Contre-réforme de la "prévoyance professionnelle : Acharnement thérapeutique

Selon un sondage Tamedia, 59% des personnes interrogées disposant du droit de vote et ayant l'intention de l'exercer refuseraient le 22 septembre la "réforme" du 2e pilier, 33 % l'accepteraient. Le refus serait majoritaire dans les électorats de tous les partis, y compris l'UDC et le Centre, sauf ceux des Verts libéraux (46 % de "oui" contre 45 %) et du PLR (égalité des "oui"et des "non"). Quelques jours plus tard, un autre sondage (SSR) donnait un résultat contraire au sondage Tamedia... Et cela alors que, comme vient de le confirmer le Contrôle fédéral des Finances,  la campagne des partisans dispose de presque trois fois plus de moyens financiers, essentiellement apportés par les faîtières patronales interprofessionnelles, que celle des opposants (3,45 millions contre 1,2 million). "Le vote des Suisses ne s'achète pas", proclame fièrement en édito la "Tribune de Genève". Savourons-en l'augure, mais restons prudents : cette contre-réforme ne sera refusée que si on se mobilise pour la refuser. Et en finir avec l'acharnement thérapeutique pour sauver un "pilier" du système de retraite qui le plombe sans le soutenir.

"Qui a envie de cotiser plus pour recevoir moins" ?

De toute évidence, la lourde bourde de l'Office fédéral des assurances sociales sur les perspectives financières de l'AVS va peser sur la campagne de la votation sur la "réforme" du 2e pilier, même si elle a été commise à propos du financement du premier pilier, et que les deux dossiers sont, formellement, distincts : quand les projections financières pour un pilier se révèlent fausses, de lourd doutes pèsent forcément sur les projections financières pour l'autre pilier. L'Union Syndicale résume : "Les mêmes qui ont propagé pendant des années le démantèlement de l'AVS avec de faux scénarios avancent des chiffres irréalistes pour expliquer qu'il faut baisser les rentes des caisses de pension. Il faudrait payer plus pour toucher moins à la retraite – alors que les caisses de pension ont accumulé des réserves plus élevées que jamais. Il est plus important que jamais de donner un signal clair contre cette arnaque de la LPP". Car ce sont bien des projections financières qui, pour l'AVS comme pour la LPP, justifient, selon leurs partisans, des mesures comme, s'agissant de l'AVS, le report de l'âge de la retraite des femmes et, s'agissant de la LPP, la baisse du taux de conversion du capital accumulé en rentes, avec comme conséquence une diminution de 12 % des rentes, avec une augmentation des cotisations (qui ont déjà augmenté de 14 en quinze ans).

Parfois, une vérité de gauche sort d'une bouche ou d'une plume de droite (ou du "centre"); ainsi, hier, dans "Le Matin Dimanche", la "centriste" fribourgeoise Marie-France Roth Pasquier confirme que la "réforme" de la LPP "n'est pas là pour régler le problème du pouvoir d'achat" mais pour "pérenniser" le 2e pilier. Contrairement à l'AVS, système solidaire où les cotisations sont proportionnelles au salaire, et non plafonnées, alors que les rentes sont plafonnées, le 2e pilier est égoîste : c'est une épargne forcée qui ne prend en compte ni la capacité individuelle de cotisation (le revenu), ni le travail éducatif, ni les soins aux proches, ni l'inflation. Chacun cotise pour soi, personne ne paie pour autrui. Ce "pilier", en outre, est discriminatoire à l'encontre des femmes et des salariés les plus modestes, à temps partiel ou aux carrières interrompues, ou cumulant plusieurs petits emplois. Enfin, il est coûteux, et gaspilleur : sa gestion coûte à chaque assuré-cotisant plus de 1'400 francs par an en frais administratifs. Tout le monde, cependant, n'y perd pas : le secteur bancaire et financier, lui, y gagne. Beaucoup. Et ce n'est même pas un défaut du système, puisque c'est sa raison d'être : mobiliser des milliards ponctionnée en grande partie sur les salaires pour les placer là où ils peuvent rapporter aux gestionnaires et aux actionnaires.

La contre-réforme soumise au vote du peuple ne remédie évidemment à aucun de ces défauts, et évidemment pas à celui qui n'en est pas un, puisque pour y remédier, il faudrait repenser complètement ce "deuxième pilier" -ou le fondre avec le premier.  Mais n autre système de retraite est possible. Comme l’a démontré l’acceptation de l’initiative populaire pour une 13ème rente AVS, le peuple plaide pour un renforcement de l’AVS. L'avenir de la prévoyance vieillesse, lui aussi, passe par davantage de solidarité, afin que le système de retraite réponde à l’obligation constitutionnelle qui lui est faite de maintenir à la retraite le niveau de vie antérieur.

C'est cela, aussi, en creux, en contre-champ, qui est au coeur du vote du 22 septembre. Ce n'est sur cela qu'on se prononcera, mais c'est bien à cela qu'il faut non seulement réfléchir, mais se préparer. Par une vraie réforme. De fond. Parce que demander aux assurées de verser des cotisations plus élevées à leur caisse de retraiter pour ensuite toucher des rentes plus basses, c'est un exercice auquel les défenseurs du deuxième pilier ne pourront tout de même pas recourir éternellement pour le sauver : ""Qui a envie de cotiser plus pour recevoir moins ?" interrogent les syndicats. Réponse : personne. Et c'est bien pour cela qu'il faut y contraindre tout le monde.

Ou changer de système.

Commentaires

Articles les plus consultés