Quand Donald réchauffe la planète politique (USA compris)


Trump roule pour la Chine

Trump a donc décidé de retirer les USA de l'Accord de Paris sur le climat. Donald n'est pas seulement "climatosceptique", ou "climatonégationniste" il est carbonophile : il voit dans la relance du charbon le moyen de relancer la croissance économique et la création d'emplois. Il est donc opposé à toute imposition aux centrales thermiques (celles à charbon fournissent en gros un tiers de l'énergie consommée aux USA) de normes plafonnant leurs émissions de CO2. Et il a nommé le "climatosceptique" Scott Pruit, un proche des frères Koch, grands patrons des industries fossiles, à la tête de l'Agence de protection de l'environnement, dont il veut en outre ratiboiser le budget. Mais le charbon est en déclin inéluctable : le nombre d'emplois de l'industrie du charbon aux USA est passé de 88'000 en 2008 à 65'000 en 2015. Un coup des Chinois, sûrement : d'après Trump, ce sont eux qui ont "inventé" le "concept" de réchauffement climatique, pour empêcher l'industrie américaine d'être compétitive... En attendant, c'est à eux que sa connerie profite : on pensait qu'il était le candidat de Poutine ? Il est devenu celui du Parti communiste chinois... Et il dresse contre lui au sein même des USA des Etats, les plus grandes villes et des multinationales américaines. Beau travail : Trump nie le réchauffement climatique mais provoque un réchauffement politique jusque dans le pays qu'il est supposé présider...


La "communauté internationale", pour autant qu'elle existe, ne sera pas orpheline des USA de Trump

Trois coalitions s'opposent, aux Etats-Unis même, à la dénonciation (non effective avant 2020) par Trump de l'Accord de Paris sur le climat, et ne s'y opposent pas seulement rhétoriquement, comme l'a fait Emmanuel Macron (et de nombreux autres chefs d'Etat et de gouvernement européens), mais très concrètement, en s'engageant à tenir les engagements de l'accord, quoi que dise le président Donald : la première coalition rassemble des gouverneurs d'Etats des USA (dont ceux de New-York, de Californie et de Washington, qui à eux seule pèsent 20 % de la population étasunienne), qui s'engagent à atteindre chez eux les objectifs fixés par l'administration Obama (réduire de plus d'un quart les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030); la deuxième coalition rassemble, sur les mêmes positions, 82 Maires des plus grandes villes américaines; la troisième coalition, la plus surprenante, est celle de multinationales comme Apple, Google, Facebook,. Hewlett Packard, General Motors etc..., déterminées, sur des objectifs propres, à poursuivre sur la voie (rémunératrice et prometteuse) de la transition énergétique : l'évolution vers la production énergétique à partir de sources renouvelables est irréveversible, et la majorité des installations nouvelles de production électrique se fondent désormais sur ces sources). Ajoutezaux Etats, aux villes et aux grandes entrprises américaines des universités et une foultitude de fondations privées et d'ONG, et vous aurez une bonne moitié des Etats-Unis réels qui s'engagent à contre-courant de "leur" chef d'Etat (fermement soutenu, lui, par le lobby de l'industrie du charbon), et sont soutenus par le Secrétaire général de l'ONU (et par le prédécesseur de Trump, Barack Obama). Evidemment, le retrait des USA de l'Accord de Paris n'est pas, si contesté et combattu qu'il soit aux USA même, sans dommage pour cet accord -non qu'il ne tienne que grâce à leur engagement, mais parce qu'ils prennent une part considérable au financement du fonds pour le climat. Mais comme le budget fédéral 2017 pondu par les Trump Boys avait déjà été expurgé de ses lignes pour la climatologie, la protection de l'environnement et de la santé, le désengagement international des Etats-Unis de la lutte contre le dérèglement climatique n'est après tout que la suite logique de leur désengagement intérieur.

Hors des Etats-Unis, la décision de Trump est non seulement assez généralement condamnée (sauf, évidemment, par Poutine, qui dit la "comprendre", et par les pétromonarchies sunnites), mais perçue comme une opportunité assez inespérée (il y a un marché à gagner : Emmanuel Macron en a profité pour inviter en France les investisseurs, les entreprises et les chercheurs américains), par la plupart des gouvernements européens, d'abord, et par l'Union Européenne elle-même, pour qui elle est un bienvenu facteur d'unité, et par la Chine, ensuite, et peut-être surtout : le président chinois peut présenter son pays, son régime, son parti et lui-même comme le plus solide rempart du multilatéralisme, la Chine est déjà le plus gros producteur de panneaux solaires et d'éoliennes, elle investit des moyens considérables dans la recherche sur la transition énergétique et la reconversion "durable" de son industrie et de ses installations de production d'énergie. Une place se libère, elle la prend : la Chine est désormais, de tous les signataires de l'Accord de Paris, le plus puissant et le plus décidé. Et comme nul Etat n'est indispensable au monde, la "communauté internationale", pour autant qu'elle existe, ne sera pas orpheline des USA de Trump -qui, sans même le vouloir, pourrait même la contraindre à exister réellement, mais sans lui.

Trump ose tout, c'est même à ça qu'on le reconnaît : ainsi s'est-il mis à dos une majorité de son "pays réel", de ses alliés à l'étranger, des organisations internationales gouvernementales et non-gouvernementales, des opinions publiques, tout en laissant champ libre au principal concurrent des Etats-Unis.  On dit que c'est pour satisfaire son électorat. C'est plausible. Stupide, mais plausible. Commentant la manière dont Donald dirige, ou prétend diriger, les USA, le philosophe français Dominique Bourg nous invite à imaginer "la Suisse dirigée par Ubu Roi"... on imagine -mais on ne craint rien d'Ubu : nous, on est déjà dirigés par les Schtroumpfs.

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