Putain, 72 ans !

 

On se souhaite bon anniversaire...

Aujourd'hui, on a 72 ans, et on en est tout surpris. Surpris d'avoir déjà duré si longtemps. Et surpris de ce que si longtemps nous paraisse avoir été si court. Pourtant, rendez-vous compte, quand on est né, il y a aujourd'hui 72 ans, Staline régnait sur l'Union Soviétique (il allait mourir l'année suivante, conscient sans doute que le monde serait trop petit pour nous deux), la France menait son avant-dernière guerre coloniale en Indochine -et allait la perdre, celle d'Algérie n'avait pas encore commencé et elle allait la perdre aussi. Il n'y avait pas d'internet, pas de téléphones portables, pas d'ordinateurs portables, même pas de fax... . La télévision venait de naître mais presque personne n'en disposait, la radio et la presse écrite étaient reines de l'info. Les femmes n'avaient pas le droit de vote, ni même celui de travailler ou d'ouvrir un compte en banque sans l'autorisation de leur mari. Le temps passe, mais si vite... Après tout, on est quand même plus jeune que Trump...

On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve

On ne va pas vous la jouer façon Perec, "je me souviens"... mais tout de même, on se souvient. Parce qu'on a (encore) de la mémoire. Et qu'il nous arrive de regarder derrière nous, et de chercher dans ce dont on se souvient ce et ceux qui fait encore partie de nos vies et qui n'en sont plus. Ce n'est pas que rien n'ait changé, c'est que le changement est celui du fleuve d'Héraclite, dans lequel on ne se baigne jamais deux fois mais qui toujours coule, comme le temps : tout change, rien n'est immobile. Mais rien n'est absolument nouveau. Staline est mort ? Poutine sévit. Il n'y a plus de guerres coloniales ? Il y a toujours des guerres néo-coloniales. Les femmes ont conquis les mêmes droits politiques que les hommes ? le paternalisme, le sexisme, la misogynie sévissent toujours. 

On est de 1952... Il y avait cinq journaux quotidiens à Genève, le tram allait jusqu'à Veyrier, Hermance, Vernier et faisait ceinture avec la ligne 1.  Etait-ce un autre monde ? C'était l'enfance de notre monde présent. Que pouvons nous faire aujourd'hui que nous ne pouvions faire iI y a cinquante ans ? Il n'y avait pas d'internet ? Certes non, mais mais on pouvait déjà communiquer des textes par télex, des images par bélino, des sons par radio. On n'avait pas d'ordinateurs ? On avait des machines à écrire mécaniques. On n'avait pas d'imprimantes ? On avait des ronéos. On n'envoyait pas des Niouzeléttères, on tirait avec des stencils des tracts sur une Gestetner. On n'a attendu la "révolution numérique" pour communiquer, on communique depuis un million d'années. Seuls les moyens de communication (les media) changent. On n'a pas attendu les GAFA pour avoir des réseaux sociaux -c'étaient les clubs, les bistrots, les assocs, les salles de cinéma...

Tout cela, évidemment, est fort résumé, il faudrait un livre pour faire le tour d'un parcours qui nous semble pourtant si bref. Et il faudrait qu'on y témoigne de plus d'erreurs, d'échecs, de fautes, même, qu'on est prêt à en avouer. Qu'a-t-on fait de ce temps passé, que nous a-t-il appris, de quel usage peut-il nous être pour le temps futur, pour que la succession des génération ne soit pas une succession de pertes de mémoire ?

Et si avec l'âge qu'on prend, on est de plus en plus sceptiques face aux grandes proclamations de ruptures et de plus en plus conscients des permanences, des évolutions lentes, de la nécessité des combats patients, répétés, obstinés, pour plus de droits et de libertés, plus de solidarité, on l'est toujours de l'exigence de ne rien céder. De ne rien jamais tenir pur acquis. De ne rien faire, jamais, pour la seule raison qu'on nous demande, ou qu'on nous ordonne, de le faire. Quand règne le consentement général et la résignation commune, la désobéissance est plus qu’un droit : étant l’exception, elle est la panacée. Affaire intime autant qu’enjeu collectif, mais ne déléguant rien de notre responsabilités à d’autres, elle remédie à nos compromissions, nos complicités, nos aplaventrissements et nos routines. Irréductible et irremplaçable, elle renvoie au premier mot par lequel le dernier préhominien est devenu le premier humain : « non ! ».

Nous serons toujours moins radicaux que le moment dans lequel nous sommes.











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