Picrocholeries et Genfereien (suite, et pas fin)


Pilorira bien qui pilorira le dernier...

Le Conseil d'Etat genevois a annoncé mercredi, après avoir entendu les cinq conseillères et conseillers administratifs de la Ville dans le cadre d'une instruction préalable, l'ouverture d’une procédure disciplinaire à l'encontre du Maire de Genève, Rémy Pagani, "susceptible d'avoir violé ses devoirs de fonction" dans le cadre du "processus d'établissement de la brochure électorale relative à la votation municipale du 24 septembre" sur les coupes budgétaires opérées par la majorité de droite coagulée du Conseil Municipal, votation annulée quatre jours avant le scrutin, sur demande de la droite municipale, alors que plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient déjà voté par correspondance. Rémy Pagani est passible, s'il est reconnu coupable d'avoir enfreint ses devoirs de fonction, de sanctions allant du blâme à la révocation. Les Conseillers d'Etat François Longchamp, Antonio Hodgers et Mauro Poggia, transformés en juges d'instruction, ont été chargés d'instruire la procédure et de proposer les sanctions (après avoir entendu Rémy Pagani, tout de même). Quant à la votation annulée, elle a été reporté au 4 mars, mais un recours a été déposé au Tribunal fédéral contre son annulation, par des citoyens estimant que leur liberté de vote avait été "gravement violée" et que "priver le peuple du droit de se prononcer" à temps pour que cela ait un sens est une "mesure excessive qui bafoue le fondement même de la démocratie directe".
«  On devrait toujours être légèrement improbable » (Oscar Wilde)

Même si l'annulation du scrutin du 24 septembre en Ville de Genève sur les coupes budgétaires opérées par la droite municipale n'est pas la raison, le motif, de la procédure lancée contre le Maire de la Ville parce qu'"il semble que Rémy Pagani ait pris seul une décision dont la prérogative était celle du Conseil Administratif dans son ensemble"),explique le Conseiller d'Etat Mauro Poggia, cette annulation du scrutin est bien en arrière-plan de toute l'affaire. Une affaire qui se serait d'ailleurs passablement dégonflée si cette annulation n'avait pas été décidée trois jours avant le scrutin, alors que 30'000 personnes avaient déjà voté. Pour rien. S'il y a dommage, il est bien là, comme un dommage à l'exercice des droits démocratiques.

Les citoyens qui ont ces derniers jours déposé un recours au Tribunal fédéral contre l'annulation de la votation ne nient pas que la brochure officielle d'explication des enjeux du scrutin les présentait de façon déséquilibrée et partiale, en raison d'une introduction rédigée par les auteurs des référendums. C'est le rôle de Rémy Pagani dans cette conception de l'information officielle (il en avait d'ailleurs publiquement présenté une demande d'excuses) qui lui vaut d'être l'objet d'une procédure disciplinaire. Les citoyens recourant contre la décision d'annulation du scrutin nient cependant que le caractère partisan de la brochure officielle ait pu, comme l'affirmait la Cour de Justice "induire gravement le citoyen en erreur". Leur représentant, le professeur Andreas Auer, commente judicieusement : "les Genevois (...) savent mettre à leur place les exagérations qui jalonnent les campagnes référendaires et son parfaitement capables de voter en connaissance de cause", d'autant que c'était la deuxième fois en moins de deux ans qu'ils étaient appelés à voter sur (c'est-à-dire contre...) des coupes budgétaires opérées par la droite municipale, et combattues par référendum populaire. La première fois, en 2016, ils avaient largement voté contre ces coupes et les avaient annulées -et peut-être bien ce souvenir était-il bien plus prégnant dans l'esprit de la droite, lorsqu'elle a demandé l'annulation du scrutin, que la présentation de l'enjeu dans une brochure officielle, dont on peut d'ailleurs douter qu'elle ait une telle influence sur le résultat du vote que le déséquilibre de son contenu puisse le déterminer...

Cerise sur le gâteau : au Conseil municipal, mercredi soir, histoire de bien confirmer que la saison de la chasse au Pagani était ouverte, la droite (qui avait il y a trois semaines carrément proposé au Conseil municipal, qui n'a pourtant nullement la compétence, d'exiger sa démission) a renvoyé en commission des Finances, une proposition la transformant en commission d'enquête. On ne sait dès lors s'il faut se contenter de constater la belle obstination vindicative des Croisés de l'éradication du paganisme ou saluer le désintéressement des adversaires du Maire, prêts à conforter sa popularité au sein de son propre électorat, à quelques mois d'une élection du Grand Conseil à laquelle il est candidat...

Le Conseil d'Etat de la République a donc ouvert une procédure disciplinaire à l'encontre du Maire de la Commune. Ce faisant, il explique agir en tant que surveillant des communes. Mais qui surveille le surveillant ? Quant aux sanctions qui menacent le Maire, on ne sait pas quand elles tomberaient. Elles pourraient même tomber quand Rémy Pagani aura cessé d'être Maire, le 31 mai prochain, et même d'être membre du Conseil administratif, en 2020 : être suspendu ou révoqué d'une fonction qu'on n'exerce plus, c'est une genevoiserie qui manquait au catalogue. Et dire que le Conseil municipal a refusé de traiter la proposition que nous lui faisons de soutenir par une subvention symbolique, les efforts de la Ville pour être récompensée de la Genferei de l'année...

«  On devrait toujours être légèrement improbable » recommandait Oscar Wilde. Mais il disait bien "légèrement"...






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