Rédaction unique pour quatre journaux romands de Tamedia

 

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Tamedia a annoncé mardi la suppression de 25 postes rédactionnels à plein temps en Romandie (sans compter les suppressions de postes liées à la fermeture de l'imprimerie de Bussigny), et une trentaine en Alémanie. Une personne employée sur cinq employée dans les rédactions tamédiesques est menacée de licenciement ou de réduction autoritaire du temps de travail. Une vingtaine de collaborateurs extérieurs vont également perdre leur emploi. Et toutes les rédactions romandes du groupe (Tribune de Genève, 24heures, Matin Dimanche-Femina) seront centralisées à Lausanne (il ne restera à Genève qu'un bureau). On regrette de n'avoir pas suivi les cours de Diamat (matérialisme dialectique) de l'Université Patrice Lumumba, à Moscou : on pourrait les résumer aux collectivités publiques qui geignent sur les choix de Tamedia. Parce qu'une rédaction unique dans un lieu pour quatre titres différents, avec des bureaux locaux, ça nous rappelle furieusement la presse nationale soviétique, qui n'avait qu'une rédaction, à Moscou : le Politburo. Et l'agence Tass comme source et comme relais (tient, d'ailleurs, la RTS , qui va aussi supprimer plus d'une cinquantaine de postes, va aussi installer l'info télévisée à Lausanne. Pas loin de la rédaction de Tamedia). Le moteur des media soviétiques, bien sûr, c'était l'idéologie alors que le moteur de Tamedia, ce n'est le profit. Mais n'est-ce pas aussi une idéologie ?

Quand un journal meurt,  y'a-t-il d'autre réponse qu'en créer un autre, et, pour les collectivités publiques, d'y aider ?

TX Group a fait de ses journaux "de véritables pompes à fric visant à financer des acquisitions dans d'autres segments et à dégager de juteux bénéfices", résumait Jérôme Béguin dans l'"Evènement syndical". Et l'un des moyens de faire fonctionner la pompe, c'est de réduire les effectifs : en 2009, Edipresse comptait 1500 employés, quinze ans plus tard il n'y en avait plus que 620  -mais depuis son entrée en Bourse, TX Group a pu distribuer plus d'un milliard de francs à ses actionnaires (mais prend prétexte de 9 millions de recul de son chiffre d'affaire romand pour rétamer sa presse en français) .  Près de la moitié des contenus médiatiques consultés en Romandie, sur papier ou sur écran, sont produits par TX Group. Tamedia va se concentrer sur quatre marques "fortes" : le Tages Anzeiger, la Berner Zeitung, la Basler Zeitung et, pour les peuplades périphériques, "24 Heures", et va multiplier les reprises entre ses titres de contributions des rédactions centralisées à Zurich, Berne, Bâle et Lausanne (ou des productions de l'"intelligence artificielle), ce qui permettra de réduire les effectifs de rédacteurs. Or quand moins de collaborateurs internes ou externes produisent des contenus identiques ou traduits d'un titre ou d'un site à l'autre la diversité, évidemment, y perd, et la véracité aussi puisque les vérifications se réduisent. Mais qu'est-ce que cela vaut, la diversité et la véracité, pour une "pompe à fric" ?

Pour ses rédactions romandes, "Tamedia s’entête à foncer dans le mur" : " Alors qu’il faudrait renforcer l’ancrage local des titres, c’est tout l’inverse que propose la direction de Tamedia, qui entend augmenter le nombre d’articles traduits ou achetés à l’étranger pour alimenter les titres". Tamedia, en effet, s'entête à foncer dans le mur -mais c'est le sien : le mur du fric. Contre lequel la CEO de Tamedia annonce que "l'industrie de l'impression va disparaître dans le monde entier" (la "Tribune de Genève" peut se consoler, elle meure avec Gutenberg)  et  contre lequel s'écrasent aussi les lamentations des gouvernants genevois (le Conseil administratif, le Conseil d'Etat), baladés par Tamedia comme des cul-de-jatte dans le jardin d'un hôpital.

Le Conseil administratif de Genève condamne la décision de Tamedia de fusionner ses rédactions romandes et dit espérer "que des solutions pourront être trouvées pour assurer la survie d’un véritable titre de presse locale" (la "Tribune de Genève") et se tient à disposition des responsables de Tamedia pour "discuter de l’avenir de ses publications en Suisse romande et à Genève en particulier". N'a-t-il pas compris ou ne veut -il pas montrer qu'il a compris, que Tamedia n'en a rien à secouer de "la survie d'un véritable titre de presse locale", et qu'il ne sert à rien de "discuter de l'avenir (des) publications (de Tamedia) en Suisse romande et à Genève en particulier", dès lors que Tamedia vient de prouver par A plus B et toutes les lettres suivantes jusqu'à Z, que pour elle, ses publications romandes n'ont aucun avenir autre que celui d'un site internet ?

"Notre cœur bat pour la Julie aussi sûrement que pour ses confrères" des media romands, écrit le président du "Centre" dans GHI. C'est bien, ça leur fait sûrement plaisir que notre cœur batte pour eux. Et puis, quoi ?

Quand un journal meurt, et que son propriétaire veut le laisser mourir (et hâte sa mort), y'a-t-il d'autre réponse qu'en créer un autre, et, pour les collectivités publiques, d'y aider ?






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