"Chaos dans l'asile" ou mensonges dans la campagne électorale ?
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La droite (PLR) et la droite de la droite (UDC) du
parlement fédéral ont commencé en juin à attaquer la Conseillère
fédérale socialiste en charge de l'asile, Elisabeth
Baume-Schneider : le PLR demande ainsi que les requérants
d'asile érythréens déboutés soient renvoyés en Erythrée, ou à
défaut au Rwanda, pour éviter qu'ils émargent à l'aide
sociale... alors que les nouvelles requête d'asile pour des
Erythréens sont le fait de bébés nés en Suisse... L'UDC,
évidemment, surenchérit, en demandant que les étrangers
expulsables condamnés à une peine de prison en Suisse avant leur
expulsion purgent leur peine dans leur pays (en Syrie, par
exemple ?), alors qu'il n'y a aucune base légale le permettant,
et que cela peut les condamner à la torture, ou à mort. La
majorité de droite du parlement fédéral a en outre refusé les
conteneurs prévus pour accueillir des réfugiés sur des sites de
l'armée, et dénonce un "chaos dans l'asile", ce que la
Conseillère fédérale réfute : "il n'y a pas de chaos, mais nous
savons que de nombreux réfugiés arriveront en automne".
D'ailleurs, si chaos il y avait, le toute nouvelle Conseillère
fédérale ne pourrait en être tenue pour responsable : c'est sa
prédécesseure, la PLR Karin Keller-Sutter qui devrait l'être...
mais elle non plus ne peut être tenue responsable d'un "chaos"
qui n'existe que dans la campagne électorale de l'UDC... Mais
qui attend d'un tel parti qu'il sache ou veuille réalité décrire
?
Un programme socialiste fondé sur les deux piliers de l'accueil et de l'intégration
Après l'agression poutinienne, on était passé (dans un premier temps) de l'évocation de la "crise des migrants" à l'invocation de la "solidarité avec les réfugiés". Du moins avec ceux qui nous ressemblent. Une étude de la Haute école spécialisée bernoise, mandatée par le Secrétariat d'Etat aux migrations, relevait leurs difficultés, à partir d'entretiens avec près de 2000 bénéficiaires du permis S, en âge de travailler et vivant en Suisse depuis au moins trois mois. 70 % d'entre elles et eux ont une formation universitaire ou d'une haute école, 24 % une formation post-obligatoire. Ces personnes viennent souvent de secteurs souffrant en Suisse de pénurie de main d’œuvre, mais à peine plus d'un tiers d'entre elles ont trouvé un emploi en Suisse dans les six mois après leur arrivée, et c'est souvent un emploi à temps partiel. La principale cause relevée de ce sous-emploi, ou de ce chômage, tient à la barrière de la langue : seules 10 % des réfugié.e.s sont capables de s'exprimer dans une langue nationale de la Suisse (mais 40 % maîtrisent l'anglais, et toutes le russe). Une personne sur cinq, des femmes avec enfants à charge, évoque en outre des problèmes de garde d'enfant. L’Oeuvre suisse d'aide aux réfugiés demande un élargissement de l'offre d'accueil des enfants pour que leurs mères puissent suivre des cours de langues et accéder à un emploi. Près de 40 % des réfugié.e.s d'Ukraine vivent chez l'habitant, et les trois quarts d'entre elles eux évaluent positivement la qualité de leur vie en Suisse, et 72 % d'entre elles et eux souhaitent rester en Suisse et y gagner leur vie, l'OSAR estimant que le statut S doit continuer à leur être accordé tant qu'une menace générale existe en Ukraine.
Nous aurons, encore et toujours, dans les années à venir, à défendre le droit d'asile, les droits des migrants, la liberté de circulation, l'intégration des réfugiés, et surtout des réfugiées -pas seulement celle des Ukrainiennes et des Ukrainiens, celle, aussi, des migrants qui nous ressemblent moins. Or n'avons-nous pas trouvé à la fin de l'année dernière, sous notre sapin, le cadeau d'une nouvelle Conseillère fédérale, socialiste et jurassienne, et de gauche, à qui ses collègues ont -sans aucune arrière pensée, bien sûr- confié le ministère de tutelle de la politique suisse d'asile et de migration ?... L'UDC, dont on susurre qu'elle aurait majoritairement voté pour Elisabeth Baume-Schneider, comme on choisit sa future tête de Turc, en avait immédiatement fait sa cible privilégiée. Fin décembre, le président du parti, Marco Chiesa avait demandé que la Confédération renvoie les demandeurs d'asile africains en Afrique. Et le parti envisageait de lancer une initiative, genre "Ecopop", pour "résoudre l'urgence humaine et climatique de la migration". Pour l'UDC, il y a le feu au lac : depuis l'invasion russe de l'Ukraine et l'octroi du "statut S" pour les victimes de la guerre, 75'000 personnes sont arrivées en Suisse , et 3000 de plus y arrivent tous les mois, s'ajoutant aux 25'000 demandeurs d'asile "normaux", et à l'immigration habituelle. Autant dire que le PLR était soulagé de ce que Karin Keller-Sutter ait refilé le département de tutelle de la politique d'asile à Elisabeth Baume-Schneider. Laquelle évoquait, avant son élection, l'élargissement possible du "statut S" aux Iraniens -et surtout aux Iraniennes. La nouvelle ministre a en outre un argument en réserve pour une partie de la droite : le manque de main d’œuvre qualifiée, l'insuffisance du marché du travail indigène et résident -et donc le besoin d'immigration.
De notre côté (gauche), le PS s'est doté d'un
programme fondé sur les deux piliers de l'accueil et de
l'intégration. Et sur le refus de "toute
tentative de limiter l'accès à l'asile en Suisse". Les
socialistes veulent que soit revu le statut, bancal et précaire,
de l'admission provisoire (permis F) pour le rapprocher le plus
possible, voire l'identifier, au statut de réfugié. Nous
demandons en outre l'augmentation des moyens consacrés à l'aide
humanitaire et à la coopération au développement, dans les pays
d'émigration. Nous refusons la fermeture des frontières,
proposons l'ouverture à travers elles, et jusqu'en Suisse, de
"corridors humanitaires" pour les réfugiés les plus
vulnérables, et demandons l'assouplissement des conditions
d'octroi des visas humanitaires.
Dès lors, choisis ton camp, citoyen, citoyenne !
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