Un bureau de poste sur quatre promis à la fermeture
Démaillage territorial
La Poste a annoncé la semaine dernière son
intention de fermer près d'un de ses offices sur quatre, soit
170 sur 720 en quatre ans, pour n'en garder, au maximum, que 600 dans toute
la Suisse (elle ne donne ni la liste de ceux qu'elle veut
supprimer, ni celle de ceux qu'elle veut garder), et 2000
comptoirs dans des épiceries. Elle explique ce démaillage
territorial par la priorité qu'elle veut donner au traitement
numérique des données. Cette dernière annonce de fermeture
d'offices postaux, suivant les annonces précédentes, réduirait
le maillage postal de la Suisse de 80 % en un quart de siècle
: il y avait 3000 offices postaux en 2000, il en restait
moins de la moitié (1323) en 2016 et plus de la moitié de ceux
qui restent pourraient disparaître d'ici quatre ans. Certes, La
Poste assure vouloir maintenir un office par arrondissement de
7000 personnes, mais aucune garantie n'est donnée, ni ne peut
l'être, sur le respect de cette assurance, et l'expérience de ce
dernier quart de siècle est plutôt de nature à faire douter de
ce respect. Et à raviver la nécessité de résister à la volonté
de La Poste de réduire le plus possible sa présence réelle dans
les quartiers et les villages. Et ne plus être que la nostalgie
d'un service public au service du public. Il nous restera la
Kinderpost... ou les offices postaux que les communes auront
réussi à maintenir, quitte à les reprendre... en attendant de
renationaliser La Poste... Par une initiative populaire,
pourquoi pas ?
La priorité du service public doit être "la satisfaction des besoins des usagers" (Christian Levrat, 2018)
L'éditorialiste de la "Tribune de Genève" de jeudi,
directement parachuté du groupe Tamedia pour l'occasion (il est présenté
comme "Rédacteur en chef adoint de la rédaction Tamedia, pas de celle
de la "Julie") considère le choix de La Poste de supprimer le quart de
ses offices comme "dur mais juste". Car si La Poste "doit servir la
population et les entreprises, (...) elle doit aussi viser la
rentabilité". Comme Tamedia, quoi. De toute façon,on n'a pas le choix,
la Suisse "où chaque village et chaque quartier avaient leur bureau de
poste, leur banque et le bistrot", c'est un monde "qui ne reviendra
pas". Celui où chaque région avait son journal imprimé non plus, sans
doute. Et Tamedia n'y est pas pour rien.
La poste n'est pas Tamedia. Même privatisée, La Poste reste en mains
publiques (la Confédération en est propriétaire) et reste un
service public essentiel. Et le critère fondamental qui doit
déterminer les décisions d'un service public reste le service au
public, et non la rentabilité. Pour le Directeur de La Poste,
Roberto Cirillo, l'offre de La Poste doit coller aux demande de
l'économie. Pour nous, elle doit coller aux besoins de la
population. Et figurez-vous que ce n'est pas la même chose. Le
syndicat Syndicom dénonçait début 2018 "l’appât du gain de La
Poste" et ses "attentes de profits exagérées, fixées non seulement
par la direction de La Poste mais aussi par les politiques". Et
pour le syndicat (comme pour nous), "il est fondamentalement
absurde que les services publics soient censés générer des
bénéfices de plusieurs millions", au prix de la fermeture
d'offices postaux... mais aussi des tripatouillages du genre de
ceux auxquels s'est livré CarPostal (filiale de La Poste), qui
transférait vers d'autres secteurs des profits générés par le
secteur subventionné... Et la même année, au Conseil des Etats,
le Sénateur socialiste, et président du
parti, Christian Levrat, proclamait que la priorité du service
public doit être "la satisfaction des besoins des usagers", non
celle des dirigeants ou la maximisation des rendements. Il n'était
pas encore président de La Poste... L'étant devenu, il assurait
: "nous avons décidé de
stabiliser le nombre d'offices autour de 800, parce qu'ils
répondent à un besoin de proximité". Aujourd'hui,pour faire 30
millions d'économies et pouvoir supprimer 680 emplois, la Poste propose
de ne garder que 600 offices. Et de les transformer en "centres de
services" en partenariats avec des banques et des assurances...
Nous invitons notre commune (la Ville de Genève), et les autres communes genevoises, à s'opposer à toute fermeture d'offices sur son territoire, à saisir la PostCom, comme la loi le prévoit (LPO art. 14.6 et OPO art. 34) à chaque annonce de fermeture d'un office postal et à se préparer, si La Poste entend fermer tout de même des offices en Ville, à négocier avec elle la reprise de ses services essentiels au guichet par des services municipaux, comme cela été fait à Jussy.
Nous voulons garantir le maintien d'un service postal universel fourni à toute la population, sans exclusive. Or la fermeture d'office postaux de quartier de les villes ou de villages, tout particulièrement dans les régions de montagne (dont le Groupement s'est dit très préoccupé) où elles étaient le seul lieu d'approvisionnement en argent liquide après la fermeture des agences bancaires et la suppression des bancomats) fragilise encore plus la partie déjà la plus fragile de la population, et est la négation d'une mission de service public. l'expérience des dernières suppressions et fusions d'offices postaux ont eu pour conséquence l'allongement des files d'attente, la réduction des prestations au public et la hausse de leur coût pour les usagers d'un service public transformés en clients d'une entreprise fonctionnant comme une entreprise privée, avec le même critère : la rentabilité. Et la même obsession : le numérique.Le Conseil municipal de Genève a adopté une motion demandant au Conseil administratif de maintenir des services au guichet pour toutes les tâches municipales impliquant un rapport avec la population : cette demande peut valoir demande faite à La Poste d'en faire autant. Or La Poste exprime l'ambition de devenir une sorte de boîte électronique pour toute la population, le rapport réel, personnel, avec un préposé postal se réduisant en un rapport virtuel avec un algorithme. Et une commission fédérale préconise de réduire la distribution du courrier à trois fois par semaine.
Le syndicat Syndicom appelle les cantons et les communes à s'engager pour le maintien de leurs offices postaux. Nous proposons au Conseil municipal de Genève de répondre à cet appel, mais de quels moyens disposent les communes, et donc la Ville, de maintenir un service public et au public que ses responsables veulent réduire ou supprimer, sinon celui de se préparer à l'assumer elles-même ?
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