"Réforme" de la prévoyance professionnelle : d'un pilier l'autre

 

Les contre-réformes se succèdent à Berne. Après AVS 21, qui a imposé aux femmes de travailler un an de plus, la droite continue à s’opposer aux mécanismes sociaux du système de retraite. Elle a tenté, sans succès, de faire rejeter l’initiative des syndicats pour une 13e rente AVS, elle a refusé d’indexer complètement les rentes AVS à l’inflation et elle adopté une "réforme" de la prévoyance professionnelle (le "2e pilier") qui, en piétinant un accord obtenu au terme d'une négociation entre le Conseil fédéral et les syndicats, péjore les rentes -et contre laquelle un référendum a été lancé et a abouti. On votera donc en septembre sur cette réforme d'un "pilier" du système de retraite qui, si ce système était globalement solidaire, n'aurait même pas dû être édifié. Reste qu'il l'a été, et que tant qu'il est là, tant qu'on ne l'a pas fusionné avec l'AVS, il faut bien le défendre pour en défendre les prestations. Avant de passer à une autre réforme. Une vraie.

Une réforme du 2e pilier est bien "nécessaire" -mais pas celle-là

En septembre, le peuple décidera de plusieurs mesures différentes, toutes contenues dans la "réforme" de la prévoyance professionnelle concoctée par la droite, et contre laquelle la gauche a lancé un référendum. Première mesure : une baisse de 6,8 à 6 % du taux de conversion du capital accumulé par les cotisants en rentes mensuelles. Deuxième mesure : l'élargissement du cercle des cotisants (aujourd'hui, seule la partie du revenu dépassant 25'725 francs est assurée), ce qui amènera un peu moins d'un milliard et demi de francs dans les caisses des caisses... dont chacune édicte ses propres règles.

Justification de la "réforme" : l'espérance de vie augmente, la population vieillit, le nombre de rentiers augmente donc, et avec eux la masse des rentes à verser, alors qu'à l'inverse, le rendement des capitaux investis par les 1400 caisses de pension baisse. Elles doivent donc payer plus de rentes, et les payer plus longtemps, avec moins d'argent. En réduisant le taux de conversion, on desserre les mâchoires de cet étau financier -mais on les desserre en faisant payer plus les cotisants, pour des rentes dont la plupart baisseront. D'autant qu'on aurait baissé le seuil d'affiliation au 2e pilier, ce qui signifie que des salariés modestes qui ne sont pas tenus d'y cotiser y seront tenus, ce qui baissera leur salaire réel -avant de priver des milliers de retraités du droit aux prestations complémentaires, puisqu'ils toucheront de petites rentes qui leur feront passer le seuil au-dessus duquel ils n'y ont plus droit.

Le Conseil fédéral admet que la "réforme" proposée par le parlement et combattue par les syndicats, mais que le gouvernement doit défendre (on se retrouve donc une fois de plus avec une ministre socialiste défendant un projet combattu par son parti...) aura pour conséquence que de très nombreux assujettis au 2e pilier cotiseront plus pour toucher des rentes plus basses : chaque cotisant a un parcours professionnel unique, mais selon les estimations officielles, un salarié de 34 ans à 40'000 francs de salaire annuel cotisera 195 francs de plus our ne toucher que 169 francs de plus de rente, un salarié de moins de 30 ans avec un salaire de plus de 75'000 francs par an ou un salarié de 35 à 50 ans gagnant entre65'000 et 80'000 francs par an cotisera plus pour toucher carrément moins. Seuls les cotisants de 50 à 65 ans gagnant plus de 70'000 francs pourraient gagner à l'opération.

La réforme votée par la majorité de droite du parlement, contre l'avis du Conseil fédéral, et contre laquelle les syndicats et la gauche ont lancé le référendum qui provoque la votation de septembre, est présentée par ses fauteurs (et même, désormais, par le Conseil fédéral) comme une réforme "nécessaire". Une réforme du 2e pilier est bien "nécessaire" -mais pas celle-là; la réforme nécessaire, c'est celle dont il va bien nous falloir accoucher : celle qui fusionnera le deuxième et le premier pilier, la prévoyance professionnelle et l'AVS, dans une caisse de retraite publique, solide et solidaire.



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