Dis Tonton, c'est pour quand, la gratuité des transports publics?

 

Tais-toi et resquille !

Après qu'un usager des TPG ait été amendé (130 balles) comme resquilleur alors qu'il avait un billet, pris par SMS, mais reçu trop tard selon les contrôleurs, les TPG rappellent que «tous les billets générés après le lancement de la mission de contrôle sont considérés comme non valables» (rien que l'expression «mission de contrôle» fait marrer), même si quelques secondes seulement séparent la montée dans le véhicule et l'arrivée du billet sur le smartphone. Pourtant, l' Office fédéral des transports estime qu'un billet reçu sur un smartphone après le départ d'un véhicule est valable, et qu'il est même acceptable de le prendre en ligne après le départ du véhicule... Rien n'y fait, la faîtière des transporteurs, "Swiss Pass" a décidé de continuer à pruner les voyageurs ayant pris leur billet après le départ du bus, du tram ou du train. A Genève, l'usager amendé peut évidemment refuser de payer, mais du coup son amende passe à 170 balles. Et s'il refuse de la payer, ça va encore grimper. Jusqu'à ce qu'on lui colle des jours-amende. Et qu'on les lui fasse passer en prison. Où il coûtera 600 balles par jour à l'Etat. C'est pas un peu con ? Non, pas qu'«un peu ».

Quand l'enjeu de la gratuité des transports publics se double d'un enjeu démocratique.

Alors, c'est pour quand, la gratuité des transports publics, à Genève comme à Montpellier ? vraisemblablement pas pour demain : le Grand Conseil a réussi un de ces tours de force qui font l'admiration du reste de la Suisse : il a réussi à repousser une proposition du Conseil d'Etat que théoriquement tous les partis soutenaient : la gratuité pour les moins de 25 ans, à laquelle le Grand Conseil avait d'abord ajouté la gratuité pour les plus de 65 ans, puis pour eux une réduction de 50 % du prix de l'amendement. Sur quoi, le MCG a déposé un amendement pour que tout ça soit réservé qu'aux résidents genevois, le PLR a demandé le renvoi du paquet en commission, le PS a fait passer un amendement pour baisser tous les tarifs et garantir au Grand Conseil la compétence fixer les tarifs. Ainsi amendé le projet de loi... a été refusé au vote final. Pas de gratuité pour les jeunes, pas de réduction pour les vieux, le statu quo. Ou le statut con. Une impasse dont le Conseil d'Etat lui-même veut sortir : il remet donc le couvert et redépose un projet de loi instaurant la gratuité pour les jeunes, une réduction de 50 % des taris pour les retraités et invalides... et lui donnant compétence à lui, Conseil d'Etat et non au Grand Conseil, de valider les tarifs élaborés par les TPG et donc de les soustraire au référendum populaire. En liant ainsi des mesures de gratuité et de réduction des tarifs à un transfert de la compétence de les fixer, le Conseil d'Etat rend chaque proposition dépendante de la réponse à une autre. Et additionne ainsi les oppositions, et condamne vraisemblablement son propre projet, puisque les deux principaux groupes du parlement, le PLR et le PS, y sont opposés (pour des raisons contradictoires). Or un projet de loi interpartis (PS, Verts, Centre, MCG, LJS) a été déposé début mai, qui ne porte plus que sur la gratuité partielle, et ne la parasite pas par un transfert de la compétence de fixer les tarifs. Ce projet est potentiellement majoritaire au Grand Conseil, et pourrait être voté sans délai...

La mobilité est-elle un droit fondamental ? Si elle l'est, elle doit devenir un droit, garanti comme tel.  Un droit fondamental doit-il être monnayé, marchandé ? Et qui doit le payer ? Et combien ? L'inégalité de ressources disponibles se traduit, forcément, par une inégalité d'accès à un droit quand cet accès est payant. Seule la gratuité de l'accès à l'exercice d'un droit permet de faire de ce droit un droit de toutes et tous. Ce raisonnement social est l'une des  justifications des projets de gratuité des transports publics : Une autre justification est  d'ordre à la fois urbanistique et environnemental : au regard du nombre de personnes qu'ils transportent, les déplacements en transports public consomment bien moins d'espace dans la ville et sont bien moins nuisibles à l'environnement.

L'agglomération de Montpellier  (500'000 habitants) a introduit la gratuité dans les transports publics pour ses résidents (mais pas les touristes). Montpellier n'est pas la première ville française à adopter la gratuité des transports publics pour ses habitants (Dunkerque l'a déjà fait en 2018,  et 45 autres villes ont déjà suivi, dont Douai, Morlaix, Calais, Noyon, Bourges, Niort, Libourne, Cahors,, Castres, Gap, et neuf communes périphériques de Paris), mais c'est la plus importante. "Cette idée va se développer", assure son maire socialiste, Michaël Delafosse. On le souhaite autant que lui -et on souhaite qu'elle se développe aussi chez nous, malgré les obstacles que le Tribunal fédéral met à sa concrétisation. Les professionnels de la profession, eux, plaident (en France comme en Suisse) pour une hausse des tarifs afin de financer la transition énergétique pour les véhicules et la densification des réseaux pour les usagers.

Les modalités de la gratuité à Montpellier sont celles de la remise d'un passe obtenu gratuitement avec un justificatif de domicile : la gratuité est réservée aux résidents de la métropole, soit de Montpellier et de la trentaine de communes qui l'entourent. Elle avait déjà été introduite le week-end, puis, et septembre 2021, toute la semaine pour les moins de 18 ans et les plus de 65 ans. Sa généralisation aux résidents fera perdre entre 30 et 35 millions de recettes à la Métropole, qui devrait toujours recevoir entre six et dix millions des usagers de passage. Ce manque à gagner sera fixé par l'impôt, soit la taxe mobilité versée par les entreprises, qui devrait rapporter 121 millions en 2024. Et à ceux qui critiquent une "gratuité" qui n'en serait pas une puisqu'elle ne ferait que transférer le financement des transports publics de leurs utilisateurs aux contribuables, le Maire de Montpellier et la vice-présidente de l'agglo rétorquent : "ça ne choque personne que la route soit gratuite" pour ses utilisateurs... "Le XIXe siècle a été celui du combat pour l'instruction publique, laïque et gratuite. Le XXe, celui du combat pour la sécurité sociale. Le XXIe doit être celui du droit à la mobilité, avec la gratuité des transports", a résumé la vice-présidente de la Métropole de Montpellier, Julie Frêche... 

A Genève, on n'en est, hélas, pas encore là : l'entreprise de transports publics veut pouvoir augmenter ses tarifs sans que le peuple des usagers ait quoi que ce soit à y redire.  Et c'est ainsi que l'enjeu de la gratuité des transports publics se double d'un enjeu démocratique.

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