Les primes d'assurance-maladie transformées en impôt


Des subsides pas subsidiaires

Un quart de la population suisse doit se faire aider par l'Etat pour payer les primes d'assurance-maladie. Et au rythme actuel, ces primes vont augmenter au moins de moitié, voire doubler, en l'espace d'une génération : ce sera alors la moitié de la population suisse qui aura besoin de subsides pour les payer. Le nouveau président de l'Union Syndicale Suisse, Pierre-Yves Maillard, constatait l'année dernière, een tant que Conseiller d'Etat chargé de la santé dans le canton de Vaud, que "l'obligation de s'assurer a transformé la prime en impôt" que des assuré ne peuvent payer que si l'Etat en paie une partie (voire, pour les plus pauvres, la totalité). En 2016, les subsides à l'assurance-maladie ont coûté 4,3 milliards de francs aux caisses publiques (1,8 milliard aux cantons, 2,5 milliards à la Confédération), et dans certains cantons cette facture pèse à elle seule le quart de toutes les dépenses sociales.


Le système suisse d'assurance-maladie fait des heureuses : les caisses, et elles seules.

Le 19 mai, on n'a pas seulement voté à Genève sur la réforme cantonale de la fiscalité des entreprises, mais aussi sur une initiative de la gauche (PS, Verts, Ensemble à Gauche) modifiant la politique des subsides accordés pour réduire la charge des primes d'assurance-maladie, et instituant un plafond de 10 % du revenu déterminant des ménages à consacrer au paiement de ces primes, des subsides étant accordés pour réduire cette charge à ces 10 % lorsqu'elle les dépasse. A cette initiative était opposée un contre-projet du Conseil d'Etat qui ne plafonne pas les primes mais élargit le cercle des bénéficiaires de subsides, qui sont augmentés. Finalement, c'est le contre-projet qui a été accepté : le revenu maximal pour toucher des subsides est rehaussé, et leur montant augmenté. Le nombre des bénéficiaires pourrait plus que doubler, passant de 53'000 à 140'000. Les subsides accordés (sous condition de ressources) passeront de 90 à 230 francs pour un adulte. Coût, pour le canton, de cet extension des subsides : 183 millions par an. Mais sans l'initiative de la gauche, il n'y aurait évidemment pas eu de contre-projet (et la gauche invitait d'ailleurs à voter "oui" à l'une comme à l'autre, avec évidemment une préférence pour son propre texte). Mais la solution adoptée ne résout rien : les subsides resteront fixes alors que les primes ne vont pas cesser d'augmenter. Les primes d'assurance-maladie en retard de paiement représentent 70 % des dettes des Genevoises et voises, 62 % des ménages endettés de Suisse l'étaient déjà en 2017 à cause de ces primes. Et 72 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté malgré qu'ils aient un emploi avaient ce genre de dettes.

Genève est l'un des cantons où les primes d'assurance-maladie sont les plus élevées (elles ont augmenté de 159 % en vingt ans...), et pèsent le plus lourdement sur le budget des personnes et des ménages (elles peuvent atteindre jusqu'au quart du revenu disponible : une charge insupportable pour des dizaines de milliers de nos concitoyens), incitant de plus en plus d'assurés à choisir des franchises trop élevées pour garantir une réelle couverture des soins, au point que nombre d'assurés renoncent purement et simplement à se faire soigner. Quant aux autres, ils doivent se faire aider : or si le coût des subsides aux assurés à explosé à Genève, tel n'était pas le cas, avant la votation de mai, du nombre des assurés qui en bénéficient. Autrement dit : c'est le montant des primes qui fait exploser la facture, pas le nombre des bénéficiaires de subsides.

Les primes d'assurance-maladie représentent aujourd'hui les principales dettes des ménages de Suisse, et leur paiement l'un de leurs principales charges -et donc l'un des principaux risques de précarité. Mais en même temps, comme elles sont supposer donner droit à la couverture des risques de maladie, étendre la part des dépenses de santé des ménages directement payées par eux, c'est-à-dire la franchise, ajoute de la précarité à la précarité que le niveau des primes induit : non seulement il faut payer très cher pour être couvert, mais on n'est même pas couvert de manière satisfaisante -et jamais de manière complète. Si on augmente la franchise, comme la parlement fédéral a faillé le faire avant que d'y renoncer (pour le moment), c'est-à-dire la part des dépenses de santé payées par l'assuré, on augmente le risque qu'il ne puisse assumer cette part, et donc renonce à cette dépense, et donc à se soigner. De nombreuses personnes renoncent déjà à des soins pour des raisons financières.

Il n'y a aucun doute que l'établissement de primes en fonction du revenu, payées à des caisses publiques, résoudrait une grande partie des problèmes du système actuel. Au lieu de quoi les cantons s'épuisent à vouloir réduire les primes par des subsides, pour éviter que la charge qu'elles représentent sur le revenu ne soit excessive. Mais cette politique des subsides n'atteint pas son but : dans la moitié des cantons, la charge des primes dépasse en moyenne les 15 % du revenu disponible des ménages, et atteint même 18 % à Bâle-campagne et dans le Jura, voire même 23 % pour un couple avec deux enfants. Le quart du revenu passe ainsi dans le paiement d'une assurance-maladie. Et comme il s'agit d'une moyenne, si cette part ne pèse que quelques pourcent des revenus les plus élevés, elle peut atteindre le quart des revenus les plus bas. Là interviennent les subsides -qui consistent finalement à payer aux caisses-maladie ce que les assurés ne peuvent pas payer. Les caisses ont donc la garantie que les primes qu'elles exigent leur reviendront.
Le système suisse fait ainsi des heureuses : ni les collectivités publiques, ni les médecins, ni les hôpitaux, ni les assurés, ni les malades : les caisses, et elles seules.

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