Fonds de tiroir


Donc, comme chacun sait depuis que Marinade Le Pen l'a expliqué, Macron était le candidat de l'anti-France, du complot internationale, de cosmopolitisme apatride, tout ça. Et ça se confirme : il a obtenu au total (dans le monde entier) 92,5 % des suffrages chez les Français de l'étranger. Les expatriés. Les traîtres à la patrie, quoi. Et 82,5 % en Suisse. Même en Russie, il est majoritaire, c'est dire. Il n'y eut en fait que deux îlots de résistance, deux bastions patriotique : la Syrie et le Yemen. En Syrie, c'est Le Pen qui a été majoritaire. Mais bon, y'a eu que quinze votants. Et Au Yemen, sur 109 électeurs inscrits, le taux d'abstention a été de... 100 %. Hommage aux héros anonymes et souhaitant le rester. Et le méritant d'ailleurs amplement.

Ce n'est d'ailleurs pas l'une des moindres ironies de la victoire de Macron et de ses  « marcheurs » que d'apprendre hier que Mélenchon s'autoparachutait à Marseille dans une circonscription (celle du Vieux-port) où le Front National est inexistant, et où son score au premier tour de la présidentielle lui assure d'être au second tour, ça manque du panache auquel il nous avait habitué. Et pour tout dire, ça fait plutôt IVe République que VIe... mais ça s'explique, par les mots mêmes de Méluche : « je veux remplacer le PS ». d'où le choix d'une circonscription de gauche, dont le député sortant est précisément socialiste, plutôt que celui d'une circonscription de droite -ou même de gauche, mais avec un élu de format « national ». Il veut être élu Mélenchon, pas faire un tour de piste inutile. Et pour être élu, mieux vaut affronter Menucci à Marseille que Valls à Evry. Mais tout de même: si l'ambition de  « remplacer le PS »  par les  « Insoumis » n'est pas irréaliste, c'est bien qu'elle nous en rappelle d'autres, du même genre, et réalisées : celle de Mitterrand substituant le PS à la SFIO, ou de Tsipras installant Syriza à la place du Pasok. Mélenchon peut pasokiser le PS, certes, mais pour quelle résultat ? Le même que de voir Tsipras (qui a applaudi à la victoire de Macron) et son gouvernement mener la politique qu'ils reprochaient, avant de les remplacer, à Papandréou et au Pasok ?

Bonne nouvelle : on peut être naturalisé suisse même quand on a été condamné pour excès de vitesse. C'est la Cour de Justice genevoise qui le dit, en cassant une décision de l'Office cantonal de la population et des migrations, qui avait refusé d'entrer en matière sur la requête en naturalisation d'un Zimbabwéen. Non, pas Mugabe, un autre. Pour la Cour, un excès de vitesse n'est pas en soi la marque d'un « réel mépris des lois », « notion juridique indéterminée » mais qui est l'un des motifs possibles d'un refus d'accorder la nationalité suisse. Donc se comporter comme un automobiliste suisse lambda quand on est étranger n'empêche pas de devenir un jour un automobiliste suisse lambda. Ou alors, faudrait désuissiser les chauffards suisses. Et ça, c'est pas possible : un Suisse, ça ne se désssuisise pas. Ouala.

Le Conseil d'Etat de la République a écrit au Conseil Municipal de la Ville. C'est gentil. Le président du Conseil municipal a transmis la lettre du Conseil d'Etat au bureau du Conseil municipal, qui l'a transmise aux membres des commissions du règlement et des naturalisations. C'est bien. Et un membre desdites commissions a transmis la lettre à tous les membres du Conseil municipal. C'est encore mieux. Bon, dit comme ça, sans préciser de quoi il pouvait bien être question dans cette lettre du gouvernement cantonal au parlement municipal, ça donne l'impression que les zautorités genevoises sont affectées d'un formalisme un peu pathologique, alors on va préciser de quoi il est question : de la procédure de naturalisation, plus précisément de l'étape municipale (tout à fait secondaire, mais incontournable) de cette procédure, et des critères légaux à respecter (et que le Conseil municipal ne respecte pas).
La commune donne un préavis, indicatif, sur les requêtes en natu-ralisation suisse, déposées par des étrangers habitant à Genève. Ce préavis peut être donné soit par le Conseil municipal, soit par le Conseil administratif. S'il est donné par le Conseil municipal, il est étudié par une commission spécialisée, la commission des naturalisations, dont les membres rencontrent les requérants en naturalisation. La commission doit ensuite transmettre son propre préavis au Conseil municipal, qui va transmettre le sien aux autorités cantonales. Or en Ville de Genève, on a bricolé une procédure illégale, qui consiste à ce que la commission des naturalisations transmette son préavis au Conseil administratif. Ce que la loi n'autorise pas. La Cour des Comptes ayant été saisie de ce dysfonctionnement, elle a invité la Ville à mettre de l'ordre légal dans sa procédure et à choisir entre les deux seules solutions que la loi autorise : soit faire délivrer le préavis municipal par le Conseil municipal (en séance plénière, à huis-clos, avec un quorum d'une majorité de membres devant être présents, et avec un vote par dossier individuel -soit un millier de votes par année, au moins), ce qui justifie l'existence d'une commission municipale des naturalisations, soit faire délivrer le préavis municipal par le Conseil administratif, ce qui évite de se farcir des séances plénières pour délivrer ce qui n'est de toute façon qu'un préavis, et ce qui implique la suppression de la commission des naturalisations. La gauche est favorable à cette solution, plus rapide, moins coûteuse, plus rationnelle, et évitant de parasiter l'examen des candidatures à la nationalité suisse par les états d'âme et les préjugés des conseillers municipaux. La droite, majoritai-rement, et évidemment l'extrême-droite, tient à maintenir une com-mission des naturalisations, grosse productrice de jetons de présence et d'indemnités de rapports, histoire de cultiver l'illusion que les conseillers municipaux ont quelque part à prendre à une procédure qu'il ne peuvent en réalité que ralentir.
Bon, et la lettre du Conseil d'Etat au Conseil municipal, elle dit quoi ? Elle rappelle au Conseil municipal, une année après que la Cour des Comptes le lui ait déjà rappelé, que la manière dont il fonctionne s'agissant des dossiers de naturalisations est illégale, qu'il doit y remédier, et qu'il doit le faire rapidement, sinon il devra se farcir dès septembre ces fameuses séances plénières à huis clos où il devra voter sur chaque dossier de naturalisation, tout en respectant un délai de trois mois pour traiter chaque dossier entre le moment où il est transmis à la commission et le moment où il est soumis au vote du plénum. Le Conseil d'Etat intervient ainsi parce que le Conseil municipal a été infoutu de faire son boulot. Et qu'il s'est donc mis lui-même dans la situation de devoir être rappelé à l'ordre par le canton. Ouais, c'est bien beau de défendre les prérogatives de la commune face au canton, mais  si le parlement commu-nal ne fait pas son boulot, il est mal mal placé pour reprocher au canton de lui rappeler qu'il doit le faire.

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