Naturalisation un peu facilitée des petits-enfants d'immigrés : Et nous, on est intégrés, vous êtes sûrs ?

"C'est aux esclaves, non aux hommes libres, que l'on fait un cadeau pour les récompenser de s'être bien conduits"
"Obtenir la nationalité suisse se mérite, le candidat doit fournir les efforts nécessaires", proclame fièrement un udéciste vaudois (dont nul ne peut évidemment douter qu'il a "fourni les efforts nécessaires" pour être suisse). Dès lors, on s'interroge : Qu'avons-nous fait pour la mériter, cette nationalité, quels efforts avons-nous dû fournir pour l'obtenir, nous, Suisses et Suissesses de souche à qui on l'a accordée quand nous dégoulinions encore de placenta maternel ? C'est un cadeau, dira-t-on... mais "c'est aux esclaves, non aux hommes libres, que l'on fait un cadeau pour les récompenser de s'être bien conduits" rappelle Spinoza. Surtout quand ils ne ne sont encore ni bien ni mal conduits...
Le même udéciste vaudois l'assure : "nous n'avons aucun problème avec les musulmans". C'est sans doute la raison pour laquelle c'est une femme en burqa et pas une femme en foulard Hermès qu'un comité crypto-udéciste exhibe sur les affiches appelant à voter "non " à la proposition de faciliter la naturalisation des petits enfants d'immigrés des années soixante.
Avec la proposition soumise au vote le 12 février, nous en sommes pourtant toujours au « droit du sang » comme mode fondamental de transmission de la nationalité, et la modeste exception que cette proposition ouvre, très prudemment, n'est précisément qu'une modeste exception à ce principe fondamental -le qualificatif "modeste" est justement celui dont use à propos de la "naturalisation facilitée pour les étrangers de la troisième génération" le vice-président de la Commission fédérale des migrations, Etienne Piguet, et en effet le changement serait modeste : il ne consisterait qu'à appliquer dans toute la Suisse à des petits-enfants d'immigrants, âgés de 9 à 25 ans, une procédure déjà appliquée dans les cantons romands, à Berne et à Zurich, et comparable à celle qu'on applique déjà dans toute la Suisse au conjoint ou à la conjointe étranger-e d'un Suisse ou d'une Suissesse, ou à un-e apatride : on simplifie, mais on ne renonce pas à poser comme condition celle de l'intégration, même quand il s'agit d'étrangers qui sont déjà des Suisses, comme l'observe le Maire de Genève. Et on ne prive pas non plus les communes et les cantons du droit de se prononcer sur les cas concernés, en s'opposant à une naturalisation s'ils estiment que tel ou telle candidat-e n'est pas intégré à la société suisse (et n'a pas intégré les "valeurs suisses"). Mais on met fin à une inégalité de traitement des demandes de naturalisation selon la commune et le canton dans lequel on vit : une "roulette russe", résume la socialiste vaudoise Ada Marra, à l'origine de la proposition soumise au vote.
On ne devrait pas avoir à exiger de candidats à la nationalité suisse ce que des Suisses sont incapables d'assurer... or c'est précisément ce qu'on exige d'eux : d'être suississimes. Plus suisses que les Suisses "de souche". Ce sont des candidats à la naturalisation, facilitée ou non, que l'on exige de respecter l'égalité hommes-femmes, pas des parlementaires fédéraux. Et ce sont aussi des candidat-e-s à la naturalisation, facilitée ou non, et pas de l'auteur de ces lignes, suisse de souche pluriséculaire, que l'on exige d'honorer leurs obligations financières sous peine de ne pouvoir être honorés d'un passeport suisse.
Après tout, vouloir être suisse, n'est-ce pas mieux honorer la Suisse que d'être suisse sans l'avoir voulu ?
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