Gauche et droite genevoises, le retour...

Trois blocs ? Non : deux...

En commission des finances du Conseil Municipal de la Ville de Genève, la droite, toute la droite, a sorti son boulier et son sabre, et proposé de supprimer un service entier, 45 postes de travail, un fonds, une ligne budgétaire (au moins), sans autre motif, et moins encore de raison, que de montrer qu'elle peut être majoritaire, même en Ville. On n'y croyait pas vraiment, mais on avait contribué, par paresse intellectuelle, à la colporter, cette image d'un champ politique genevois partagé entre trois blocs reproduisant chacun les alliances électorales de cet automne : une gauche, une droite et une extrême-droite.  L'exercice auquel vient de se livrer la droite municipale unie, du PDC au MCG, fait de cette image une illusion d'optique. Il n'y a pas «  trois blocs« » à Genève, il n'y en a toujours que deux. La gauche et la droite. Rien au milieu, rien ailleurs. Pas de « centre », pas de « ni de gauche, ni de droite », mais une droite de laquelle l'extrême-droite n'est pas exclue.
Et dont elle conduit même le char à bœufs.


« On ne transige pas sur nos valeurs »

La droite municipale genevoise a pris son gros sécateur, et une majorité de la commission des finances propose de supprimer purement et simplement un service (celui de l'« Agenda 21 », qui assure les choix de la Ville en matière de développement durable, d'égalité, de formation, de lutte contre le chômage et les discriminations) qui a le malheur de lui déplaire précisément par son champ d'activité, et 32 postes de travailleurs sociaux de terrain, des Unités d'Action Communautaire, (eux agissent dans le soutien aux activités de quartier, auprès des aînés, des personnes seules, des exclus). Au total, ce sont 45 postes d'action sociale qui seraient supprimés. Au passage, une ligne budgétaire destinée à soutenir les projets culturels transfrontaliers subit le même sort, pour une économie de bouts de chandelles (100'000 francs, moins d'un dixième de pour mille du budget de la Ville), et un fonds destiné à la formation du personnel municipal est lui aussi réduit à néant. Prétexte de cet élagage ? Dégager un excédent budgétaire. Pour en faire quoi ? Rien, les excédents budgétaires n'étant pas capitalisables. Il est vrai qu'il ne s'agissait que d'un prétexte, puisque les mêmes partis dont les représentants se sont amusés en commission à produire (sur le papier, pas dans la réalité) cet excédent avaient passé les semaines précédentes à clamer qu'en aucun cas ils ne voteraient un budget déficitaire, et qu'ils exigaient un budget « équilibré ». Ce que, précisément, le Conseil Administratif proposait. Mais peu leur importait en réalité le budget : ce qu'il s'agissait de créer, c'est un bloc de droite unie, allant du PDC au MCG en passant par le PLR et l'UDC. Stupide, l'exercice a au moins un mérite : celui de clarifier les choses et les fronts. Non seulement en s'attaquant à des prestations sociales la droite (unie) rend visible sa cible réelle, la présence de la municipalité sur le terrain de la lutte contre la précarité, les discriminations et la dégradation des conditions de vie, mais elle rend également visible la structuration du champ politique genevois. Il s'agit là de celui de la Ville, mais nul ne doute que les seconds couteaux de la droite municipale ne sont précisément que les sicaires de leurs grands frères cantonaux.

Il va donc falloir, comme il y a deux ans pour défendre les engagements culturels de la Ville, se mopbiliser pour défendre ses engagements sociaux. Et c'est affaire de construction d'un rapport de forces politiques, avant le vote final du budget, dans un mois, par le Conseil Municipal (fort heureusement, les débats précédant se vote se font sur la base du projet du Conseil Administratif, les pulsions de la majorité de la commissions des finances n'étant que des propositions d'amendements à ce budget).
Il nous souvient alors qu'il y a deux ans, les mêmes forces politiques avaient tenté le même exercice d'amputation, dans le budget culturel. Ils avaient finalement dû renoncer à défendre leurs propres propositions lors de la séance du Conseil Municipal débattant du budget, et l'approuvant. Parce qu'elles s'étaient rendu compte de leur inanité (et de leurs conséquences désastreuses) ? Que non pas : parce que les milieux culturels s'étaient mobilisés, y compris dans la rue, pour dire leur fait à ces apprntis élagueurs. L'exercice a vertu pédagogique, et fonction d'inspiration. En commission et en séance plénière, la gauche, évidemment, et elle le dira encore ce matin, s'est opposée et s'opposera par tous les moyens à sa disposition à l'entreprise de démolition de l'action sociale proposée par la droitunie. Mais cette opposition ne fera pas reculer les démolisseurs si elle n'est pas portée, soutenue, précédée même, par une mobilisation hors du parlement -dans la rue, sur les lieux de travail, dans les media. Il s'agit bien de construire un rapport de forces politique pour que les propositions de la droite retournent là d'où elles n'auraient jamais dû sortir. Et cette construction commence maintenant : Un rapport de forces politique, ça ne se construit pas au parlement, au moment d'un vote, mais avant, et dans la société  Les débats parlementaires illustrent le rapport de force, ils ne le constituent pas, et les votes parlementaires ne sont que l'aboutissement, la traduction de ce rapport de force.

