Un système d'assurance-maladie à bout du souffle des assurés



L'Etat paie, les assurances encaissent

Pour faire passer son projet de réforme de la fiscalité des entreprises, le Conseil d'Etat genevois propose de développer considérablement les subsides aux assurés ayant des difficultés à assumer le paiement de leurs primes : 186 millions y seront consacrés (la même somme que celle des pertes fiscales cantonales estimées dues à la réforme de l'imposition des entreprises, sans compter les pertes municipales) : le subside pour les plus bas revenus triplerait presque (il passe de 90 à 230 francs par prime) et 140'000 personnes pourraient bénéficier de subsides (contre 53'000 aujourd'hui). Cela constate que le système actuel d'assurance-maladie, fondé sur des primes "par tête" d'assuré, sans correction en fonction du revenu, et devant être payées à des caisses privées, est à bout de souffle. Mais le souffle au bout duquel arrive ce système (qui "ne tourne pas rond et est opaque", résume le Conseiller d'Etat Thierry Apothéloz), c'est celui des assurés, pas celui des assurances -elles respirent fort bien, elles, l'Etat leur sert de poumon : c'est lui qui leur garantit le paiement des primes de toutes celles et ceux qui n'arrivent pas à l'assumer en tout ou partie.


Small stud is beautiful


Le paiement des primes d'assurance-maladie représente la charge la plus lourde que les ménages suisses (et donc genevois...) autres que les plus aisés ont à assumer. Une majorité (58 %) des ménages endettés de tout le pays et 72 % des "working poors" le sont parce qu'ils n'arrivent pas à payer ces primes (qui représentent 70 % des dettes privées des Genevois), et que l'Etat ne les prend pas en charge à leur place -même dans ce cas, rappelons-le, ce ne sont pas eux qui reçoivent les subsides publics, mais les caisses privées... C'est 276 millions de francs qui leur ont ainsi versés par le seul canton de Genève en 2017 au titre de subsides à 107'000 assurés genevois (soit 25 % de tous les assurés du canton...). Il ne serait d'ailleurs pas impossible que les bénéficiaires des subsides soient affiliés, automatiquement ou volontairement, à la caisse publique : l'argent public resterait ainsi dans le secteur public...

La création d'une caisse publique cantonale n'est pas, en tout cas pas à elle seule, l'alternative à ce système "opaque" et à bout du souffle des assurés ? Evidemment que non -et les initiants ne le prétendaient d'ailleurs pas, mais en 2014, une majorité populaire (plus de 57 % des votants) s'était prononcée à Genève pour la création d'une caisse unique et publique, refusée par la majorité des Suisses. L'initiative du Parti du Travail s'inscrit pleinement dans le sens de ce vote, même si sa portée est évidemment plus restreinte que celle d'une initiative fédérale, et que la caisse publique qu'il propose ne serait pas unique. Même l'échec très probable de la récolte de signatures pour les deux initiatives Maillard-Poggia (pour la "liberté d'organisation des cantons" et "stop au lobby des caisses-maladie" renforce la voie cantonale (selon un sondage de fin 2017, 71,4 % des Romands seraient favorables à la création d'une caisse publique cantonale, même unique) : La route de Berne est bouchée? avançons à Genève... Une caisse publique cantonale peut amener à la création d'une caisse publique fédérale, l'octroi d'un droit politique ou social au plan cantonal donnant une base pour le conquérir ensuite au plan fédéral, comme ce fut le cas des congés payés, de l'assurance-maternité... et des droits politiques des femmes.

On dit, au PS, que cette caisse, ayant à fonctionner dans un  système réglé par une loi fédérale qui donne le pouvoir réel sur l'assurance-maladie à des caisses privées, ne serait qu'un "goujon dans un banc de requins" (les caisses privées, précisément). Mais n'est-ce pas le cas de bien d'autres entreprises publiques ? Va-t-on renoncer à avoir une banque cantonale publique en constatant qu'elle agit dans un domaine réglé par une loi fédérale, et où elle se confronte à des banques privées plus puissantes qu'elles ? Au fond, la Banque cantonale genevoise aussi est un "goujon dans un banc de requins" (UBS, Crédit Suisse et les autres...). Et la Gérance Immobilière municipale genevois, un autre "goujon dans un banc de requins" de l'immobilier...
Elle serait trop petite, la caisse publique cantonale proposée par le Parti du Travail ? Et alors ? Small stud is beautiful, non ?

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