Quand la droite cantonale genevoise refuse l'entrée en matière sur le budget cantonal

Un mot d'ordre : Courage, fuyons !

Au Grand Conseil genevois, un front de la droite de la droite (PLR, UDC, MCG) a imposé, contre les autres groupes (PS, Verts, PDC) un pur et simple refus d'entrée en matière sur le budget cantonal, au prétexte d'un déficit excessif (alors qu'avec ses 278 millions, il est de 72 millions moindre que celui de l'année précédente, qui avait été accepté et salué par le PLR). C'est un gouvernement à majorité de droite qui est ainsi giflé par la droite. Mais c'est surtout un parlement dont la majorité refuse de faire le travail pour lequel, historiquement, les parlements ont été constitués, et des députés qui refusent de faire le travail pour lequel ils ont été élus. Pourquoi ? Sans doute parce qu'on est à un an des élections cantonales, et que bien plus que la question de savoir quels moyens accorder à la République pour faire quel travail, c'est la question « de combien de séants de députés et de fauteuils de ministres PLR, UDC et MCG pourra-t-on écraser les sièges du parlement et les fauteuils du gouvernement l'année prochaine » qui taraude la droite. Et que d'ici là, elle s'impose un mot d'ordre, un seul : Courage, fuyons devant nos responsabilités politiques !


Ouvrir une école pour fermer une prison ou fermer une école pour payer une prison ?

Pour la première fois, le Grand Conseil genevois (par 54 voix PLR, UDC et MCG) a refusé d'entrer en matière sur le projet de budget du canton. A défaut d'être courageuse, la prise de position de la majorité parlementaire genevoise est exemplaire de la conception qu'a cette majorité de l'action politique -et au niveau de couardise qu'elle atteint, on ne peut même plus parler de programme politique, juste d'intérêts politiciens. Ou d'une posture politicienne se traduisant par une exigence arithmétique : diviser le déficit par deux. Pourquoi ? Peu importe. Comment ? Peu importe -à ceci près que comme ceux qui veulent diviser le déficit par deux veulent aussi plus de policiers et plus de prisons, il va falloir tailler à la hache partout ailleurs que dans le département du capitaine Maudet : tailler dans l'école, dans la politique sociale, dans les transports, dans la politique régionale, dans le logement. Et produire ainsi une sorte de mouvement perpétuel, ou de cycle infernal : en réduisant les possibilité d'intervention des collectivités publiques dans le champ social, on produit de la précarité, qui produit de l'insécurité, à partir de laquelle on réclame plus de policiers et plus de prisons, qu'on financera en réduisant l'intervention des collectivités publiques etc... etc... un mécanisme imbécile, mais qui produit des effets à un peu plus long terme que celui auquel se réduisent les visions de ceux qui le huilent : on ne verra pas ces effets avant les élections. Et on les fera payer après. «Ouvrez une école, vous fermerez une prison », plaidait le vieil Hugo ? « Fermez une école, vous vous paierez une prison » répond l'écho PLR-UDC-MCG genevois...

Résumons : la droite a refusé l'entrée en matière sur le budget du canton, et après ? Et maintenant ? Le Conseil d'Etat peut présenter un nouveau budget, ou représenter la copie refusée, en la ripolinant un peu pour qu'elle puisse complaire à une frange de cette opposition de droite à un gouvernement de droite. Ou contraindre, par le passage au régime des « douzièmes provisionnels» (reprise du budget précédent découpé en tranches mensuelles) le parlement à faire son boulot. Quitte à ce que le peuple, finalement, se prononce et tranche dans le vif : d'abord parce que toutes les mesures spécifiques qui seront adoptées par le parlement cantonal en dehors de celles incluses dans le budget seront ou pourront être soumises au référendum populaire. Et que si le canton fait se succéder deux comptes déficitaires pour 2012 et 2013, en 2014 les citoyennes et les citoyens devront choisir entre deux solutions : augmenter les impôts, après des années de cadeaux fiscaux (il ne s'agirait donc que de rétablir la pression fiscale antérieure à ces cadeaux), ou réduire les prestations, en opérant des coupes budgétaires de plusieurs centaines de millions...

On ne peut, là où nous en sommes des affres budgétaires cantonales, que comparer cette situation à celle de la Ville, et à l'état du budget municipal. Si d'aventure le budget municipal devait rester en déficit (et il le serait d'une paille : un centième des dépenses totales), il aurait l'air fin, le Conseil d'Etat, de refuser à la Ville le droit de présenter un budget déficitaire en sachant qu'elle, au moins, pourra compenser ce déficit les années suivantes, alors que lui, le canton, ne sait ni comment équilibrer son budget annuel, ni comment compenser son déficit d'une année sur l'autre, et ne prévoit, au mieux,  de retrouver l'équilibre budgétaire qu'en 2014...

Alors comme ça. même lorsqu'il s'agit de débats budgétaires, il convient de continuer à scander «Vive la Commune» ? c'est dire si ce vieux slogan s'impose lorsqu'il s'agit, par exemple, de politique sociale ou de politique culturelle...

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