Réduction du temps de travail hebdomadaire : 32 heures, à tout petits pas...

La revendication déjà ancienne d'une réduction du temps de travail hebdomadaire à 32 heures a trouvé une nouvelle force en étant reprise par des mouvements comme celui de la "Grève pour l'avenir" du 21 mai, qui a inscrit cette revendication à son cahier de revendication, et des propositions de la gauche, comme l'initiative "1000 emplois", qui la contient, les effets de la crise sanitaire et des mesures prises pour y répondre, et à leur faveur, le développement du télétravail, n'y sont sans doute pas pour rien. Les collectivités publiques pourraient jouer un rôle d'initiatrices, d'éclaireuses, dans une démarche de réduction du temps de travail. Encore faudrait-il qu'elles le veuillent... A notre modeste niveau municipal (quoique de la capitale mondiale du monde mondial, ce qui n'est pas rien...), nous avions déposé une proposition de réduction progressive à 32 heures du temps de travail hebdomadaire du personnel municipal.  D'autres pourraient proposer 35 heures. Les plus optimistes en tenaient pour 24 heures, quatre fois six heures. Le collectif Adret, proche de la CFDT, dans les années septante, proposait deux heures par jour. Nous plaidons donc coupables d'une modération excessive...

Une revendication de gauche pour une municipalité de gauche...

Le moment du confinement de cet automne a confirmé deux évidences : D'une part, que l’évolution technologique donne, grâce à l’augmentation de la productivité du travail, de nouvelles possibilités de réduire le temps de travail nécessaire pour assurer à la population les services et les prestations dont une collectivité publique  a la charge, y compris des services nouveaux et des prestations nouvelles; d'autre part que le développement du télétravail et l'allègement, dans de nombreux services,  de la nécessité d'une présence physique sur le lieu de travail rend de moins en moins inévitable un plein temps de travail de 40 heures par semaine. 

Nous avons donc proposé de réduire, progressivement, à 32 heures le temps de travail hebdomadaire du personnel municipal de la Ville de Genève. Avec trois objectifs : d'abord, la réduction du temps de travail elle-même. Une vieille revendication de gauche...ensuite, la réduction de l'écart salarial entre les hauts et les bas salaires de la fonction publique, par une réduction des hauts salaires, proportionnelle à la réduction du temps de travail, et sans réduction des bas salaires mensuels (ce qui, forcément, aboutit à augmenter le salaire horaire); enfin, dégager des ressources financières, par une économie sur la masse salariale,  à l'engagement du personnel nécessaire aux tâches des services publics municipaux et au soutien des actions du secteur associatif, notamment dans le domaine social.

La proposition n'a pas encore été traitée par le Conseil municipal (ni même étudiée par la commission des finances), mais on a tout de même demandé au Conseil administratif d'évaluer son impact sur la masse salariale (et donc le budget) dans l'hypothèse où cette réduction du temps de travail entraînerait une réduction proportionnelle des traitement mensuels du tiertile supérieur de l'échelle des traitement, une réduction semi-proportionnelle des traitements mensuels du tiertile médian, les plus bas salaires mensuels restant inchangés. Et on a reçu après cinq mois réponse (on ne sait toutefois pas qui l'a rédigée, sauf que ce n'est de toute évidence pas le Conseiller administratif chargé du dossier...). Une réponse nulle et non avenue sur le fond, mais intéressante parce qu'elle résume l'argumentaire de l'opposition aux 32 heures, et plus particulièrement de ceux qui considèrent qu'ils en seraient les victimes, parce que la réduction de leur temps de travail entraînerait une réduction de leur salaire : on parle ici des mieux payés des employés et employées de la Ville, dont le salaire peut atteindre 260'000 francs par an. Bref, la réponse à la question posée est de toute évidence celle d'un opposant... A toutes fins utiles, on rappellera à la Municipalité de gauche que la réduction du temps de travail hebdomadaire à 32 heures, voire moins, est une revendication portée par l'initiative «1000 emplois» des syndicats et des partis de gauche... et par le mouvement de la Grève du Climat.

La réponse qu'on a reçue est construite sur l'hypothèse d'un report mécanique de la réduction du temps de travail sur l'engagement de personnel pour la compenser. On réduit le temps de travail de 20 % en cinq ans ? il faudrait 20 % de personnel en plus. C'est idiot : on sait depuis un siècle que réduire le temps de travail en augmente la productivité et accroît la qualité du travail fourni. Et que donc, s'il faudra en effet engager du personnel supplémentaire, il n'en faudra jamais autant (600 personnes) qu'évoqué dans la réponse remise au Conseiller administratif. Et que donc le coût de cette réduction n'attendra évidemment pas celui agité comme un épouvantail dans cette réponse (48 millions en cinq ans...)

On ajoutera que la hausse du salaire horaire du personnel le moins bien payé semble à l'auteur de la réponse être un argument pertinent contre la proposition faite d'une réduction du temps de travail sans réduction du salaire mensuel de ce personnel, alors que c'est au contraire l'une des fonctions de la proposition : la réduction de l'écart salarial entre les bas et les hauts salaires, et sa réduction par en haut (la réduction des plus hauts salaires mensuels) et par le bas (l'augmentation des plus bas salaires horaires).

Et on s'autorisera un léger sourire à lire, dans la réponse à notre question, l'évocation de l'hypothèse d'une démission des employées et employés les mieux payés, ne supportant pas une réduction de leur salaire mensuel (leur salaire horaire ne baissant pas) : vu le niveau actuel de ce salaire actuel, il y a peu de chance qu'on retrouve cette catégorie de salariées et de salariés à l'aide sociale, et moins de chance encore que leur passage d'un salaire, par exemple, de 200'000 à 160'000 francs suscite beaucoup de commisération...

Bref, ce n'était qu'une réponse à notre question, continuons le débat... et un combat engagé depuis des décennies...


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