L'exercice budgétaire municipal va ainsi être l'illustration de la réorganisation de la droite genevoise. Puisse-t-il être aussi celui de la résistance de la gauche genevoise. Et même, de la capacité d'une partie de la droite à ne pas faire le contraire de ce qu'elle se plaît à proclamer médiatiquement, tout en le méprisant politiquement : « On ne transige pas sur nos valeurs », proclame Pierre Maudet sur son blog, en dénonçant les « hommes politiques » qui attisent « la haine de l'autre » et érigent « plusieurs catégories de population les unes contre les autres ». Ne pas transiger sur ses valeurs, c'est bien, ça répond à quelques miasmes. Mais quand on fait alliance avec ceux qui les diffusent, ces miasmes, et qu'on ne fait cette alliance que pour prouver qu'on est capables d'être majoritaires avec eux dans une commission  du Conseil Municipal, comment proclamer, avec quelque espérance d'être pris au sérieux, qu'« on ne transige pas avec nos valeurs » si on pactise avec ceux qui les vomissent ?  



Suite, et certainement pas fin

On a oublié, vendredi, dans nos vitupérations contre les âneries budgétaires de la droite municipale, que celle-ci ne proposait pas seulement de supprimer le service "Agenda 21" et de virer une trentaine de travailleurs sociaux, mais aussi de couper dans toutes les "lignes 31" finançant le fonctionnement même de l'administration municipale. Or dans le seul domaine de la culture et du sport, ces coupes provoqueraient de gros dégâts : dans l'organisation des manifestations culturelles (Fête de la Musique, Nuit des Musées, Musiques en été, etc) et sportives (Urban Geneva, Jeux de Genève, VTT Trial, etc.), dans l'animation dans les bibliothèques municipales et leurs possibilités d'acquisition, dans la capacité d'entretien du matériel sportif courant, dans les possibilités d'expositions temporaires dans les musées etc... Mais bon, hein, tout ça, c'est de la culture (et un peu de sport), et on sait bien que la culture, c'est un truc de gauche... acheter des livres pour les bibliothèques, pis quoi encore ? Apprendre à lire ? Pis après, les gens, ils vont lire des trucs même pas écrits par des gens de chez nous ? ou des naturalisés genre Haldas ?

Communiqué de l'Alternative
Lors du vote d’entrée en matière le 9 septembre 2013, le PLR, le PDC, le MCG et l’UDC, majoritaires au Conseil municipal de la Ville de Genève, avaient posé comme objectif politique l’équilibre budgétaire.
Un projet de budget 2014 amendé avec un bénéfice de 43’000 francs a été présenté début novembre par le Conseil administratif à la Commission des finances. Frustrées par cet équilibre budgétaire, la droite et l’extrême-droite ont voté en commission des finances une série de coupes scandaleuses et arbitraires. Avec à la clé : la suppression de 49 emplois et de nombreuses prestations indispensables à la population.

Concrètement, à titre d’exemple, seront fermés dès janvier 2014 :
- les espaces de quartier, tel que le 99 rue de Lyon;
- les clubs d’aînés dans les différents quartiers ;
- les points Info Services.
En outre, la suppression des Unités d’action communautaire (UAC) et de l’Agenda 21 va détruire la politique municipale en matière de cohésion sociale, de développement durable et d’égalité.
Enfin, ces coupes budgétaires représentent le licenciement de 49 personnes.

Le PS, les Verts et Ensemble à Gauche dénoncent ces attaques sans précédent. Une conférence de presse (présentera) une stratégie et des actions de mobilisation.

 

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