Elections européennes et coup de poker maconien : Exception française et roulette russe
Elections européennes et coup de poker maconien : Exception française et roulette russe On s'attendait à une progression des l'extrême-droite aux élections européennes, elle a bien eu lieu, mais dans une ampleur somme toute assez réduite... sauf en France. Le résultat français, avec une victoire assez écrasante du Front... pardon : du Rassemblement national, suivie du coup de poker macronien (à moins qu'il s'agisse d'une partie de roulette russe) est assez exotique en Europe (sauf en Hongrie et en Italie, mais l'extrême-droite y est au pouvoir). Au parlement européen, les principaux groupes seront ceux auxquels appartiennent deux des vaincus de l'élection en France (les macronistes et les républicains), et le vainqueur de l’élection française, le Rassemblement National, appartiendra à un groupe marginal. Le poids de la délégation française au parlement européen en sera réduit -et le poids de la France dans 'Union aussi. Globalement, si l'extrême-droite progresse (mais pas partout), elle n'arrive en tête que dans quatre pays (la France, l'Autriche, la Hongrie et l'Italie), la gauche dans six (le Danemark, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède et la Slovaquie) et la droite démocratique dans seize (l'Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, la Grèce, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie), la gauche et la droite démocratique ayant fait alliance en Roumanie. En outre, dans plusieurs pays (Chypre, l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg) les listes de droite ou l'extrême-droite arrivées en tête sont talonnées par des listes de gauche... Et au bout du compte, la Suisse se retrouve moins à droite (on n'ose dire "plus à gauche") que l'Union Européenne... qui l'eût cru ?
(on trouvera les résultats des élections
européennes dans chaque pays sur https://results.elections.europa.eu/fr/)
"Face au RN, il ne reste que la gauche"... "Oui, mais laquelle ?"
En France, Macron a éteint d'un coup de dés, ou de
bluff, les débats sur les résultats des Européennes, et ouvert,
en opérant une dissolution de l'Assemblée nationale à laquelle
il pensait sans doute depuis des semaines, sinon des mois, une
campagne électorale extrêmement courte (vingt jours), et
assurément très nerveuse. Voire, à droite, pathétique.
Aventurier de la politique, joueur dont on ne sait au juste s'il
l'est de poker ou de roulette russe, et en tout cas, et pour
parler clair, assez remarquable fouteur de merde (pour reprendre
les termes par lesquels Claude Chabrol qualifiait Jean-Marie Le
Pen), le président en fonction de la Ve République ressemble de
plus en plus au premier président de la République française élu
au suffrage universel direct. Il s'appelait Louis-Napoléon
Bonaparte. A droite, Eric Ciotti, le président des Républicains,
a dissout de fait son propre parti , héritier du gaullisme, en appelant à l'alliance avec le Rassemblement national,
héritier du pétainisme, en a été exclu et fait son Trump en
continuant à s'en proclamer président.
"Les masques tombent", observe Macron, de toute
évidence assez satisfait de lui-même et des conséquences de son
coup. Les masques tombent, mais quels masques ? Celui de la
direction du parti dit des "Républicains" ? la seule chose qui
retenait un Ciotti de n'être pas passé tout de suite au
Rassemblement National était que le RN avait peu de chances
d'arriver au pouvoir. Il en a aujourd'hui la possibilité, Ciotti
court à la mangeoire. Quel autre masque tomberait-il ? celui
d'un Macron rempart contre l'extrême-droite ? Il l'a nourrie. Le
barrage était une passoire, le "cordon républicain" n'est plus
qu'un fil fragile. Macron essaie bien de le retendre, en
appelant les "modérés" de droite et de gauche à rejoindre son
camp, mais ces "modérés" ne sont tout de même pas amnésiques au
point d'oublier que c'est bien sous la présidence macronienne
que l'extrême-droite a progressé au point d'être aux portes de
l'Hôtel Matignon, de se rêver à celles de l'Elysée, et de
n'avoir même plus besoin pour cela de l'apport de plus extrême
encore, les zemmouriens -qui viennent d'exclure de leurs rangs
Marion Maréchal Le Pen, coupable d'être rentrée au bercail
policito-familial.
A Gauche, enfin, après les profondes divisions
qui avaient marqué la campagne des Européennes, et sur
lesquelles Macron pensait sans doute pouvoir capitaliser, le
principe de l'unité à laquelle appelait François Ruffin est
acquis, sous la bannière du Front Populaire. C'est beau,
l'unité, comme principe. Et c'est beau de la baptiser "Front
Populaire" comme le proposait Ruffin -mais qu'en fait-on,
comment lui donne-t-on réalité ? Une première décision a été
prise, celle de présenter dans chaque circonscription une
candidature unique de la gauche (Insoumis, PS, PC, Verts). "Face
au RN, il ne reste que la gauche", résume François Ruffin...
"Oui, mais laquelle ?", s'interroge le "Canard" : celle de
Glucksmann ou celle de Mélenchon ? Le
"Front Populaire" de 2024 veut les rassembler, comme celui de
1936 (fondé, symboliquement, après les émeutes fascisantes de
1934) la rassemblait des communistes aux radicaux. Le
gouvernement de Front Populaire, lui, ne rassemblait certes
derrière Léon Blum que des socialistes et des radicaux, mais ce
qui avait rendu possible ce gouvernement de gauche, c'est bien
l'alliance des socialistes et des radicaux avec un parti
communiste ultrastalinien, bien moins fréquentable que la France
Insoumise de 2024...
Une arrivée du RN au pouvoir n'est plus une menace
fantasmatique mais une hypothèse crédible, contre laquelle les
syndicats appellent presque tous à manifester, considérant que
la percée de l'extrême-droite est "une très mauvaise nouvelle
pour les travailleuses et les travailleurs". C'est le moins que
l'on puisse en dire-mais cette percée est due notamment au fait
que le RN est devenu le premier parti chez les ouvriers et les
employés. Et pour les en éloigner, il faudra à la gauche
cultiver autre chose que la nostalgie de la victoire de 1936 et
produire plus que des appels à la lutte antifasciste : il lui
faudra présenter un véritable programme social de rupture, non
seulement avec ce qui tient lieu de programme au RN, mais aussi
avec celui que Macron a mis en œuvre pendant ses années de
présidence, et qu'il entendait parfaire avant la fin de son
dernier mandat.
Commentaires
Enregistrer un commentaire