022 Télégenève (Naxoo), un an après : Le "service au public" corseté par l'intérêt privé...
Comme on n'a pas encore cuvé l'ouzo de la victoire ingurgité hier soir, on attendra
demain et d'avoir les idées claires pour vous parler de la Grèce. Aujourd'hui, on se replie sur
une valeur genevoise sûre : Naxoo.
Une année après le refus, en
votation populaire, de la proposition du Conseil Administratif et
du Conseil Municipal de la Ville de Genève de vendre les actions
détenues, en tant qu'actionnaire majoritaire, par la Ville de
Genève dans le téléréseau 022-Télégenève (Naxoo pour les intimes),
le Conseil Municipal se prononcera aujourd'hui sur le rapport de
la commission des finances, chargée de traiter (ou de maltraiter)
trois motions différentes, l'une (déposée avant la votation) du
MCG, la deuxième du groupe "Ensemble à Gauche", la troisième du
PLR et de l'UDC, portant sur à peu près tout ce qui, s'agissant de
ce dossier, a précédé, accompagné et suivi la votation. La
commission des Finances a mis quatre mois pour venir à bout de
l'étude des motions et la majorité (MCG, UDC, PLR, PDC, EàG) de la
commission en a tiré une proposition assez insignifiante faite au
Conseil
Municipal. Enfin,
la semaine dernière, répondant indirectement à cette proposition,
le Conseil Administratif a présenté un plan d'action
pour développer les prestations de service public de la société,
en proposant que tous les représentants de la Municipalité au sein
du Conseil d'administration de Naxoo s'accordent sur des
propositions, des stratégies et une "vision" communes. On
s'accordera à considérer que c'est bien le moins qu'ils doivent
faire, mais que peut faire réellement la Ville, actionnaire
certes majoritaire de Naxoo, mais corseté par des contrats, une
convention et des lois qui l'empêchent de mettre réellement cette
société "au service du public" et la mettent au service de
l'intérêt privé de l'actionnaire minoritaire ?
"022 Télégenève" ? Un sac de noeud posé dans une usine à gaz où
des chimères jouent au cadavre exquis
Début juin dernier -il y a huit mois, donc, dans une lettre aux
membres du Conseil administratif et du Conseil Municipal de la
Ville de Genève, la section genevoise du syndicat des media et de
la communication Syndicom, qui fut à l'initiative
du référendum (victorieux) contre la prise de contrôle totale de l'entreprise par la
multinationale UPC Cablecom, faisait part à la Municipalité, "de
sa préoccupation et de son mécontentement" face à l'absence de
suivi par les autorités municipales du vote populaire refusant
cette privatisation. Le syndicat demandait trois choses à la Ville
-trois engagements qui semblent relever tous de la cohérence avec
le vote populaire et le statut d'actionnaire majoritaire de la
Ville dans Télégenève : la défense de l'emploi et des conditions
de travail des employés de Naxoo, le développement du service au
public offert par l'entreprise, le maintien du contrôle sur
l'entreprise. Ce dernier point, cependant, se heurte à la réalité
des rapports négociés (et formalisés par une convention
d'actionnariat) entre la Ville et l'actionnaire minoritaire,
UPC-Cablecom, convention qui, dans son état actuel, empêche très
concrètement la Ville d'exercer le pouvoir réel sur la société :
tout ce qu'elle propose doit en effet recevoir l'aval de
l'actionnaire minoritaire, qui n'a évidemment aucun intérêt à voir
une société qui le concurrence se développer et développer ses
services au public... C'est pourtant précisément ce que propose le
Conseil administratif : développement du réseau câblé,
renforcement de l'offre de base, offre de services nouveaux (du
chauffage à distance au prêt d'ouvrages numérisés des
bibliothèques) conquête de plus d'autonomie par rapport à
Cablecom, qui se trouve être non seulement l'actionnaire
minoritaire de l'entreprise mais également son prestataire de
services en fournissant l'offre de contenus -toutes ambitions qui
impliquent une renégociation des contrats qui échoient l'année
prochaine. Ce que Cablecom peut parfaitement empêcher en usant de
son droit de veto... comme elle a refusé que la Ville rachète sa
part dans l'entreprise, et refusé de renégocier la convention
d'actionnariat -qui, elle, est illimitée dans le temps. Car en lui
même, le refus de la vente des actions de la Ville de Genève dans
Télégenève (auquel nous appelâmes) ne sauvegarde que le statu quo : il
n'abroge ni la convention d'actionnariat qui lie la
Ville à Cablecom, ni les contrats passés entre Télégenève et Cablecom...
