Les forfaits fiscaux, encore ? Ben oui, encore eux...


La sous-enchère est faible...

Les forfaits fiscaux, encore ? Ben oui, les forfaits fiscaux, encore. On a été battus en 2014 lorsqu'on proposait de les abolir, on ne le propose plus, mais on ne voit pas dans cette défaite d'il y a deux ans une raison suffisante pour accepter leur maintien à n'importe quel prix. Un comité référendaire "pour la défense des prestations publiques", formé des syndicats et des partis de gauche, appelle à refuser la proposition minimaliste du Conseil d'Etat et de la majorité de droite du parlement, d'un nouveau calcul du seuil d'imposition "d'après la dépense". C'est-à-dire, précisément, des forfaits fiscaux. On y revient ? Oui, parce que le gouvernement et le parlement de droite dont Genève s'est affublée il y a trois ans y reviennent, avec une proposition ajoutant un manque à gagner de 65 millions au milliard de perte déjà provoquée par leur engagement obstiné dans la sous-enchère fiscale entre cantons.


Un petit hors d'oeuvre de 65 millions...

On n'a même pas encore en mains le projet de réforme fédérale de la fiscalité des entreprises (RIE III), ni les propositions du Conseil d'Etat genevois sur le volet cantonal de cette réforme, qu'on doit voter, le 5 juin, sur un allégement des forfaits fiscaux dont bénéficient les riches étrangers inactifs résidant dans le canton. Le RIE III risque de faire perdre des centaines de millions de francs aux caisses cantonale et communales, mais la droite genevoise veut, en guise de hors d'oeuvre, commencer par les empêcher de récupérer 65 millions sur le milliard (au moins) de ressources fiscales annuelles perdues du fait des cadeaux fiscaux distribués depuis vingt ans*.

Une nouvelle loi sur les forfaits fiscaux est rendue nécessaire par une exigence fédérale de prendre désormais en compte la fortune des heureux bénéficiaires de cette "imposition à la dépense". Il y avait différentes manières de la prendre en compte, cette fortune, et la droite a choisi la plus douce aux forfaitaires, et donc la plus dure aux finances publiques. Si on acceptait la proposition soumise au vote, il suffirait à un riche étranger inactif professionnellement d'atteindre, pour pouvoir bénéficier d'un forfait fiscal, et donc échapper à l'impôt sur le revenu,  un seuil de dépenses 400'000 francs par an à Genève (représentant le septuple du loyer qu'on a à payer si on est locataire, ou aurait à payer si on n'était pas propriétaire), alors que ce seuil a été fixé à 600'000 francs dans d'autres cantons. Quant à la fortune, elle ne serait prise en compte que par une majoration de 10 % du forfait de base. Ce que cela rapporterait au canton  ? 17 millions et demi par an. Au lieu des 82 millions que rapporterait le modèle choisi par d'autres cantons, comme Saint-Gall ou Lucerne...

Le comité "pour la défense des prestations publiques" accuse le Conseil d'Etat de "manquer d'ambition en matière fiscale". Accusation injuste, il nous faut bien l'avouer : il a une ambition, le Conseil d'Etat. Une ambition partagée par la majorité du parlement, et qui s'exprime en deux axiome : réduire les recettes fiscales partout et chaque fois que c'est possible, et quand on n'est pratiquement obligé de les accroître, demander pardon et faire en sorte qu'elles croissent le moins possible. Pour enfin pleurer sur des caisses pas assez pleines pour assurer les prestations à la population, défendre les services publics et garantir les droits de leur personnel, et au bout du mécompte, réduire ces prestations, ces services et ces droits.

La proposition du gouvernement et du parlement de droite consiste en "une imposition extrêmement minimaliste qui fera de Genève l'un des cantons les plus généreux" en matière de forfait fiscal, résume le député socialiste Romain de Sainte Marie. C'est aussi un petit cadeau qui ancrera dans la pratique l'inégalité devant l'impôt, entre celles et ceux qui le paient sur leurs revenus et leurs fortunes réels, et ceux qui le paient, pour l'essentiel, sur une partie de leurs dépenses.
Nous avions échoué il y a deux ans à abolir les forfaits fiscaux ? Essayons au moins cette année de ne pas les légitimer...

*Fin 2015, les réformes fiscales successives imposées à Genève par la droite sous forme de baisses d'impôts représentaient un manque à gagner annuel de plus d'un milliard par an, soit presque un cinquième des rentrées fiscales, un huitième du budget annuel du canton, ou presque l'équivalent de la totalité du budget annuel de la Ville. Et la même droite envisage d'y ajouter une perte annuelle de 500 à 600 millions (à 50 millions près, en plus ou en moins) par la réforme de la fiscalité des entreprises. Après quoi, quels autres cadeaux fiscaux pointent le bout de leur truffe ? l'UDC et le PLR préparent au niveau fédéral de nouvelles "niches" fiscale, genre déduction des intérêts notionnels ou suppression du droit de timbre. Avec à la clef des pertes de ressources de plusieurs centaines de millions (presque un milliard au total pour les deux mesures évoquées...) pour les caisses publiques. Comment va-t-on compenser ces pertes, et qui va faire les frais de cette compensation, à votre avis ? Et on ne vous parle même pas, s'agissant de Genève, de l'abolition projetée de la taxe professionnelle, et de celle de l'imposition sur le lieu de travail -là, c'est les poches de la Ville qu'on veut faire : comme disait un député UDC l'autre soir à la télé : le problème budgétaire du canton, c'est qu'il lui manque le budget de la Ville. Ben voyons...

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