Genève : Fin de l'imposition sur le lieu de travail ?

Mauvais coup tordu

A Genève, les contribuables résidant dans le canton sont imposés pour partie sur leur commune de domicile et pour partie  sur leur commune de travail  -c'est une particularité cantonale, qui s'explique par le fait que la majorité des emplois du canton sont localisés dans un tout petit nombre de communes, dont évidemment la Ville de Genève, et que cela charge ces communes de dépenses qu'elles ne pourraient couvrir avec le seul impôt communal. A quoi s'ajoute que la Ville de Genève assume le financement de prestations, d'institutions et de lieux (notamment sportifs et culturels) utilisés par la population de toutes les communes canton et qu'il donc légitime qu'une partie des impôts versés par les contribuables habitant les autres communes que la Ville puisse être attribués à la Ville pour participer au financement de ces charges de ville-centre. Mais ce système, qui a fait ses preuves, et ne coûte en soi rien au contribuable (il s'agit seulement de répartir ses impôts entre le canton et les communes), la droite n'en veut plus (ce sont des gouvernements à majorité de droite, pourtant, qui l'avaient institué). Pourquoi n'en veut-elle plus ? Parce qu'il finance les dépenses infrastructurelles de villes de gauche... Impardonnable, évidemment. D'où le mauvais coup, tordu, porté à leurs ressources.

Prendre à qui a besoin pour donner à qui n'a pas besoin

L'UDC a déposé en 2022 une initiative, dite "j'y vis, j'y paie", soutenue (évidemment) par le PLR, visant à mettre fin à l'imposition partielle des contribuables sur leur lieu de travail. Et à une voix près, le Grand Conseil a accepté de présenter à cette initiative un contre-projet qui reprend l'essentiel de sa démarche, et propose lui aussi l'introduction d'une imposition exclusive sur le lieu de domicile. ça n'a l'air de rien, mais ce sont des dizaines de millions, peut-être une centaine de million, de recettes en moins pour les communes qui concentrent les emplois -et les dépenses d'infrastructure. Et d'entre les communes, la droite fait son choix : elle va d'abord frapper les villes, et d'entre elles, d'abord la Ville de Genève, que l'opération va priver de 50 millions de recettes annuelles. Soit en gros, ce que lui coûte le Grand Théâtre, l'une des nombreuses institutions et infrastructures municipales qui profitent à la population de tout le canton. L'imposition partagée entre le lieu de travail et le lieu de domicile des contribuables est précisément vouée à cela : permettre aux communes qui abritent de nombreux emplois occupés par d'autres que des habitant.e.s de la commune de financer les infrastructure nécessaires à ce rôle de bassin d'emploi, et permettre à la commune centre de financer les services, des lieux et les prestations à disposition de la population de tout le canton. De ce rôle des villes, et de son coût, de toute évidence, la droite cantonale n'en a cure. A moins qu'elle ne le supporte pas, dès lors que ce sont des Municipalités de gauche qui l'assument.

La fin de l'imposition sur le lieu de travail, c'est une redistribution à l'envers, à l'avantage des petites communes résidentielles, exemplairement les parcs à bourges de la rive gauche, et à la charge des grandes communes assurant, à leurs frais, des prestations et des infrastructures à la population de tout le canton, y compris le cheptel des parcs à bourges précités, où le taux de l'impôt communal (les centimes additionnels) est déjà le plus bas du canton (forcément, elles ne dépensent pas ce que la Ville et les villes dépensent pour elles...). Et cette redistribution à l'envers s'ajoute aux baisses fiscales déjà mises en oeuvre ou attendant de l'être par la majorité parlementaire de droite

Le référendum est obligatoire puisque le contre-projet issu du même tonneau (ou du même coffre) de l'initiative est de rang constitutionnel. Il évoque certes un hypothétique mécanisme de compensation financière pour les communes les plus impactées par la fin de l'imposition sur le lieu de travail, mais sans rien dire de précis de ce mécanisme, qui devra être proposé d'ici 2029 par l'Association des communes genevoises (où  les petites communes sont majoritaires...). On devra donc se prononcer sur la suppression de l'imposition sur le lieu de travail sans savoir comment et dans quelle proportion elle sera éventuellement compensée. Mais en sachant tout de même déjà que les millions qui manqueront aux villes (presque cinquante millions à Genève, mais aussi, par exemple, dix millions à Lancy, quatre millions à Meyrin, trois millions à Vernier) ne leur manqueront pas pour des dépenses somptuaires mais pour des prestations à la population. Et que ces millions ne seront pas perdus pour tout le monde : au jeu fiscal voulu par la droite cantonale, des communes résidentielles friquées comme Collonge-Bellerive ou Cologny gagneraient six millions et trois millions.

C'est cela, une redistribution à l'envers : prendre à qui a besoin pour donner à qui n'a pas besoin. Prendre à Vernier pour donner à Cologny... 





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