Accueil préscolaire, crèches et garderies à Genève : Retour au gardiennage ?

 Vous n'avez pas voté par correspondance ? C'est trop tard pour le faire, il ne vous reste qu'à exercer vos précieux droits politiques "à l'ancienne", le dimanche matin, au local de vote, en ayant notamment voté "non" à la proposition de la droite du Grand Conseil genevois de permettre des réductions de salaire, de vacances et de formation continue du personnel de la petite enfance, et de la  qualité d'accueil des enfants, dans les crèches et garderies privées genevoises. Un  vraie, bonne, grosse régression sociale, condamnée comme telle par le Tribunal fédéral, et proposée pour complaire à une poignée de structures privées voulant se soustraire à l'obligation de respecter les usages et la convention collective du secteur pour pouvoir s'en tenir (en attendant sans doute de pouvoir s'y soustraire aussi) à la seule obligation de respecter le salaire minimum...

"il n'y a rien de plus beau que de faire aboutir une réforme"

Il y a cent ans, Eglantyne Jebb publiait la "Déclaration de Genève" sur les droits de l'enfant, qui sera adoptée par la Société des Nations, et reprise en 1989 sous la forme de la Convention de l'ONU sur les droits de l'enfant. Mais ramener les crèches au rôle de gardiennage des enfants, comme projet social en 2024, c'est tout ce que la droite genevoise a trouvé pour tenter d'entraver la reconnaissance d'un droit de toutes les familles, même les moins riches, à l'accueil préscolaire de leurs enfants. Un droit que seules des crèches publiques peuvent réellement garantir. C'est ce qu'avaient compris, en Ville de Genève, des magistrats radicaux comme Guy-Olivier Segond et Michel Rossetti, qui parle du projet de la droite comme d'un "rétropédalage" -un retour de 40 ans en arrière. Après eux, c'est au socialiste Manuel Tornare que l'on doit la pérennisation de la première convention collective de travail en Ville de Genève, celle-là même d'où est issue la convention collective actuelle qui fonde l'"usage" du secteur, ce même usage auquel quelques crèches privées veulent se soustraire, et où au moins l'une d'entre elles, à Lancy, a été condamnée par le Tribunal fédéral.

Et le même Grand Conseil d'où est issu le projet que les syndicats et la gauche ont combattu par référendum, ce qui explique qu'il est soumis au vote populaire de dimanche, en étudie un autre, tout aussi exemplaire de sa conception de l'accueil préscolaire : réduire le personnel diplômé des institutions de la petite enfance, augmenter le nombre d'enfants dont des adultes seront responsables. Avec au bout du parcours régressif, le retour aux garderies du XIXe siècle : on surveille comme on peut, on nourrit, on change les couches, et c'est tout. Et si on peut n'employer que du personnel non qualifié et sous payé, on le fait. Et si on peut le salarier à l'heure, et le faire travailler deux heures de plus par semaine, lui accorder deux semaines de vacances de moins et réduire de 20 % la couverture d'assurance maladie que ce que prévoit la convention collective, on le fait aussi (c'est ce que faisait la crèche condamnée par le TF) . En attendant le retour au bénévolat et aux bonnes soeurs ? Et on fait payer aux parents des tarifs fixés en fonction d'un seul impératif de rentabilité... Les crèches publiques, elles, tarifient en fonction du revenu : les moins riches paient moins, les plus riches paient plus, cela a à voir avec -pardonnez l’obscénité de l'expression) la justice sociale.

Au moins, le "Journal de l'Immobilier" ne cache-t-il pas les raisons fondamentales de l'offensive de la droite genevoise contre les salaires, les conditions de travail et les droits sociaux du personnel de la petite enfance : "rétablir les lois du marché" car "c'est ainsi que fonctionnent tous les secteurs économiques du pays, en dehors du public". Comment les crèches doivent-elles donc fonctionner ? comme les banques et les fast food. C'est ce que le Tribunal fédéral a fermement révoqué, en rappelant à l'entreprise TotUP, qui exploite deux crèches privées à Genève, que la "liberté économique" ne peut justifier la sous-enchère salariale et qu'imposer aux crèches le respect des usages du secteur et de la région est légitime.

Il manque des places en crèche ? Oui, il en manque (900 en Ville de Genève). Il faut donc en créer. Et c'est la tâche des communes -et c'est ce que fait en permanence la Ville de Genève, qui prévoit d'en créer 485 dans les cinq ans à venir. Les crèches privées, elles, n'assurent que 5 % de l'offre de places (un millier dans tout le canton, alors que la Ville seule en assure près de 4300, soit 83 % des besoins exprimés). S'il devait, malencontreusement, être accepté par une majorité des votants, le projet de la droite ne créera, lui, aucune place d'accueil supplémentaire.

A gauche, nous défendons un tout autre projet politique et social que le "rétropédalage" de la droite : nous défendons un droit à l'accueil préscolaire de même importance que le droit à l'école -et, à terme, avec la même gratuité que celle de l'école obligatoire. C'est un pas de plus que celui fait en son temps par Guy-Olivier Segond et Michel Rossetti, mais c'est le projet que défend, aujourd'hui, la Maire de la Ville de Genève, Christina Kitsos, pour qui "il n'y a rien de plus beau que de faire aboutir une réforme", et qui fait de la municipalisation (par étapes) des crèches l'une de ses priorités pour la prochaine législature. Cette municipalisation a été engagée (contre l'opposition obstinée de la droite). Elle offrira (et offre déjà pour les premières structures municipales) de meilleurs salaires et une meilleure formation professionnelle pour le personnel, de meilleures conditions d'accueil pour les enfants, des tarifs plus justes pour les familles... et, continûment, de nouvelles places de crèches, avec un accueil sans discrimination de tous les enfants, y compris ceux avec des "besoins spécifiques".

Pour Christina Kitsos, et pour la gauche de la Ville de Genève (et donc pour la majorité du Conseil municipal et du Conseil administratif), "chaque enfant doit bénéficier des mêmes droits, d'une prise en charge adéquate, d'un suivi éducatif de qualité et d'une alimentation saine", et chaque travailleuse, chaque travailleur du secteur de la petite enfance des conditions de travail, de salaire, de protection sociale dignes d'une tâche de service public, assumée par le secteur public parce que lui seul est capable de l'assumer à ces conditions. C'est à cela que sert la municipalisation des structures d'accueil de la petite enfance en Ville de Genève (et dans d'autres communes, comme Lancy) : à soustraire une tâche fondamentale aux "lois du marché" (au mercantilisme, pour parler clair).

La municipalisation, c'est la réforme que nous défendons. Et décidément, "il n'y a rien de plus beau que de faire aboutir une réforme" comme celle-là. Une réforme, pas la contre-réforme voulue par la droite...










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