Le Liban sous les bombes, comme Gaza : Penser aux gens

 La mort de Nasrallah, ni celle des autres cadres et dirigeants du Hezbollah,  ne change pas grand'chose, sinon symboliquement et psychologiquement : le rapport des forces militaires est de toute façon, avec ou sans lui, totalement déséquilibré entre le Hezbollah et Israël. Par ailleurs, le Hezbollah n'est pas qu'un groupe armé : il est d'abord un parti, un mouvement politique, qui a des élus au parlement, siège au gouvernement, domine le sud-Liban et s'est construit comme un "Etat dans l'Etat" -un Etat chiite dans l'Etat libanais. Et il va le rester, parce que sa base sociale, politique, religieuse (chiite) ne pas pas disparaître. La mort de Nasrallah n'est pas celle du Hezbollah : il s'en relèvera certainement, comme il s'est relevé de celle de son fondateur, Yassine, lui aussi éliminé par Israël. On est cependant bien moins certains que le Liban, lui, se relèvera non seulement des coups qui y sont portés actuellement par Israël, et de sa prise en otage par le Hezbollah, mais d'une éventuelle offensive israélienne au sol (autrement dit, une invasion). Le Liban est sous les bombes -et quand on écrit "Le Liban", c'est au peuple libanais qu'on pense, aux gens du Liban, toutes "communautés" religieuses confondues. Parce qu'une bombe qui tombe sur une ville y tue avec une absolue laïcité.

Une aide au Liban : pas de nos compétences ou pas notre problème ?

On se plaisait à naguère à appeler le Liban "la Suisse du Proche-Orient". C'était évidemment un abus de langage -même si, comme la Suisse, le Liban, en tant qu'Etat, a été institué par des accords internationaux ou un Etat étranger (la France en 1798 et en 1803, et la Saint-Alliance en 1815 pour la Suisse, la France en 1920, 1926 et 1936). Mais dès son émergence en tant qu'Etat, formellement plus ou moins indépendant (même quand il était sous mandat français), émergence elle-même liée à des conflits intérieurs ou internationaux quand il était encore une province de l'empire ottoman, le Liban a été le champ de conflits dont il n'était pas acteur, mais victime, dès la guerre israélo-arabe de 1948-1949 qui lui a amené 100'000 réfugiés palestiniens, les guerres suivantes, les intifada, la lutte armée palestinienne, les incursions et invasions israéliennes suivront...

On ne peut donner de chiffres des victimes de l'offensive israélienne d'aujourd'hui, ni des actions du Hezbollah,, parce qu'aucun n'est incontestable, que tous ne sont que provisoires, et qu'au Liban frappé par une addition de crises politiques, économiques, sociales, militaires, l’Etat ne peut plus assurer aucune de ses missions auprès de sa population (et ce sont des ONG libanaises, étrangères et internationales qui s’en chargent) et qu'il est même incapable de compter les morts. On ne peut qu'évoquer des quantités probables : des milliers de morts, des dizaines de milliers de blessés, des centaines de milliers de déplacés (dont un nombre incalculable de réfugiés syriens, fuyant la guerre dans leur pays et la retrouvant au Liban). Et 14 secouristes tués en deux jours. Et si l'Etat libanais se révèle incapable de protéger sa population, le Hezbollah, tout "Etat dans l'Etat" qu'il soit, en est tout aussi incapable. Pendant quoi, la destruction de Gaza (à quoi tout est lié) se poursuit, comme les pogroms anti-palestiniens commis en Cisjordanie par les colons intégristes religieux ou ultra-nationalistes.

Nous utiliserons le nom de notre ville pour dire, et faire, ce que nous pouvons dire et faire pour le peuple libanais parce que c'est le nom des conventions qui fondent le droit de la guerre, le droit international humanitaire, le droit d'asile. Et le nom d'un appel que les groupes armés "non-étatiques" sont invités à signer pour s'engager à respecter ces droits. C'est le Conseil administratif qui parle au nom de la Ville -le Conseil municipal, lui, ne parle qu'en son nom, même quand il décide. Au nom de la Ville, le Conseil administratif a appelé vendredi à "un cessez-le-feu immédiat entre Israël et le Hezbollah" et au respect des Conventions de Genève. 

Le Conseil municipal, lui, se prononcera mercredi sur des demandes de financement par la Ville d'une aide humanitaire au Liban, via le CICR, la Croix/croissant rouge libanais et le Programme alimentaire mondial qui, ensemble, couvrent l'essentiel des besoins de soins, de matériels, de stocks et de lieux médicaux. Aider ces organisations à aider la population libanaise à survivre, c'est "l'action la plus immédiatement et concrètement efficace que puisse mener la Ville

On célèbre cette année les 75 ans des Conventions de Genève fondatrices du droit international humanitaire. On les célèbre quand on a bien grand'peine à faire respecter ce droit par les Etats qui ont signé ces conventions. On les célèbre quand les bombes et les missiles tombent sur les écoles, les hôpitaux, les camps de réfugiés de Gaza. On les célèbre quand les bombes et les missiles tombent sur Beyrouth. On les célèbre quand la guerre s'est installée entre la Russie et l'Ukraine. Quand les factions armées s'affrontent au Soudan. A droite, on entendra dire que "ce n'est pas dans nos compétences" municipales que nous prononcer sur une crise internationale. Pas de nos compétences ou pas notre problème ?

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