Dégrader les conditions de travail et d'accueil dans les crèches : Pourquoi ? Parce que...

 

Le 9 juin, le peuple adulte et (indigène ou naturalisé) de Genève choisira d'offrir à ses enfants et leurs familles un accueil de qualité dans des crèches dont le personnel sera payé correctement, disposera de conditions de travail décentes, ou dans des lieux de simple gardiennage au personnel sous-payé. Ce qui est soumis au vote, c'est une modification de la loi sur l'accueil préscolaire dont le seul objectif est de permettre aux crèches et garderies privées (qui ne sont que 7 % de celles du canton) de s'abstraire de l'obligation de se conformer aux usages du secteur, qui reprennent en grande partie les dispositions de la Convention collective en vigueur en Ville de Genève et dans les autres communes. Des usages qui, entre autres, imposent un salaire minimum de 6300 francs par mois pour un.e éducateur.trice et de 5200 francs par mois pour un.e assistant.e socio-éducatif.ve : c'est trop, pour la droite parlementaire et quelques crèches privées, qui veulent en revenir au salaire minimum légal (d'un peu plus de 4000 francs par mois), faute de pouvoir s'en abstraire aussi -ce qui de toute évidence les démange. Pour le personnel d'encadrement des crèches privées, ce serait une perte d'un quart, voire d'un tiers du salaire. A quoi s'ajouterait la perte des droits contenus dans la convention collective. Et tout cela sans créer une seule place de crèche, ni faire baisser les tarifs des crèches privées, bien plus élevés que ceux des crèches municipales, mais en y dégradant les conditions de l'accueil des enfants. Qui en fera les frais ) les femmes et les enfants d'abord : les femmes qui y travaillent, les enfants qui y sont accueillis. Pourquoi ? Parce que la droite parlementaire et quelques crèches privées le veulent...

Prochaine étape : en revenir au XIXe siècle et instaurer le bénévolat obligatoire...

Il y a 220 structures d'accueil de la petite enfance dans le canton de Genève, et seules 57 ne sont pas municipales ou signataires de la Convention collective. Ce sont ces 57 crèches et garderies privées que la droite veut autoriser à payer leur personnel au salaire minimum légal, et pas au salaire conventionnel. Et ce ne sont qu'une demie-douzaine de ces crèches qui ont instrumentalisé la majorité de droite du Grand Conseil (sauf le MCG)  pour leur faire ce cadeau, sans autre raison que leur permettre de faire des économies de masse salariale. La société de crèches privées Totup avait tenté, avant que la droite parlementaire s'attaque aux usages en vigueur dans les crèches municipales et les crèches subventionnées, de s'en abstraire elle-même : elle y avait perdu son autorisation d'exploitation, y avait gagné une exclusion des marchés publics et une amende. Puis avait été déboutée de son recours au Tribunal fédéral, qui avait confirmé qu'imposer aux crèches le respect des usages et de la convention collective répond à des "intérêts publics évidents", dont la protection des conditions salariales de leur personnel, pour "assurer la qualité de l'encadrement des enfants". On ne saurait (presque) mieux dire, sauf à ajouter que l'offensive de la droite contre les conditions de salaire, de travail et de formation du personnel du secteur de la petite enfance pourrait, si elle était ratifiée dans les urnes, en présager d'autres, dans d'autres secteurs respectant des usages meilleurs que les minima légaux.

Le Parti socialiste suisse a lancé et fait aboutir une initiative populaire fédérale pour la création de places de crèche, afin de permettre aux parents de mieux concilier leurs vies professionnelle et familiale : https://creches-abordables.ch/. Les femmes assument toujours la majeure partie du travail de prise en charge et de soins domestiques ce qui contraint leurs possibilités d'emploi, à moins de bénéficier d'un accueil de leur enfant en crèche. La garantie de trouver une place de crèche pour leurs enfants est donc un élément essentiel de l'avancée vers plus d'égalité. Or les places de crèches sont en nombre insuffisant pour répondre à la demande, et les possibilités de trouver une telle place, comme d'ailleurs la qualité de la prise en charge des enfants  qui y est offerte, et même son coût pour les parents, dépendent beaucoup du lieu de résidence. 

Que tout enfant ait droit à une place d'accueil extra-familial et que de bonnes conditions de travail pour le personnel de la petite enfance, un personnel à 95 % féminin, soient garanties, parce qu'en dépend la qualité de l'accueil des enfants, sont les raisons du projet de municipalisation des crèches défendu en Ville de Genève par la gauche et mené par la Conseillère administrative Christina Kitsos. Elles sont donc aussi celles d'un refus clair et net d'un projet de loi qui en dégradant les conditions de salaire et de travail du personnel sans créer aucune place de crèche supplémentaire dégrade celles de l'accueil des enfants. Et tout cela pour pouvoir payer (et former) le moins possible le personnel des crèches et des jardins d'enfant.

D'ailleurs, pourquoi encore le payer et le former, ce personnel ? Prochaine étape : en revenir au XIXe siècle, instaurer le bénévolat obligatoire...



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