Les habits neufs de la xénophobie : l'égologie polique
Dans trois mois, on votera sur une initiative intitulée « Halte à la surpopulation », lancée par une association « Ecologie et Population » (Ecopop), dont le projet (un seuil migratoire indépassable d'à peu près 16'000 personnes par an), débarrassé de ses oripeaux rhétoriques écolos, tient en une phrase, une seule : les autres sont de trop. Les autres, pas nous. Cette phrase n'étant pas sous cette formulation, politiquement et socialement correcte, les initiants, dont la plupart tiennent tout de même à passer pour d'aimables partisans du gentil « vivre ensemble » (mais entre soi), tentent désespérément de faire passer leur revendication d'un ghetto de vieux riches blancs propres sur eux protégé des jeunes métèques pauvres et mal poutzés pour une nouvelle forme de tiers-mondisme écolo. Ainsi passe-t-on de l'écologie à l'égologie...
Un projet pour la Suisse : un ghetto de nains de jardins donnant des leçons de planning familial au reste du monde...
L'hypothèse malthusienne sur laquelle se fonde Ecopop relève du fantasme paranoïaque, en sus du réflexe xénophobe qui sous-tend toute sa démarche : Si la population mondiale devrait certes continuer de croître jusque vers 2050 (pour diminuer ensuite), ce n'est pas à cause d'une natalité galopante mais du fait, même dans les pays les plus pauvres, de l'allongement de l'espérance de vie due à une amélioration des conditions sanitaires et d'une réduction du nombre d'enfants par femme en âge d'en avoir, ce qui, en améliorant la prise en charge des enfants par la réduction même de leur nombre, améliore à la fois l'espérance de vie des femmes (par la réduction de la mortalitté en couches) et celle des enfants nés. Or, en réduisant le planning familial à une méthode de décroissance démographique, Ecopop casse les efforts faits depuis les années septante par la Suisse et les organisations internationales qu'elle abrite, pour améliorer la santé des femmes.
Le raisonnement que tiennent nos « écoxénophobes » inverse les causes et les effets de la réduction du taux de natalité : cette réduction est la conséquence directe d'une amélioration des conditions de vie, des droits sociaux, du niveau de formation et des libertés des populations en général et des femmes en particulier. Et cette amélioration est elle-même la condition d'une réduction de l'émigration au départ des pays du sud, en direction des pays du nord. Même l'UDC l'a compris, et appelle à refuser l'initiative d'Ecopop -ce qui dit bien qu'on est dans quelque chose qui tient de l'évidence : Ce n'est pas la surpopulation qui créée de la pauvreté, et donc de l'émigration, c'est la pauvreté qui empêche une maîtrise de la démographie, et donc de l'émigration Ce n'est donc pas en conditionnant l'aide au développement à son affectation au contrôle des naissances qu'on va en quoi que ce soit « résoudre le problème de la surpopulation », à supposer même que « problème » il y ait, mais au contraire en faisant tout ce qui est possible en termes de coopération au développement pour que, capables de vivre dignement chez elles, les populations concernées le soient aussi de maîtriser leur démographie.
Quant à la prétention écolo de l'initiative, elle est encore plus délirante que sa prétention démographique : obnubilée par la croissance démographique, elle occulte que les pays les plus polluants, les sociétés écologiquement les plus dévastatrices, ne sont pas les pays les plus pauvres et les sociétés les plus précaires, mais les pays riches, les sociétés gavées et sécurisées que toute la démarche d'Ecopop veut préserver. Avec 8 millions d'habitants, la Suisse seule a un produit intérieur brut supérieur à celui des 850 millions d'habitants des 34 pays les plus pauvres. Un produit intérieur brut supérieur à ce point, cela signifie une consommation de biens et de ressources naturelles incomparablement supérieure elle aussi, et donc une pression sur l'environnement et une pollution incomparablement plus fortes : Chaque membre du comité d'initiative d'Ecopop est coupable d'une dégradation de l'environnement des dizaines de fois supérieure à celle des immigrants que l'initiative veut bloquer à la frontière (faute de pouvoir les empêcher de partir). Ce n'est pas la population qu'il faut réduire, c'est l'utilisation qu'elle fait des ressources naturelles, et la pression qu'elle fait peser sur l'environnement. Cet objectif là, Ecopop s'y refuse. Parce qu'il menacerait « notre mode de vie », notre confort, notre consommation, et la « gouvernance » même de nos sociétés marchandes, et fort désireuses de le rester.
Ecopop construit l'illusion d'une Suisse où, se préservant de l'immigration, vieillissant entre nous sans renoncer à rien de notre mode de vie, nous nous donnerions bonne conscience en peignant en vert les murs de notre ghetto de nains de jardins se voulant protégés du monde mais lui donnant tout de même des leçons (payantes) de planning familial.
Le rêve, quoi.
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