La Ville de Genève veut soutenir l'UNRWA...
Solidarité subsidiaire
Le Conseil administratif de la Ville de Genève a
proposé au Conseil municipal d'accorder à l'UNRWA une aide
"exceptionnelle" d'un demi-million de francs, pour pouvoir
apporter aux populations de Gaza un peu plus qu'une aide
humanitaire d'urgence. A d'autres
communes de faire le même geste de solidarité subsidiaire à la
défaillance fédérale. On s'apprêtait à
déposer nous-mêmes une proposition de contribution de la Ville
de Genève à l'UNRWA, pour un million, mais qui veut le plus
acceptant le moins, on va évidemment soutenir la proposition de
l’Exécutif municipal. Le geste compte plus que le montant, pour
autant que celui-ci ne soit pas que symbolique. Il l'est, mais
il est plus que cela, parce qu'il
contraste avec celui du gouvernement suisse, qui a coupé de
moitié (soit de dix millions) la contribution de la
Confédération à l'UNRWA pour complaire aux accusations
israéliennes, non confirmées, de connivence de l'agence avec le
Hamas, accusations repoussées par le rapport d'enquête
indépendant demandé par l'ONU à l'ancienne ministre française
des Affaires étrangères Catherine Colonna. Pour justifier sa
coupe de 50 % de la contribution suisse à l'UNRWA, le Conseil
fédéral affirme qu'il vise à "pourvoir aux besoins vitaux les
plus urgents" de la population de Gaza. Ont-ils donc été réduits
de moitié, ou déjà satisfaits à moitié ? les Gazaouis ont-ils
été nourris à moitié ? soignés à moitié ? enterrés à moitié ?
"A quelle alliance appartenez-vous, en somme ?"
Dans "Le Temps" de ce samedi, Avraham Burg, ancien
président de la Knesset et de l'Agence juive, signataire d'un appel pour une reconnaissance de l'Etat
de Palestine, dit qu'il se demanderait,
s'il était Suisse, si "la neutralité absolue, qu'il s'agit en
théorie de maintenir, (n'est pas) en train de glisser vers une
indifférence tout à fait biaisée" et si "cette indifférence
(n'est pas) en train de se convertir en une certaine
collaboration avec les atrocités qui sont commises". Et de
rappeler que si l'UNRWA n'est "certes pas une organisation
parfaite" (mais en est-il qui pourrait y prétendre ?), "arrêter
son financement actuel, comme le fait la Suisse" quand elle le
réduit de moitié, "cela veut dire très concrètement qu'une
personne sous une tente n'aura pas de pain pour manger". De
fait, continue Burg, l'UNRWA est utilisée "comme un
putching-ball sur lequel tout le monde aide cogner". D'autant
plus fort que c'est sans danger : l'UNRWA n'a pas de groupe armé
pour se défendre ou pour riposter... Et pour ceux qui veulent la
supprimer, l'UNRWA commet la plus grande des fautes : en aidant
les Palestiniens, elle contribue à les faire exister comme
peuple. Le même reproche n'avait-il pas été fait naguère à
l'Agence juive, de faire exister en Palestine un peuple qui ne
devrait pas y être comme peuple, mais seulement comme population
?
Face à un gouvernement israélien qui ne veut pas entendre parler du "jour d'après" les combats à Gaza, quand il faudra y remplacer le Hamas comme autorité, Avraham Burg résume l'enjeu : comme "on ne peut pas (remplacer le Hamas) par la Garde suisse du Vatican", il est "évident que l'alternative doit être palestinienne". Exprimant "le sentiment très profond (qu') Israël est devenu aujourd'hui le dernier colonisateur du monde occidental (par) une colonisation physique, une domination et une occupation à l'ancienne", Burg ajoute qu'"Israël a échoué, de manière délibérée, à mettre au pas ses colons extrémistes violents". Et l'historien Saul Friedländer ajoute qu'"Israël est en passe de devenir une théocratie autoritaire, fondée sur l'apartheid". Ce qui explique sans doute le ralliement à un soutien inconditionnel de la vieille extrême-droite antisémite à Netanyahou : passer de l'antijudaïsme à l'islamophobie ne coûte en effet pas grand'chose, sinon quelques changements de mots : remplacez "youpin" par "bicot" et "youtre" par "raton", vous aurez fait le travail. Et Avraham Burg conclut : "Quoi qu'Israël ait fait aux Palestiniens depuis 1948, ou depuis 1967, quoi qu'on ait fait là-bas (...), rien ne peut justifier les atrocités du Hamas du 7 octobre. Et, à l'inverse, ce qui s'est passé le 7 octobre ne justifie pas ce qu'Israël fait aujourd'hui".
Avraham Burg nous demande, à nous, Suisses : "A quelle alliance appartenez-vous, en somme ? A celle que composent la Hongrie, les Etats-Unis incarnés par Donald Trump ou par Benyamin Netanyahou en Israël ?". La question posée aux Suisses est surtout posée à leur gouvernement et à leur parlement. A sa manière, la Ville de Genève, parce qu'elle est une commune, parce qu'elle n'est pas en charge de la (dé)Raison d'Etat, et parce qu'elle a quelques moyens financiers, y répondra en soutenant l'UNRWA, comme elle l'a fait il y a peu en soutenant le CICR. "A quelle alliance appartenez-vous, en somme ?" Nous appartenons à l'alliance que forment celles et ceux qui soutiennent le respect et l'application du droit international, dont certains textes fondateurs portent même le nom de Genève, et sur quoi le procureur de la Cour pénale Internationale se fonde pour demander aux juges de la Cour de lancer des mandats d'arrêt international contre une autre alliance "objective" : celle des chefs du Hamas et de Netanyahou et son ministre de la Défense. L'alliance du pogrom et de la ratonnade.
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