Budget municipal genevoise : la droite cale...

Travailler, c'est trop dur...

Tout à l'heure, au Conseil Municipal de la Ville de Genève, on devait décider d'entrer ou non en matière sur le projet de budget 2016 de la Ville, et si c'était "oui", de le renvoyer ou non en commission. Le Conseil administratif de la Ville de Genève a fait son travail : présenter un projet de budget équilibré (légèrement bénéficiaire, même).  Le Conseil Municipal allait-il faire le sien -étudier ce projet ? Sa putative majorité de droite distendue voulait l'en empêcher. Et y est parvenue. Ce qui ne change rien à rien : En octobre de toute façon, le Conseil administratif devait présenter un rectificatif budgétaire, basé sur les nouvelles prévisions cantonales de recettes fiscales. Comme l'entrée en matière sur son projet actuel est refusée, ce rectificatif deviendra simplement un nouveau projet, et on repartira pour un tour... quel intérêt peut bien avoir un exercice dont le seul effet est de faire perdre deux mois dans l'étude du budget ou d'en venir aux fameux "douzièmes provisionnels", une sorte de budget provisoire découpé en tranches mensuelles, et basé (sans y être identique) sur le budget de l'année précédente ? Quel intérêt ? Un seul, de pédagogie : celui de permettre au bon peuple de distinguer celles et ceux qui, au Conseil Municipal, veulent faire leur boulot, de celles et ceux qui s'y refusent -et veulent empêcher les autres de le faire...


"Plutôt cent fois la redite que le retour au mutisme" (Louis-René des Forêts)

Ce n'est pas réellement, même si cela en prend l'apparence, à un affrontement sur le budget -qui n'est plus guère qu'un prétexte, auquel on a assisté au Conseil Municipal de la Ville de Genève, mais à l'opposition entre ceux qui, même lorsque le projet de budget du Conseil administratif ne les satisfait pas (c'est le cas d'"Ensemble à Gauche", même si cette insatisfaction tient pour beaucoup de la posture rituelle), assument leur mandat politique et les conséquences de leur élection, et ceux qui s'y refusent. Cet affrontement recouvre le clivage gauche-droite (la gauche veut que le Conseil Municipal fasse son travail, la droite, cornaquée par un PLR inconsolable d'avoir une fois de plus raté l'élection au Conseil administratif) se refuse à faire le sien, mais avec ce paradoxe que c'est l'autoproclamée "nouvelle majorité" (la droite distendue, donc) qui fait grève, et que c'est la minorité (la gauche rétrécie) qui veut que le Conseil Municipal fasse ce que la loi lui demande de faire.

A quoi (ou qui ?) servent les conseillers municipaux et les conseillères municipales de droite ? Pourquoi ont-elles et ont-ils été candidats (ce à quoi nul ne les forçait), se sont-ils et se sont-elle fait élire et ont-ils et ont-elles accepté leur élection (ce à quoi nul ne les obligeait) ?  Pour l'incontestable prestige du mandat ? le pactole des jetons de présence ? l'ordinateur de fonction ? l'abonnement général TPG gratuit ? Les billets gratuits pour les spectacles et les con certs ? Mystère... mystère d'autant plus opaque que plusieurs de ces élus le sont aussi au Grand Conseil, où comme nul ne saurait le contester, ils ont su faire preuve de talents budgétaires que mêmes les Grecs leur envient -au point que le budget de la Ville, qu'ils refusent, finance des prestations et des institutions qui doivent compenser les faiblesses, les trous et les impasses du budget cantonal, dont ils sont responsables.

Les citoyennes et citoyens actifs de la Ville de Genève ont élu un Conseil municipal à majorité de droite (grâce au PDC, qui ne semble pourtant pas avoir mesuré sa propre victoire puisqu'il continue de se faire le porteur d'eau d'un PLR stagnant) et un Conseil administratif à presque totalité de gauche. Or il est de la compétence du Conseil administratif de proposer un projet de budget, et de celle du Conseil Municipal de l'étudier, de l'amender, d'en débattre et finalement de l'accepter ou de la refuser. Et si une majorité du Conseil municipal ne se reconnaît pas dans le projet que lui présente le Conseil administratif, eh bien elle le modifie. L'amende. Le change. Le fait passer d'un projet de budget de gauche présenté par un Conseil administratif de gauche à un budget de droite voté par une hypothétique majorité de droite.  Les élus de droite, sur un programme de droite, ne l'ont-ils pas été pour proposer un budget de droite, s'interroge le naïf citoyen ? mais non, répondent les élus (et les élues) de droite au Conseil Municipal de la Ville de Genève : ceux-là et celles-là se proclament eux-mêmes incapables de faire leur travail, et exigent des membres du Conseil administratif élus sur un programme de gauche qu'ils et elles le fassent, ce travail des élus et des élues sur un programme de droite. Et de balancer au Conseil administratif une sorte de catalogue des lieux communs partagés par le PDC, le PLR, l'UDC et le MCG, en enfonçant au passages quelques portes déjà béantes et en exigeant que le Conseil administratif les fasse siens. Pour pleurer ensuite, comme la cheffe du groupe PLR : "nous avons l'impression de ne pas avoir été entendus". Et de n'avoir "reçu aucun détail sur ce qu'impliqueraient nos demandes au niveau financier". Parce que travail-là non plus, celui de chiffrer leurs propositions, ces autoproclamés spécialistes des bons budgets ont été incapables de le faire.

Ainsi, incapable de faire élire un Conseil administratif qui lui convienne, la droite municipale, cornaquée par le PLR, prétend dicter à un Conseil administratif qui ne lui convient pas un projet de budget qui lui convienne à elle, la droite municipale... Une intéressante conception de la concordance voit donc le jour, en même temps qu'un ralliement, tardif mais réjouissant, de la droite municipale à la vieille revendication socialiste révolutionnaire du droit à la paresse : la grosse fatigue politique de la virtuelle majorité municipale de droite élargie, cinq mois après son élection, semble en effet, l'empêcher d'assumer le mandat qui lui a été donné par son propre électorat. Cette majorité a eu à peine le temps de proclamer son existence qu'épuisée par cette proclamation elle renonce à toute responsabilité politique... de sorte que le Conseil Municipal de la Ville de Genève sera désormais composé de 37 conseillères municipales et conseillers municipaux, et de 43 sièges vides, lors même que leurs titulaires seront assis dessus.

"Paresse, prend pitié de notre longue misère" (Paul Lafargue)

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