9 juin : vote sur le plafonnement des primes d'assurance-maladie
Aux armes, assurés !
Le 9 juin, on votera sur l'initiative populaire
fédérale lancée par le Parti Socialiste pour un plafonnement des
primes d'assurance-maladie à 10 % du revenu disponible du ménage
-une disposition déjà en vigueur dans le canton de Vaud, et que
les socialistes veulent étendre au reste de la Suisse, la
Confédération assumant les deux tiers de la réduction des
primes, les cantons le tiers restant. On votera le même jour sur
une autre initiative, émanant celle-là du PDC (Le Centre) pour
"baisser les primes -pour un frein aux coûts de la santé" qui
ne propose, pour baisser les primes, que la "solution" de tenter
de faire baisser les coûts de la santé si les primes augmentent
plus vite que les salaires. Quant au Conseil fédéral, il avait
proposé au parlement un contre-projet à l'initiative socialiste
pour que la part cantonale liée à la réduction des primes (elle
s'élevait à 43 % en 2019) soit liée aux coûts bruts de la santé,
les cantons où ces coûts sont les plus importants et la charge
sur les ménages la plus lourde, devant payer plus. Ce
contre-projet a été saboté par la droite, qui l'a réduit à une
proposition symbolique. On se retrouve donc dans une
configuration politique assez semblable à celle qui a prévalu il
y a un mois lors de l'acceptation de l'initiative syndicale pour
une 13e rente AVS : une gauche politique et syndicale unie
derrière une initiative qui améliore concrètement et rapidement
la situation financière des gens, et une droite dont la base
électorale est divisée, au point que selon les premiers
sondages, la majorité de l'électorat du centre et de l'UDC, et
plus de 40 % de celui du PLR, était prête à voter pour
l’initiative de la gauche. Pour autant, rien n'est encore
acquis, la campagne ne fait que commencer, l'argent va couler à
flot pour la campagne des opposants à notre initiative. Et la
Conseillère fédérale socialiste, collégiale comme il convient,
ira dans les étranges lucarnes défendre la position du Conseil
fédéral contre celle de son propre parti, comme elle le fit
avant le vote du 3 mars sur la 13e rente AVS. Du moins ne
parût-elle pas particulièrement affectée ensuite par la défaite
du gouvernement et de la majorité du parlement... Alors, d'ici
le 6 juin : aux armes (politiques), assurés !
Un doigt d'honneur aux montreurs d'épouvantail
financier
Les primes d'assurance-maladie sont une sorte d'impôt, puisque l'assurance est obligatoire (et le paiement des primes aussi...). Mais c'est un impôt profondément injuste, puisque les primes sont par tête et non par ménages, et étant fixes ne tiennent aucun compte de la capacité financière des assurés : une travailleuse pauvre paie la même prime qu'un milliardaire... et si cette travailleuse pauvre est dans un ménage de quatre personnes, ce ménage paiera quatre fois plus que ce milliardaire -pour ne pas être mieux couvert ni mieux soigné (au contraire, le milliardaire pourra se payer une franchise mahousse qui réduira sa prime au prix d'une bonne bouteille). Si l'initiative socialiste ne réforme pas le système d'assurance maladie (une autre initiative socialiste pourrait bien proposer de le faire, par la création d'une caisse publique), elle répond au moins au problème immédiat du poids des primes sur les budgets des ménages, ce à quoi l'initiative du Centre ne propose aucune réponse.
"SantéSuisse", une faîtière des
assureurs-maladie, a calculé que les dépenses médicales ont
progressé de 6 % par assuré en 2021. Qui est responsable de
cette progression des coûts ? Evidemment pas, pour leur
faîtière, les assurances-maladie... mais, en vrac : les
médecins, trop nombreux (par rapport à la population,
particulièrement à Genève qui détient le record suisse de la
densité médicale), les spécialistes, trop nombreux aussi, et
trop chers (les physiothérapeutes, par exemple, avec une hausse
de 20 % des coûts par assuré les consultant à Genève ou dans le
canton de Vaud), les médicaments, trop chers (même les
génériques, vendus deux fois plus chers en Suisse que dans les
pays voisins), les tarifs médicaux (le tarif à la prestation
pousse à la multiplication des actes médicaux), les traitement
inefficaces mais remboursés, l'abus de prescriptions de
somnifères et de sédatifs, la passivité des cantons (mais la
faîtière des assurances-maladie ne propose évidemment pas la
création de caisses publiques cantonales, elle veut que les
caisses privées restent maîtresses du système...). On saura gré
aux assureurs de ne pas accuser carrément les malades d'être
responsables des coûts de la santé, mais on les sent prêts à le
faire. Ils ne seraient pas les premiers : chacun accuse l'autre
de profiter du système actuel et s'en pose en victime :
assureurs, cantons, médecins, hôpitaux publics, cliniques
privées, pharmas se renvoient le ballon d'oxygène -et l'assuré
obligé de l'être paie -et s'il ne le peut pas, les cantons le
font à sa place. Avec plus ou moins de bonne volonté.
