Fonds de tiroir

Quelques jours avant la fin annoncée du monde, la finale suisse des candidats à l'Eurovision a désigné, comme représentante helvétique à la finale (à Malmö, en mai prochain) du grand concours continental de soupe musicale... l'Armée du Salut, en la personne de six de ses musiciens, dont un contrebassiste de 94 ans. Si avec ça ce pays et tous ses habitants ne survivaient pas à l'Apocalypse et ne gagnaient pas le Paradis après le Jugement, ça aurait été à désespérer de la Bonté du Tout Puissant. Et ça a marché : la fin du monde annoncée pour le 21 décembre. n'a pas eu lieu. Pas de doute, c'est grâce à l'Armée du Salut. Qui, généreuse, n'a pas sauvé seulement la Suisse, mais carrément le monde entier. Sauf qu'on risque d'obliger nos salutistes à changer de nom et à quitter leurs uniformes pour pouvoir concourir à Malmö, et qu'en tout cas le bassiste de 94 ans s'y refuse. N'empêche, avec ou sans uniforme, et sous leur nom ou un autre,  manquerait plus qu'ils la gagnent, l'Eurovision, les salutistes suisses... on pourrait alors la transformer en un concours de cantiques. Et y présenter la (future) chorale du Conseil Municipal chantant le Cé qué lé nô... 

Le 29 juin, Pierre Maudet prenait ses fonctions à la tête du Département cantonal de la Sécurité, Cinq jours plus tard,il validait une directive rédigée par son « responsable de la communication » intimant l'ordre à tout collaborateur du département qui serait «  sollicité » par les media d'en « informer immédiatement le secrétaire général adjoint », qui l'autorisera éventuellement à répondre, mais uniquement « sur des éléments strictement factuels et techniques« ». Quant à la cheffe de la police et au directeur de la prison, ils ont  l'interdiction de s'exprimer sur quoi que ce soit sans le feu vert de Maudet soi-même, et doivent faire valider tous leurs propos. Le vice-président du syndicat des gardiens de prison, qui avait déclaré que celle-ci pouvait «  accueillir », en les entassant, « jusqu'à 950 détenus », s'est fait taper sur les doigts au prétexte que ces propos « sortent très clairement du champ syndical » et « ne portent pas directement sur les conditions de travail» des gardiens. Ah bon ? Entasser dans la prison trois fois plus de détenus qu'elle est prévue pour en contenir, ça n'a pas d'incidence sur les conditions de travail du personnel que les syndicats sont supposés défendre ? Le 29 novembre dernier, Champ-Dollon a passé le cap des 700 détenus (elle en accueillait 702), pour 376 places. Soit un taux d'occupation de 186 %. Sept détenus dorment déjà sur des matelas à même le sol, et des cellules prévues pour trois personnes et accueillent six. ça prouve au moins que quand on veut résoudre la crise du logement, on peut. En entassant.  Maudet explique dans la «Tribune de Genève»  du 22 décembre que « chacun doit être à sa place ». Ouais: dire des conneries, c'est une prérogative du chef...

On n'en a pas encore fini avec les aventures des anciens juges de la Cour des Comptes, Daniel Devaud et Stéphane Geiger, dont le Grand Conseil a levé le 13 décembre l'immunité pour pouvoir donner du grain à moudre à la commission parlementaire d'enquête sur leurs débordements respectifs, réels ou supposés, et pour permettre une instruction menée par le Ministère Public, mais seulement contre Devaud, accusé de « violation du secret de fonction » pour avoir transmis au Grand Conseil, autorité de surveillance de la Cour des Comptes, un rapport d'audit qu'il accusait ses collègues (dont Geiger) de bloquer (le rapport, remanié, a été rendu public avant noël). Devaud est furax, parce que le Grand Conseil ne lui a communiqué que les attendus formels, voire formalistes, de sa décision de levée de l'immunité, mais pas les motivations, sur le fond, de cette décision. Or pour pouvoir faire recours contre elle, ce qu'il envisage de faire, Devaud a besoin de savoir pourquoi elle a été prise (à huis-clos, et sans rapport écrit, et sans précision dans le communiqué final). Et il a besoin de le savoir avant que le délai de recours de 30 jours (plus les féeries judiciaires) soit écoulé. Il a aussi besoin, pour pouvoir se défendre des accusations portées contre lui, que son secret de fonction (cela même qu'on l'accuse d'avoir violé) soit levé. Bon, c'est clair, la majorité du Grand Conseil n'a pas du tout envie que Devaud puisse se défendre. Mais aussi, pourquoi diable tient-il à ce point à recevoir l'autorisation de parler ? On ne le délivre pas du secret de fonction ?  Qu'il s'en délivre lui-même ! c'est pas parce qu'on vous intime l'ordre de vous taire qu'il faut se taire si on a quelque chose à dire...

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