avec la politique suisse d'immigration. On y est même tellement que la preuve de l'efficacité des mesures prises n'est attendue par personne. On est dans la gesticulation pure. Mais si les mesures prises n'ont aucun des effets qu'on leur attribuait, elles en ont qu'on n'avait pas annoncés, qu'on pouvait prévoir mais dont, pour parler clairement, on se contrefout : les catégories de requérants d'asile, les plus fragiles (femmes seules, mères seules avec enfants, personnes âgées, malades, handicapés...) sont durement frappées par des mesures dont on assurait qu'elles étaient destinées à combattre des abus commis par d'autres catégories (les hommes jeunes, essentiellement). Et comme on le sait désormais, chaque durcissement des conditions d'obtention de l'asile produit des clandestins, des sans-papiers et des délinquants. Les mesures restrictives de l'asile et de l'immigration aggravent les problèmes qu'elles étaient supposées combattre ? Peu importe à ceux qui les ont prises : ils pourront produire des chiffres attestant d'une réduction du nombre des réfugiés sans dire qu'elle se paie d'une augmentation de celui des clandestins...
La Suisse mène ainsi, à coups de « durcissements » successifs, comme la plupart des Etats européens, une politique d'asile totalement inefficace, qui ne dissuade aucun requérant potentiel de venir en Suisse, et pas beaucoup de requérants déboutés d'en partir, et pas non plus l'extrême-droite que l'on a cru calmer en satisfaisant l'une de ses lubies de revendiquer toujours plus de restrictions au droit d'asile.
1700 requérants d'asile qui devaient être renvoyés, comme le permet l'accord de Dublin, vers un pays où ils s'étaient annoncés avant d'arriver en Suisse, ont disparu dans la nature en 2011 sans laisser de traces, admet l'Office fédéral des migrations : C'est peut-être cela, le fin du fin de la politique suisse d'asile : des requérants d'asile transformés en clandestins qui n'apparaissent pas dans les statistiques, qu'on n'a pas à héberger, dont on n'a plus à gérer les dossiers administrativement, et à qui on a aucune aide, ni sociale ni d'urgence, à apporter...
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