Répartition des tâches entre le canton et les communes : Les cadeaux piégés du désenchevêtrement

"Un projet au petit pied, purement court-thermiste"
Fin janvier, "La Culture lutte" a exprimé à la Conseillère d'Etat Anne Emery Torracinta, au Conseiller administratif Sami Kanaan, aux députés, aux Conseillers municipaux (et à d'autres intervenants dans le financement de la culture) sa "stupéfaction" et ses "sérieuses interrogations quand au dispositif de désenchevêtrement dans le domaine artistique et culturel", dispositif "discuté et mis en place sans aucune concertation avec les milieux concernés", pas même avec le Conseil consultatif de la culture, chargé par la loi de conseiller les collectivités publiques sur "les orientations et les priorités de leurs politiques culturelles et de la politique culturelle coordonnée sur l'ensemble du territoire cantonal". Pour "La Culture lutte", le dispositif mis en place pour se répartir les tâches et les charges dans la politique culturelle ne relève pas d'un projet politique mais d'un "marchandage" qui "consacre la seule politique budgétaire au détriment de la politique culturelle", et qui s'est effectué entre les seuls canton et Ville, en ignorant les autres collectivités, en particulier les 44 autres communes du canton. Il est vrai qu'on a pas là affaire à un programme de politique culturelle, mais à un marchandage sans critères clairs : on ne se répartit les tâches ni en fonction des lieux culturels (la "Nouvelle Comédie" devrait alors être cantonale -or elle sera municipale), ni en fonction du domaine culturel (le cinéma au canton, le théâtre à la Ville : quelqu'un y voit un sens ?), ni en fonction de qui les assume réellement, ni en fonction de l'audience locale, cantonale, régionale ou plus de telle ou elle institution (qu'est-ce que le Musée d'Art et d'Histoire a de "municipal" selon de tels critères), ni en fonction de leur coût. On se les répartit en fonction des envies et des possibilités de le faire en ne fâchant pas le partenaire. Et finalement, on ne "désenchevêtre" pas grand chose -même si on le faisait, la démarche serait d'ailleurs contestable dans le domaine de la culture, qui produit naturellement de l'"enchevêtrement"...
Dans le champ culturel, et de son financement, le concept même de "doublon" appliqué à une pluralité de sources de financement est à la fois absurde et nocif. Absurde, puisque des acteurs culturels (des compagnies de théâtre, par exemple) au bénéfice de conventions tripartites bénéficient par définition de financements conjoints sans qu'on les considère comme des "doublons". Et nocif, puisqu'en réduisant les sources de financement des acteurs culturels, voire d'un domaine culturel entier (le livre et l'édition au canton, la danse à la Ville, par exemple), à une seule, on accroît leur dépendance à l'égard de qui les finance. La multiplicité des sources de financement des lieux culturels, la possibilité de ne pas "dépendre d'un seul prince", ne rend pas la situation des subventionnés confortable, mais est une garantie de liberté : rien n'est plus menaçant pour l'autonomie du champ culturel que la possibilité d'une décision unilatérale d'un subventionneur unique. Et puis, plus concrètement, que le canton se retire de l'aide à la création et la Ville de Cinéforum, en quoi est-ce que cela améliore ou renforce l'engagement public à la création ou au cinéma ? Que la Ville se retire de la politique du livre, en quoi est-ce que cela renforce et améliore cette politique ? Et en fonction de quel critère objectif, crédible, les Cinémas du Grütli, Fonction:Cinéma, le Festival du film et forum des droits humains et le Festival Tous Ecrans, institutions et manifestations dites "intermédiaires", subventionnés conjointement par le canton et la Ville, ont-ils été attribués à la Ville comme seule source de financement public ? Verdict de "La Culture lutte" : tel qu'il est abordé par les exécutifs cantonal et municipal (celui de la Ville, et de la Ville seule), "le désenchevêtrement est un projet au petit pied, purement court-thermiste, qui va conduire, touche par touche, à la destruction des projets culturels qui font aujourd'hui la richesse et la vitalité de Genève de par leur nature même".
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