Le Conseil administratif propose que tous les représentants de la
Municipalité au sein du Conseil d'administration de Naxoo
s'accordent sur des propositions, des stratégies et une "vision"
communes. Or les représentants de la Ville au Conseil
d'Administration de TéléGenève ne sont pas désignés par le
Conseil administratif ou le Conseil Municipal, mais seulement
proposés par eux à l'Assemblée générale des actionnaires de
Télégenève, qui les accepte ou non. Et qu'il n'y ait que deux
actionnaires en tout et pour tout, la Ville et UPC Cablecom, n'y
change rien. D'autant moins que le droit de veto dont dispose
l'actionnaire minoritaire s'applique aussi à la désignation des
membres du Conseil d'Administration de Télégenève. Il
n'y a donc pas, formellement, de représentants du Conseil
Municipal dans le Conseil d'administration de Télégenève
mais seulement des représentants de la Ville. Et même pas la
Ville en tant que collectivité publique, agissant au nom de
l'intérêt public, mais la Ville en tant qu'actionnaire. Le
Conseil administratif, qui en l’occurrence assume formellement
la représentation de la Ville au sein de la société, répartit
entre lui et le Conseil Municipal la capacité de proposer (et
non pas de désigner) ses représentants, mais ils sont bien tous
les représentants de la Ville en tant qu'actionnaire et non en
tant que collectivité publique.Autrement
dit : UPC Cablecom peut refuser que la Ville soit
représentée par celles et ceux que le Conseil Municipal
propose. Et une fois désignés, les membres du
Conseil d'Administration ne sont plus supposés défendre les
intérêts de l'actionnaire qui les a proposés, mais ceux de la
société dont ils sont devenus administrateurs, ce qui signifie
que les "représentants de la Ville" ne sont plus supposés
défendre les intérêts de la Ville mais ceux de Télégenève, tels
qu'ils sont définis par le Conseil d'administration lui-même,
c'est-à-dire aussi par UPC Cablecom. Et pour couronner le tout,
et recouvrir l'absurdité de cette situation d'un voile
d'opacité, les "représentants de la Ville" qui ne peuvent la
représenter ne peuvent pas non plus rendre compte au Conseil
Municipal qui les a proposés de ce qu'ils font au Conseil
d'administration, puisqu'ils sont tenus de respecter la
confidentialité des discussions qui s'y tiennent, voire des
décisions qui s'y prennent.
C'est quoi, aujourd'hui, "022 Télégenève" ? ni une société publique assumant une logique de service public, ni une entreprise purement privée caressant la main invisible du Marché dans le sens du profit, mais une chimère : une société anonyme de droit privé dont l'actionnaire majoritaire est une collectivité publique qui ne peut pas y défendre l'intérêt public, et dont l'actionnaire minoritaire est une entreprise privée qui dispose d'un droit de veto sur les propositions de l'actionnaire majoritaire. La collectivité publique ne peut donc pas faire de la société dont elle est l'actionnaire majoritaire l'instrument d'un service au public, et se retrouve à devoir constamment négocier avec un "partenaire" privé qui est aussi un concurrent. Et pour couronner le tout, la société dont la collectivité publique est actionnaire majoritaire est aussi concurrencée par deux sociétés publiques ou en mains publiques : Swisscom et les Services Industriels.
Naxoo ? Un sac de noeud déposé dans une usine à gaz où des chimères jouent au cadavre exquis..
C'est quoi, aujourd'hui, "022 Télégenève" ? ni une société publique assumant une logique de service public, ni une entreprise purement privée caressant la main invisible du Marché dans le sens du profit, mais une chimère : une société anonyme de droit privé dont l'actionnaire majoritaire est une collectivité publique qui ne peut pas y défendre l'intérêt public, et dont l'actionnaire minoritaire est une entreprise privée qui dispose d'un droit de veto sur les propositions de l'actionnaire majoritaire. La collectivité publique ne peut donc pas faire de la société dont elle est l'actionnaire majoritaire l'instrument d'un service au public, et se retrouve à devoir constamment négocier avec un "partenaire" privé qui est aussi un concurrent. Et pour couronner le tout, la société dont la collectivité publique est actionnaire majoritaire est aussi concurrencée par deux sociétés publiques ou en mains publiques : Swisscom et les Services Industriels.
Naxoo ? Un sac de noeud déposé dans une usine à gaz où des chimères jouent au cadavre exquis..
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