Fonds de tiroir

 Comme après chaque élection can-tonale, donc tous les cinq ans, le 1er juin, le nouveau gouvernement genevois a fait prononcer dans le Temple de Saint-Pierre et devant plusieurs centaines de notables,  par son président (en l'occurrence Antonio Hodgers) un discours pré-programmatique (dit «discours de Saint-Pierre»). Et il dit quoi, il pré-programme quoi, le discours inaugural de ce quinquennat ? La «Tribune» résume: «garantir la sta-bilité de notre société et le fonctionnement de l'Etat, offrir des perspectives d'avenir concrète et favoriser les libertés et les droits individuels», mais aussi développer une «mobilité multimodale et inno-vante» tenant compte de l'«en-semble des usagers», un urbanisme «plus végétal», la réduction de la pollution de l'air, la préservation de l'eau, la qualité et la proximité des services, la rénovation des bâtiments et la sobriété énergétique... et une baisse d'impôts. C'est bien, non? Vous craigniez quoi? Un gouverne-ment qui annonce qu'il veut désta-biliser la société, empêcher l'Etat de fonctionner, n'offrir aucune perspec-tive d'avenir et écraser les libertés et les droits individuels ? Et annoncer en vrac une hausse d'impôts pour renforcer une immobilité monomo-dale et archaïque, l'abattage des arbres en ville, une augmentation de la pollution de l'air, le gaspillage de l'eau et de l'énergie, l'éloigne-ment et la mauvaise qualité des services?  Pas besoin de le promettre, tout ça, y'a qu'à laisser faire le cours des choses... Mais bon, y'a cinq ans, c'était Pierre Maudet qui, tout frais élu, et éphémèrement président du Conseil d'Etat avant de s'en faire virer faisait le «discours de Saint-Pierre» : il annonçait une «alliance renouvelée entre le peuple et les autorités» et appelait les partis politiques à conclure un pacte... C'est dire s'il a du poids, le «discours de Saint-Pierre»...

Encore un motif de fierté genevoise : Genève est le champion suisse des écoutes téléphoniques et surveillances de messages écrits, devant Vaud et Zurich: sur 1218 mesures de ce genre ordonnées en Suisse, 223 l'ont été à Genève, où les «recherches par champ d'antenne» ont augmenté de 95 %. Un tiers de ces mesures ont été ordonnées pour élucider des crimes dans le domaine de la finance (ça explique en effet leur fréquence à Genève), et un quart dans le cadre d'infractions graves à la loi sur les stu-péfiants. Evidemment, la criminalité financière est un peu plus répandue à Genève qu'à Herzogenbuchsee, et le trafic de drogue y trouve plus de clients qu'à Sonogno. La rançon de la prospérité, quoi... Mais l'important, c'est qu'on soit les premiers, non ?

Alain Berset, ci-devant président de la Confédération, quittera le Conseil fédéral à la fin de l'année. Il avait quasiment fait partie de nos vies pendant toute la période covidienne. Un peu comme s'il faisait partie de la famille, comme l'oncle qui tous les soirs nous annonçait une mauvaise nouvelle pour, une ou deux semai-nes, un ou deux mois plus tard, nous en annoncer une bonne. Ce fut aussi le socialiste qui plaida, contre son parti, pour le report à 65 ans de l'âge de la retraite des femmes. Lui assure (dans «Le Courrier» du 22 juin) que «depuis 1848, aucun membre du Conseil fédéral n'a été directement impliqué dans autant de scrutins populaires» que lui. Et depuis 1943, aucun socialiste dans autant de scrutins pour y défendre une position contraire à celle de son parti ?

En janvier, dans un sondage commandé par la Coop, 63 % des personnes interrogées affirmaient renoncer plusieurs fois par mois raux aliments d'origine animale (poissons compris), mais une équipe de chercheurs s'est mis en tête de vérifier la sincérité de cette décla-ration en épluchant les tickets de caisse de 371 ménages. Résultat : 70% d'entre eux continuent de privilégier une alimentation carnée. Et seuls 8 % sont au moins végéta-riens (végétaliens et véganes comp-ris), et 18 % flexitariens (moins de 200 gr de poisson et 300 gr de viande par personne par semaine. Finalement, la bouffe, ça serait pas comme dans certaines campagnes électorales : on ne fera pas ce qu'on a dit qu'on ferait, on ne dit pas ce qu'on fera (ou mangera) ?

En Suisse alémanique, il semble que les partis politiques en lice pour les élections fédérales fassent un effort particulier en direction des «segundos», les citoyennes et les citoyens nés en Suisse de parents immigrants. Même l'UDC s'y met, en présentant à Zurich une sous-liste formée de «segundos». En revanche, en Suisse romande, aucun effort particulier de ce genre ne se remar-que. Selon le président du PS vau-dois, Romain Pilloud, c'est parce que le lien avec les populations d' origine étrangère a déjà été tissé il y a longtemps, que ces populations sont aujourd'hui bien intégrées, et qu'on n'a pas besoin d'en faire plus. Bon, c'est peut-être un peu auto-satisfait, mais c'est vrai, quoi: quand on est déjà les meilleurs, on va pas insister, ça pourrait vexer les staubirnes retardataires...

A Genève l'UDC a déposé un projet de loi supprimant l'administration de la Ville de Genève et faisant gérer la Ville par le canton. Il y a dans la parvulissime République quelque cho-se qui tient d'une obsession phobique de la droite à l'égard de la Ville de Genève, qui mérite qu'on la replace dans l'Histoire. La vieille République correspondait à ce que sont aujourd' hui les arrondissements de Cité-Rive et de Saint-Gervais, et ne connaissait pas de communes : les territoires de Genève hors de la ville et de ses remparts étaient des mandements, des bailliages, des paroisses -mais pas des communes, et c'est le régime français né de la «réunion de la Petite République à la Grande» imposa l'institution communale et fit de Genève la préfecture d'un Départe-ment du Léman qui, ironiquement, correspond grosso modo à la «Grande Genève» transfrontalière actuelle. Bref, c'est la faute de la France s'il y a à Genève des communes, dont une de Genève qui fait de l'ombre au canton. D'ailleurs, à Genève, tout est de la faute des Français, non ?

Vieux comme on est, on a des sou-venirs (qui ne sont pas des nostalgies) du temps où la Suisse comptait au moins quatre grandes banques : l'Union de Banque Suisse (UBS), la Société de Banque Suisse (SBS), le Crédit Suisse (CS), la Banque populaire suisse (BPS). Il n'en restera bientôt plus qu'une, qui se sera goinfrée les trois autres (la BPS s'étant faite bouffer par le CS). Avec la disparition de Crédit Suisse, la Suisse se retrouve avec un géant bancaire (UBS) qui a lui seul pèse presque aussi lourd que toutes les banques publiques du pays. Le pré-sident du PLR, Thierry Burkart, «regrette la fin de Crédit Suisse» et de «plus de 150 ans d'histoire», le gouvernement zurichois déplore les pertes d'emplois dans un secteur qui en représente près de 100'000 dans le canton, et le co-président du PS, Cédric Wermuth, observe que «l'effet principal de tout l'exercice financier, ce sont des profits gigantesques pour UBS (et des) coûts (qui) finissent par être répercutés sur le peuple». Ben quoi, c'était bien le but de l'opération pilotée par UBS, la Banque Nationale et le Conseil fédéral, non ?




Commentaires

Articles les plus consultés