Le gouvernement Barnier a été installé (par le Rassemblement National)
Droite dans ses bottes
Le gouvernement français qui a été installé dimanche et lundi a été négocié entre la droite et la droite de la droite, puis a fait une petite place au "centre" et une toute petite à la gauche la moins à gauche. Le chef de la droite du Sénat, Bruno Retailleau, prend le ministère de l'Intérieur et annonce avoir trois priorité : "l'ordre, l'ordre, l'ordre". Il est flanqué d'un ancien député de gauche, Didier Migaud, par ailleurs ancien président de la Cour des comptes, nommé Garde des Sceaux, ministre de la Justice -et, à ce titre, "numéro deux" du gouvernement (le "numéro un" étant évidemment Michel Barnier). Agnès Pannier-Runacher, issue de "l'aile gauche" de la macronie (qui en a donc une, d'"aile gauche"...) prend un ministère de l'Ecologie, et Rachida Dati garde celui de la culture. Le Premier ministre français Michel Barnier s'est adressé en ces termes à ses ministres : "Pas d'esbroufe, s'il vous plaît ! Je vous demande d'être irréprochables et modestes". Ah ben ça vaut bien la peine d'être ministre, dans ces conditions. D'ailleurs, celui de l'Intérieur s'est empressé de bomber le torse (qu'il a assez maigre) et de brouter sur le territoire de celui de la Justice qui l'a renvoyé dans son pâturage (derrière les barbelés placés pour empêcher les métèques de pénétrer sur la terre sacrée)...
Une belle brochette, non seulement de conservateurs mais aussi de purs réactionnaires
Le gouvernement Barnier est "le plus à droite de
la Ve République", a dénoncé le Premier secrétaire du PS,
Olivier Faure (qui en oublie le gouvernement Chirac de la
première cohabitation avec Mitterrand). On trouve dans le
cheptel de Barnier une belle brochette, non seulement de
conservateurs (à sa manière, Barnier l'est) mais aussi de purs
réactionnaires : des gens qui ont défilé contre le "mariage pour
tous", qui ont refusé d'inscrire dans la constitution le droit
des femmes à interrompre leur grossesse, refusé d'interdire les
"thérapies de conversion" des homosexuel.le.s en bon.ne.s
hétéros reproducteurs-trices, refusé d'autoriser les couples de
femmes ou les femmes seules à recourir à la PMA... et un
ministre de l'Intérieur qui a "trois priorités : l'ordre,
l'ordre, l'ordre". Et qui parle de "Français de papier" en
parlant des naturalisés. Des macronistes s'en sont émus, et ont
demandé à leur Grand Timonier de leur assurer que les progrès
"sociétaux" (qui, après tout, sont des progrès sociaux au plein
sens du terme) ne seront pas remis en cause. Et c'est Michel
Barnier qui les a donné, ces assurances que les "grandes lois de
progrès social ou sociétal" seront "intégralement préservées".
Autant que le droit d'asile, la libre circulation et le droit de
manifester ?
Le bon mot avait été proféré partout, au point de
devenir truisme : "le plus vieux Premier ministre de la Ve
République succède au plus jeune" : Michel Barnier, élu pour la
première fois député en 1978, succède à Gabriel Attal (qui
venait de naître) à la tête d'un gouvernement dont on a tardé à
connaître la composition, mais dont on a immédiatement su que,
présidé par un homme de droite, il allait être un gouvernement
de droite dirigé par un homme issu (et toujours membre) d'un
parti qui avait été défait aux élections, dont le groupe à
l'Assemblée Nationale pèse moins d'un dixième des sièges, et qui
ne devra d'échapper à une motion de censure qu'au bon vouloir de
l'extrême-droite transformée en arbitre du jeu politique
institutionnel. Le gouvernement Barnier, c'est la revanche des
vaincus des trois dernières élections générales en France : la
présidentielle, les Européennes, les Législatives. Et c'est la
concrétisation de la ligne Sarkozy : l'alliance de la droite
démocratique et du macronisme pour revenir au pouvoir et
maintenir le Rassemblement National dans l'opposition. Cette
ligne, qui est aussi celle de l'ancien Premier ministre Edouard
Philippe, la droite démocratique n'en voulait pas : s'allier
avec Macron, c'était s'allier avec leur vainqueur, celui qui
pendant toute sa première présidence n'avait eu de cesse de la
démanteler, d'y puiser des ralliés (Edouard Philippe en tête) et
d'en siphonner l'électorat : "la France est à droite, si je veux
gagner, je dois siphonner la droite". Mais le naufrage de la
droite aux Législative, et le sauvetage de la macronie par la
gauche, a fini par embarquer l'ex-parti républicain (libéré de
sa propre aile droite, celle d'Eric Ciotti) dans le navire
gouvernemental. Sans atteindre l'objectif sarkozyste de
maintenir le Rassemblement National à la marge.
Le président du Rassemblement National, Jordan Bardella, exige que "les sujets du RN soient pris en compte" dans le programme du nouveau gouvernement. Et Bardella précise que Barnier est "sous surveillance" du RN. Il aurait tort de se gêner : quand le ministre de l'Economie situe le RN hors de l'Arc Républicain, Barnier le sermonne. A croire que c'est le RN qui a gagné les Législatives... Le "front républicain" ayant sauvé Macron, Macron s'est assis dessus, a refusé de nommer Première Ministre la candidate du Front Populaire, Lucie Castet, et s'est mis dans la main du Rassemblement National en mettant la gauche dans celle de la France Insoumise. Mélenchon feint de s'en indigner (alors que le pire pour lui aurait été un gouvernement de gauche, même dirigé par Lucie Castet), les autres composantes du NFP s'en indignent plus sincèrement mais n'y peuvent rien : le "maître des horloges" s'est mué en "maître du bonneteau". Et le Rassemblement National en maître d'un autre jeu, encore plus trouble et plus truqué.
En France la majorité est à droite , normal que le gouvernement le soit aussi. Point barre. Barnier est à la merci du RN comme l'aurait été un gouvernement de gauche à la merci de Mélanchon.
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