Algérie : le mouvement populaire ne renonce pas
Purges en trompe-l'oeil
Pur produit du système en place, le chef d'état-major de l'armée algérienne, le général Gaïd Salah (et ses alliés au sein du système) s'est lancé dans une vaste opération purgative, dont il attend qu'elle contente les millions d'Algériennes et d'Algériens qui depuis des mois exigent qu'on en finisse avec un régime, des pratiques, des clans, des intérêts qui pèsent sur le pays depuis son indépendance (ou presque). Gaïd Salah et les siens s'attaquent aux oligarques qui ne sont pas dans leurs petits papiers, comme l'ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia ou comme Ali Haddad, président sortant de la principale organisation patronale et patron du principal groupe de BTP du pays) et étaient proches du "clan Bouteflika", et en particulier du frère, Saïd, de l'ex-président démissionné par l'armée. Ali Haddad a été mis sous enquête pour corruption et transferts illicites de capitaux vers l'étranger. Les frères Kouninef, la famille Tahkout, Mohamed Bairi et une dizaine d'autres potentats du complexe politico-économique, dont Saïd Bouteflika lui-même, sont dans le collimateur d'une justice qui, a à faire oublier qu'elle était aux ordre d'un pouvoir dont Gaïd Salah était autant que Bouteflika l'incarnation. Lui qui, aujourd'hui, dénonce "les vastes opérations de pillage et de dilapidation qu'a connues le pays", et cette "poignée d'hommes" qui s'en sont appropriés les richesses, et dont il tente de faire les boucs-émissaires de la colère populaire. Nous revient alors le souvenir de ce congrès du Front des Forces Socialistes, il y a une quinzaine d'années, lors duquel on représentait le PS suisse, et où on avait annoncé à nos camarades algériens que leur pays était à "vendre", que ceux qui le vendaient étaient ceux qui le gouvernaient, et que d'entre ceux qui se pressaient pour en racheter une part il y avait... des Suisses. On s'était fait gourmander par l'Ambassadeur de Suisse à Alger. Et on lit aujourd'hui cette déclaration du président de l'Association algérienne de lutte contre la corruption, Djilali Hadjadj, selon qui "les plus malins (des) oligarques ont pris la fuite depuis quelque temps déjà et se sont mis en attente dans leur pays d'accueil". Dont, sans doute, la Suisse.
Une république algérienne, démocratique et populaire. Enfin.
Les Algériens ont mis un siècle à se constituer en nation, puis 30 ans à se libérer du colonialisme. Libres pendant deux ans, ils sont tombés pour plus d'un demi-siècle sous le pouvoir d'un parti unique, lui-même sous le pouvoir de l'armée, elle-même sous le pouvoir de ses services (très) spéciaux. Après les émeutes sociales de la fin des années quatre-vingt, ce pouvoir partagé entre bureaucrates, généraux et barbouzes avait essayé de soulever le couvercle qu'il avait lui-même posé sur le peuple algérien -mais ce sont les islamistes qui en ont profité, et gagné les premières élections à peu près libres de l'histoire algérienne, avec pour projet d'en finir avec toute forme de de pluralisme, de libertés individuelles et collectives. Un putsch militaire les prive de leur victoire -il s'ensuit dix ans de guerre civile, 200'000 morts et disparus. Et le maintien au pouvoir, de la même caste qui y était arrivée en 1962. Or depuis six mois, le peuple algérien, et sa jeunesse en tête, clame que ç'en est assez.
ç'en est assez, en effet -mais le pouvoir qui se purge lui-même n'est pas prêt à lâcher prise -tout au plus à organiser ce que le Collectif de la société civile pour une sortie de crise pacifique résume en "une transition clanique au sein même du pouvoir".
En Algérie, dans les rues des villes -et en particulier d'Alger- la tension monte entre manifestants et policiers, dont les effectifs sont de plus en plus importants face aux protestations de masse de chaque vendredi. Les brigades anti-émeutes, les canons à eau, les gaz lacrymogènes sont de sortie, face aux manifestants qui continuent, aux cris de "dégage !", le départ de toutes les têtes survivantes du pouvoir : le président par intérim Abdelkader Bensalah, le premier ministre Noureddine Bedoui, le chef d'Etat-major Ahmed Gaïd Salah. Ils ont obtenu la démission du président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaiz, mais ne sont pas prêts à s'en contenter. Et surtout, ils n'étaient pas pas prêts à voir les survivants du régime organiser l'élection présidentielle, prévue le 4 juillet (et qui a été annulée) : avec les moyens dont le "système" dispose, son expérience des manipulations et des fraudes, il est capable d'imposer n'importe quel candidat. Au sein du mouvement populaire, on revendique une assemblée constituante et des élections "libres et démocratiques". Et à la tête réelle du pouvoir, on reprend une vieille recette : on agite le spectre de l'ingérence étrangère (française, évidemment, mais sans la désigner comme telle, et alors que le France a été, face au mouvement populaire, d'une frilosité confinant à la complicité avec le pouvoir en place, Bouteflika tant qu'il y était, l'armée à défaut) : Garant de la pérennité du système, le Général Gaïd Salah évoque "les tentatives de la part de certaines parties étrangères, partant de leurs antécédents historiques avec notre pays (...) de mettre à exécution leurs desseins visant à déstabiliser le pays et semer la discorde entre les enfants du peuple".
C'est le même discours que le pouvoir algérien, par qui qu'il s'incarne, tient depuis 1962, à un pays qui a vécu 130 ans de colonialisme, huit ans de guerre de libération, près de 60 ans de dictature et dix ans de guerre civile, mais qui prouve, en six mois d'insurrection démocratique et joyeuse, qu'il ne se résigne pas à vivre sous un étouffoir. Et construit par sa lutte une République algérienne, démocratique et populaire.
