Rentrée scolaire à Genève, "ville sociale et solidaire" : Zavez demandé votre Carte de pauvre ?



C'est la rentrée scolaire. En Ville de Genève, les familles les moins friquées (2571 familles en 2016, pour 3838 enfants) reçoivent une modeste allocation de rentrée scolaire (130 francs par an par enfant à l'école primaire, 180 francs par enfant au Cycle d'Orientation). Cette allocation, la droite n'en voulait pas, la gauche l'avait imposée, la droite, donc la sabote : Au Conseil municipal, une majorité formée des élus du PDC, du PLR, de l'UDC et du MCG a décidé de ne plus la verser sous forme monétaire, par virement bancaire ou postal, mais de la faire distribuer sous forme de bons valables chez les commerçants de la Ville de Genève qui condescendent à les accepter. Manque de pot, la méthode choisie (les bons valables seulement dans des commerces de la Ville) pour réduire une allocation en aumône ne pouvait être appliquée : de l'avis de la Commission de la concurrence (COMCO), la restriction aux commerces de la Ville de Genève de la validité des bons (ou des cartes) que le Conseil municipal avait décidé de substituer aux versements était contraire au droit fédéral. Du coup, le prétexte du soutien aux commerces genevois, allégué par les auteurs de la modification du règlement relatif aux aides financières du service social, se retrouvait dissout dans sa propre insignifiance. Il ne reste donc comme motivation de cette modification que celle de bien faire comprendre aux bénéficiaires de ces aides en quel mépris on les tient.

"Etre charitable ne suffit pas, il s'agit désormais d'être juste" (Emile Zola)

A Genève, les fournitures scolaires de base sont fournies gratuitement par le canton aux élèves de l'école publique jusqu'à la onzième année Harmos -un récent arrêt du Tribunal fédéral y oblige d'ailleurs tous les cantons et, là où ce sont elles qui doivent payer, les communes. Mais l'arrêt du TF va plus loin : il impose aussi la gratuité des activités sportives (comme les camps de ski) et culturelles auxquelles les élèves sont tenus de participer. Or on sait bien que les fournitures scolaire de base ne constituent pas la totalité des fournitures scolaires à assurer aux élèves : le canton ne fournit pas les sacs à dos et les chaussures de gym... et la participation aux camps désormais "facultatifs" (et payants) reste tout de même vivement recommandée. Une part de ces fournitures et de ces activités est donc à la charge des familles, et pour celles aux revenus modestes, cette charge n'est pas négligeable. D'où, en Ville de Genève, l'instauration d'une allocation de rentrée scolaire versée à ces familles (si elles la demandent).

Le Conseil administratif (de gauche) s'est hélas senti tenu de concrétiser le vœu de la majorité (de droite) du Conseil municipal de transformer cette allocation versée en bon argent en aumône octroyée en bons, et a accepté de mettre tout de même sur pied ce qui tient à la fois de l'usine à gaz et de la stigmatisation sociale : des "cartes électroniques de dépenses" (des sortes de cartes cadeau) valables dans un "réseau de commerces partenaires" qui ne pourrait comprendre l'ensemble des commerces de la Ville (il ne comprend en fait qu'une vingtaine de commerces, dont la Migros, Payot et Manor, dont on ignorait qu'il était nécessaire de les soutenir comme des commerces de proximité) mais imposera une charge administrative et bureaucratique, et donc des dépenses, parfaitement inutiles et inefficaces, confinant même à l'absurdité.

Il ne nous reste donc qu'à trouver le moyen d'en revenir au système simple, efficace, rationnel, qui était en vigueur avant l'introduction du système des bons du mépris social : l'allocation de rentrée scolaire est une allocation sociale, qui doit être versée à ses ayant-droit comme les autres allocations sociales (et comme nos propres jetons de présence de conseillers municipaux) : sur un compte en banque ou un compte postal. C'est ce qui sera proposé au Conseil municipal : renoncer à l'usine à gaz des cartes de dépenses et du réseau de points de vente, en revenir à des versements normaux, et en finir avec les bons bons du mépris social. En rappelant qu'on est au XXIe siècle, et plus au XIXe, et qu'on devrait donc avoir tiré un trait sur la charité et ses bons... car "Etre charitable ne suffit pas, il s'agit désormais d'être juste" (Emile Zola)

Pour ne pas donner l'impression (pourtant justifiée) de distribuer des "cartes de pauvres", la Ville "sociale et solidaire" (comme elle-même le proclame sur ces cartes) les a fait dessiner par Zep, histoire d'en faire une "carte Titeuf".
Mais non, mais non, c'est pas hypocrite.
Bonne rentrée, les petites gens.

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