L'automne arrive. Les feuilles et les projets de budget tombent.
Le rituel du jeu de dominos
L'automne s'annonce. Et avec lui, les budgets
publics. A Genève, le projet de celui du canton vient de tomber,
et le projet de celui de la Ville, adopté à l'unanimité par le
Conseil administratif, a été transmis au Conseil municipal qui,
aujourd'hui, l'a renvoyeé dans presque toutes ses commissions.
Au plan suisse, le gouvernement a sonné le tocsin, et annoncé un
plan d'économies pour réduire les dépenses fédérales de cinq
milliards, un groupe d'"experts indépendants" (experts de quoi,
indépendants de qui ?) propose pas moins de 60 mesures
d'économies. Ce que la droite UDC et PLR salue, évidemment. Et
que la gauche dénonce, parce que ces économies frapperont
évidemment les dépenses sociales, ou se traduiront par des
reports de charge sur les cantons, qui les reporteront sur les
communes, qui les reporteront sur leurs engagements sociaux et
culturels. Que du bonheur. On en rêverait presque d'une
situation à la française, où le futur gouvernement du Premier
ministre désigné est aussi appelé à tailler dans les dépenses,
mais ne pourra vraisemblablement pas le faire autant que la
droite en rêve, et envisagerait même d'augmenter les impôts sur
les hauts revenus, les grosses fortunes et les grands bénéfices
alors qu'en Suisse, et à Genève (où on votera dimanche prochain et dans deux mois sur deux cadeaux fiscaux proposés à qui n'en a pas
besoin), on ne fait que les baisser pour complaire aux pluriches. En contraignant du même
coup la Ville à présenter un budget déficitaire. Un jeu de
dominos, idiot mais rituel.
L'état des finances publiques, ce sont les comptes qui le donnent. Les budgets, ils expriment les intentions des gouvernants.
Donc, le projet de budget
du canton de Genève est équilibré et celui de la Ville de Genève
légèrement déficitaire, mais ni cet équilibre, ni ce déficit, ne
disent grand chose de la réalité, s'ils disent beaucoup des
choix politiques des gouvernants et des délibérants. Comme par
exemple le choix de ceux du canton de faire de jolis cadeaux
fiscaux, qui vont plomber les finances de la Vile (et des
villes), et même celles du canton dès 2026.
Mais en fait, c'est quoi un budget? Un état des finances publiques ? Non : l'état des finances publiques, ce sont les comptes qui le donnent. Les budgets, ce sont des programmes politiques, les états des intentions des gouvernants, la compilations d'autorisations de dépenses fondées sur des hypothèses de recettes (celles sur lesquelles est fondé le projet de budget seront révisées dans les deux mois), elles-mêmes fondées fondés le plus souvent sur leur sous-estimation, prudence étant à la fois mère de sûreté et moyen de réduire les engagements de l'Etat, du canton, de la commune à l'égard de leurs populations. A la fois une méthode et une attitude politique, donc. Et des choix de priorités : celles qu'expriment le projet de budget municipal sont claires (et pour la gauche, il ne s'agit en fait que de les renforcer) : s'engager pour la transition écologique, lutter contre les discriminations, près de la moitié des charges prévues relèvent de la culture, du sport, des loisirs et de la politique sociale. Autrement dit, de la justice sociale. Mais assumer ces priorités par des actes politiques, cela suppose des moyens. Des moyens financiers (les ressources fiscales), humains (le personnel de la fonction publique et des acteurs subventionnés), structurels (les services publics). Ces priorités peuvent être relevées, nos collectivités publiques en ont les moyens, et elles vont plutôt bien, financièrement parlant -bien mieux que des dizaines de milliers de nos concitoyens et concitoyennes. Leurs comptes en attestent : ceux du canton ont bouclé sur un excédent de 1,4 milliards de francs en 2023, ceux de la Ville, la même année, sur un excédent de 200 millions.
Quant aux budgets, celui du canton est à l'équilibre à un peu moins de onze milliards, celui de la Ville en déficit d'un peu plus de 63 millions, pour 1,2 milliard de dépenses. Mais ces chiffres sont à prendre avec de longues pincettes : d'abord, ils partent de l'hypothèse que les citoyens-contribuables accepteront les baisses d'impôt et donc de ressources fiscales (une diminution de recettes de 54,5 millions pour la Ville en 2025), qui sont soumises à leur vote sagace dimanche et en novembre. Si ces cadeaux (empoisonnés) sont refusés, les budgets du canton et de la Ville, ni ceux des autres communes, ne s'en porteront que mieux, non seulement en 2025 mais aussi les années suivantes, le canton prévoyant, dans l'hypothèse de l'acceptation des cadeaux fiscaux dimanche) en 2026 un déficit de 158 millions, 171 millions en 2027 et 152 millions en 2028. Des déficits qu'annuleraient le refus desdits cadeaux fiscaux, contenus notamment dans une loi fiscale exonérant d'impôt 80 % de la fortune placée dans une entreprise. Pour la majorité des 4300 actionnaires concernés, le cadeau sera symbolique (130 francs par an, en moyenne)., En revanche, pour 23 d'entre eux, propriétaires d'entreprises valant plusieurs centaines de millions, il sera en moyenne d'un demi-million. Qui s'ajoutera aux cadeaux déjà accordés : une réduction de 40 % sur les dividendes, une réduction de 15 % de l'impôt sur la fortune, une baisse de l'imposition des bénéfices (RFFA aidant) et divers mécanismes d'exonération du capital.
Aujourd'hui, le Conseil municipal de Genève est entré en matière sur le projet de budget du Conseil administratif, et l'a renvoyé pour examen en commissions. Au fond, il ne s'agissait pour les Conseillers et municipaux que de condescendre à faire le travail pour lequel ils et elles ont été élus. Et pour lequel ils sont payés -et leurs partis avec eux. A contrario, refuser cette entrée en matière et ce renvoi, comme l'on fait le PLR et le MCG, refuser de le faire, ce travail. Tout en étant payés pour l'avoir refusé. A quoi aurait abouti un refus si une majorité s'y ralliait ? A rien, sinon à avoir pour 2025 le budget de 20924, découpé en douze tranches mensuelles. La droite municipale n'avait ainsi qu'un seul choix à faire : celui entre un budget 2025 qu'elle n'aime pas et un budget 2024 qu'elle aimait encore moins...
On a beaucoup entendu parlé aujourd'hui au Conseil municipal (où on a condescendu à faire un saut) de la "classe moyenne" -sans jamais que celles et ceux qui en gloseront ne soient capables de la définir. On a aussi beaucoup entendu la droite dénoncer les 109 postes de travail nouveaux que la Ville entend créer (le canton, lui, veut en créer quatre fois plus).
Comment dites-vous ? Ah oui : dans un peu plus de six mois se tiendront les élections municipales...
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