Pur produit du système en place, le chef d'état-major de l'armée algérienne, le général Gaïd Salah (et ses alliés au sein du système) s'est lancé dans une vaste opération purgative, dont il attend qu'elle contente les millions d'Algériennes et d'Algériens qui depuis des mois exigent qu'on en finisse avec un régime, des pratiques, des clans, des intérêts qui pèsent sur le pays depuis son indépendance (ou presque). Gaïd Salah et les siens s'attaquent aux oligarques qui ne sont pas dans leurs petits papiers, comme l'ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia ou comme Ali Haddad, président sortant de la principale organisation patronale et patron du principal groupe de BTP du pays) et étaient proches du "clan Bouteflika", et en particulier du frère, Saïd, de l'ex-président démissionné par l'armée. Ali Haddad a été mis sous enquête pour corruption et transferts illicites de capitaux vers l'étranger. Les frères Kouninef, la famille Tahkout, Mohamed Bairi et une dizaine d'autres potentats du complexe politico-économique, dont Saïd Bouteflika lui-même, sont dans le collimateur d'une justice qui, a à faire oublier qu'elle était aux ordre d'un pouvoir dont Gaïd Salah était autant que Bouteflika l'incarnation. Lui qui, aujourd'hui, dénonce "les vastes opérations de pillage et de dilapidation qu'a connues le pays", et cette "poignée d'hommes" qui s'en sont appropriés les richesses, et dont il tente de faire les boucs-émissaires de la colère populaire. Nous revient alors le souvenir de ce congrès du Front des Forces Socialistes, il y a une quinzaine d'années, lors duquel on représentait le PS suisse, et où on avait annoncé à nos camarades algériens que leur pays était à "vendre", que ceux qui le vendaient étaient ceux qui le gouvernaient, et que d'entre ceux qui se pressaient pour en racheter une part il y avait... des Suisses. On s'était fait gourmander par l'Ambassadeur de Suisse à Alger. Et on lit aujourd'hui cette déclaration du président de l'Association algérienne de lutte contre la corruption, Djilali Hadjadj, selon qui "les plus malins (des) oligarques ont pris la fuite depuis quelque temps déjà et se sont mis en attente dans leur pays d'accueil". Dont, sans doute, la Suisse.
Une république algérienne, démocratique et populaire. Enfin.
Les Algériens ont mis un siècle à se constituer en nation, puis 30 ans à se libérer du colonialisme. Libres pendant deux ans, ils sont tombés pour plus d'un demi-siècle sous le pouvoir d'un parti unique, lui-même sous le pouvoir de l'armée, elle-même sous le pouvoir de ses services (très) spéciaux. Après les émeutes sociales de la fin des années quatre-vingt, ce pouvoir partagé entre bureaucrates, généraux et barbouzes avait essayé de soulever le couvercle qu'il avait lui-même posé sur le peuple algérien -mais ce sont les islamistes qui en ont profité, et gagné les premières élections à peu près libres de l'histoire algérienne, avec pour projet d'en finir avec toute forme de de pluralisme, de libertés individuelles et collectives. Un putsch militaire les prive de leur victoire -il s'ensuit dix ans de guerre civile, 200'000 morts et disparus. Et le maintien au pouvoir, de la même caste qui y était arrivée en 1962. Or depuis six mois, le peuple algérien, et sa jeunesse en tête, clame que ç'en est assez.
ç'en est assez, en effet -mais le pouvoir qui se purge lui-même n'est pas prêt à lâcher prise -tout au plus à organiser ce que le Collectif de la société civile pour une sortie de crise pacifique résume en "une transition clanique au sein même du pouvoir".
En Algérie, dans les rues des villes -et en particulier d'Alger- la tension monte entre manifestants et policiers, dont les effectifs sont de plus en plus importants face aux protestations de masse de chaque vendredi. Les brigades anti-émeutes, les canons à eau, les gaz lacrymogènes sont de sortie, face aux manifestants qui continuent, aux cris de "dégage !", le départ de toutes les têtes survivantes du pouvoir : le président par intérim Abdelkader Bensalah, le premier ministre Noureddine Bedoui, le chef d'Etat-major Ahmed Gaïd Salah. Ils ont obtenu la démission du président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaiz, mais ne sont pas prêts à s'en contenter. Et surtout, ils n'étaient pas pas prêts à voir les survivants du régime organiser l'élection présidentielle, prévue le 4 juillet (et qui a été annulée) : avec les moyens dont le "système" dispose, son expérience des manipulations et des fraudes, il est capable d'imposer n'importe quel candidat. Au sein du mouvement populaire, on revendique une assemblée constituante et des élections "libres et démocratiques". Et à la tête réelle du pouvoir, on reprend une vieille recette : on agite le spectre de l'ingérence étrangère (française, évidemment, mais sans la désigner comme telle, et alors que le France a été, face au mouvement populaire, d'une frilosité confinant à la complicité avec le pouvoir en place, Bouteflika tant qu'il y était, l'armée à défaut) : Garant de la pérennité du système, le Général Gaïd Salah évoque "les tentatives de la part de certaines parties étrangères, partant de leurs antécédents historiques avec notre pays (...) de mettre à exécution leurs desseins visant à déstabiliser le pays et semer la discorde entre les enfants du peuple".
C'est le même discours que le pouvoir algérien, par qui qu'il s'incarne, tient depuis 1962, à un pays qui a vécu 130 ans de colonialisme, huit ans de guerre de libération, près de 60 ans de dictature et dix ans de guerre civile, mais qui prouve, en six mois d'insurrection démocratique et joyeuse, qu'il ne se résigne pas à vivre sous un étouffoir. Et construit par sa lutte une République algérienne, démocratique et populaire.
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