Les assurés-maladie refusent le plafonnement de leurs primes ? C'est le moment d'une vraie réforme

Massivement soutenue en Romandie et au Tessin, l'initiative populaire fédérale lancée par le Parti Socialiste pour un plafonnement des primes d'assurance-maladie à 10 % du revenu disponible du ménage, a été presque aussi massivement refusée en Alémanie, ce qui a entraîné son refus national. Le "röstigraben" est presque parfait : tous les cantons romands et le Tessin acceptent l'initiative (avec un record à 72 % dans le Jura) alors qu'en Alémanie seule Bâle-Ville les rejoint (mais Berne n'en était pas loin, avec 46,7 % de soutien, et une majorité de "oui" s'est dessinée dans les villes de Berne et Bienne -comme d'ailleurs dans celle de Zurich) .  A Genève, l'initiative est acceptée à 61,7 % et dans 34 des 45 communes, avec des majorités atteignant 75 % à la Jonction et aux Acacias. Et ce sont évidemment les parcs à bourges de la rive-gauche qui la refusent le plus nettement (à plus de 60 %). Au plan suisse, l'opposition à l'initiative croît avec le revenu : quand il est de 4000 francs par mois, l'initiative est soutenue à 56 %, quand il est de 16'000 francs par mois, elle est repoussée à 80 %.  Avec 45 % des suffrages, l'initiative obtient cependant un soutien qui dépasse largement le camp de la gauche et qui l'encourage à reprendre le flambeau, à "changer de braquet" et à proposer une réforme structurelle du système : une caisse unique et publique avec des primes proportionnelles au revenu. Car si la majorité du peuple a refusé l'initiative socialiste, elle n'a pas pour autant dit que le statu quo lui convenait.

Hausser l'enjeu à celui d'une véritable réforme du système.

Nous avons donc échoué à convaincre en Suisse alémanique une majorité du corps électoral actif de soutenir l'initiative pour le plafonnement  des primes d'assurance-maladie. Le succès du mois de mars sur la 13e rente AVS ne s'est pas répété (on est d'ailleurs à treize points de participation en dessous d'il y a trois mois) Etait-ce un vote de circonstance, les Suisses (alémaniques) ont-ils eu peur à la fin du printemps de leur propre audace de la fin de l'hiver ? L'émancipation d'une partie de l'électorat de droite de la majorité bourgeoise et des lobbies dont elle se fait porte-voix et porte-valise reste en tout cas à assurer.

En un peu plus d'un quart de siècle d'existence de la LAMAL, les primes d'assurance-maladie ont plus que doublé. Mais pas les revenus (sinon ceux d'une poignée de nababs), ni les salaires. Résultat : alors que le Conseil fédéral assurait vouloir une charge maximale des primes d'au maximum 8 % du revenu imposable, elle a atteint 14 % en moyenne romande, avec un prix à 19 % à Neuchâtel. Et cela pour deux raisons : d'une part, on est dans un système de primes par tête d'assuré.e, et non par ménage, d'autre part on est dans un système de primes fixes ne tenant pas compte de la capacité financière des assuré.e.s mais seulement de la franchise choisie -et plus elle est élevée, plus il y a d'assuré.e.s qui se retrouvent dans l'incapacité de les payer, retardent le moment de se faire soigner et aggravent ainsi leur état de santé.

A l'initiative socialiste (soutenue par toute la gauche politique, syndicale et associative et la section genevoise du Centre, au grand désappointement de ses caciques ) qui proposait de plafonner les primes d'assurance-maladie à 10 % du revenu disponible, pour un coût situé par le Conseil fédéral entre 4,6 et 7,2 milliards de francs par an (la fourchette est large et tient plutôt de la fourche), un contre-projet indirect et minimaliste bricolé par les Chambres fédérales va entrer en vigueur, qui fait passer les cantons à la caisse pour 360 millions, afin de tenter de réduire les primes (fixées par canton, mais pas par les cantons). Un contre-projet qui sera sans effet à Genève, dans le canton  de Vaud, à Neuchâtel et dans le Jura, puisque ce qu'il propose (un plafonnement des primes à payer par un élargissement du champ des bénéficiaires de subsides cantonaux) y est déjà réalisé. A Fribourg et à Neuchâtel, des initiatives cantonales ont en outre été déposées pour plafonner les primes à 10 %.

Qui est responsable de la hausse continue des primes d'assurance-maladie ? La hausse des dépenses de santé, répondent les assureurs et la droite. Mais alors, qui est responsable de la hausse des dépenses de santé ? les médecins, les hôpitaux, les pharmaciens, les assurés, les malades, les cantons ? Le système ?

L'initiative socialiste ne demandait que d'instaurer au niveau fédéral ce qui est déjà en vigueur dans le canton de Vaud. Elle ne réformait pas le système d'assurance maladie, mais c'est bien cette réforme qui doit être mise à l'ordre du jour. D'autres initiatives populaires devront y pourvoir pour, comme le congrès du PS l'a demandé par une résolution, la création d'une caisse publique, ou de plusieurs caisses publiques cantonales, et pour des primes dépendantes du revenu des assurés au lieu que de l'être des besoins des caisses d'assurance.

Une analyse de Comparis prédit une hausse des primes de 6% en moyenne l’an prochain. 6 %, c'est en gros ce qui manquait de suffrages à l'initiative socialiste pour être majoritaire. Et bien de celles et ceux qui ont refusé dimanche une initiative pour le plafonnement des primes prendront leur hausse  en pleine poire. Trop tard pour regretter leur vote. Assez tôt pour réfléchir à la suite. Et pour nous, assez tôt pour la proposer, la suite, en haussant l'enjeu à celui d'une véritable réforme du système.




Commentaires

Articles les plus consultés