Qui est maître du système suisse de santé ? un
récent épisode genevois donne un élément de réponse : le
principal assureur-maladie romand, le Groupe Mutuel, décide,
tout seul, comme un grand, de rompre ses relations avec une
clinique privée genevoise (la Tour), après avoir passé un accord
avec deux autres cliniques privées (Les Grangettes et la
Colline, regroupées dans Hirslanden), dont les patients ont été
déviés par deux autres assureurs (la CSS et Helsana) vers
d'autres cliniques privées. Qu'y a pu le canton, ou la
Confédération ? Rien. Le fait du prince, ici, c'est le fait des
caisses privées.
S'agissant du système d'assurance-maladie, une résolution du Congrès du PS suisse demande le lancement d'une nouvelle initiative populaire pour la création d'une caisse publique d'assurance-maladie. La résolution ne propose pas de texte, celui-ci devant être discuté avec les autres partis de gauche, les syndicats, les associations de consommateurs et d'assurés, mais quelques principes ont tout de même été posés : la caisse publique consisterait en fait en caisses cantonales ou intercantonales rassemblées dans une structure nationale, les primes seraient plafonnées à 10 %du revenu, les bénéfices seraient redistribués aux assurés, la transparence serait garantie et une part des primes affectée à la prévention. Ce système permettrait par rapport à celui des caisses privées, des économies dans la publicité, l'administration, les rémunérations des courtiers et des administrateurs des caisses, et à plus long terme grâce à la prévention.
Quant au PLR, il nous a sorti en juillet une proposition d'assurance-maladie de base "à la carte", avec des primes abaissées de 25 % à condition qu'on renonce au remboursement de certains traitements, de médicaments dont il existe un générique ou qu'on accepte une franchise allant jusqu'à 3500 balles, à la charge de l'assuré. Une assurance-maladie pour pauvres ou pour personnes en bonne santé, quoi, alors que le principe même de l'assurance-maladie modèle LAMaL (elle a suffisamment de défauts par ailleurs pour qu'on lui reconnaisse cette légitimité-là...) est que les personnes en bonne santé financent les soins de celles qui ne le sont pas. En fait, le PLR ne propose rien d'autre qu'une médecine à deux vitesses -ce que même les assureurs de SantéSuisse refusent : "l'accès uniforme de tous les assurés à l'ensemble des prestations de l'assurance de base est un acquis social qui doit être préservé"...
Selon l'Office fédéral de la santé publique, près
d'un assuré sur cinq renonce à des soins parce qu'il ou elle n'a
pas les moyens de payer la franchise de son assurance, la prime
moyenne genevoise, déjà l'une des plus élevée de Suisse, a
augmenté de 44 francs en 2024, et
devrait encore renchérir 2025... alors
que 120'000 assuré.e.s genevois.e.s reçoivent déjà une aide
cantonale pour payer leur prime. Et que près de deux tiers des
assurés genevois n'ont pas d'assurance complémentaire, et que
celles et ceux qui en ont une sont de plus en plus nombreux à y
renoncer du fait de la hausse des primes.
L'initiative socialiste, et moins encore celle du Centre, ne changent pas le système -mais la première le rend au moins plus supportable aux assurés modestes dont les cotisations ne sont pas, partiellement ou totalement prises en charge par les cantons. C'est apparemment trop d'ambition pour le Conseil fédéral, qui ressort du tiroir la vieille recette des campagnes référendaires contre toute proposition de progrès social, si modérée soit-elle : faire peur en invoquant le coût de la réforme. En mars dernier, ça n'avait pas marché : le peuple avait fait fi de l'épouvantail du coût et voté une 13e rente AVS. Puisque l'épouvantail a été ressorti, il ne nous reste qu'à faire en sorte que le même doigt d'honneur lui soit adressé...
Ce n'est pas très poli, d'accord -mais les monteurs d'épouvantails ne le méritent-ils pas ?
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