"Réforme" du 2e pilier : Au profit des assureurs


Il ne vous reste que jusqu'à jeudi (après, il faudra vous rendre vendredi au service des votations, ou dimanche au local de vote) pour voter par correspondance contre la "réforme" de la "prévoyance professionnelle", le deuxième pilier du système suisse de retraite. Une réforme proposée par la majorité (de droite) du parlement, soutenue par le gouvernement, et surtout conçue par les grands bénéficiaires de cette "prévoyance" : les banques, les gestionnaires de fortune, les assureurs. Car il pèse lourd, le 2e pilier : 63 milliards par an, rien qu'en cotisations des employé-e-s et des employeur.e.s,  placées pour qu'elles rapportent (mais elles rapportent de moins en moins). De quoi faire saliver le secteur bancaire, financier et assureur, et les bénéficiaires d'investissements potentiels. Et surtout, les pousser à défendre mordicus toute "réforme" permettant de le pérenniser, ce pilier. Et d'au moins pérenniser, voire accroître, les profits qu'ils en tirent.

Ce n'est pas le 2e pilier qu'il faut sauver, il ne le mérite pas, ce sont les rentes des cotisants.

Il y a derrière tout projet de consolidation du 2e pilier le même projet, peut-être inconscient (si un projet peut être inconscient), qui était déjà à l'oeuvre lors de la constitution même de la prévoyance professionnelle obligatoire : transformer, par une épargne forcée, tous les salariés (sauf la plupart des plus pauvres, inintéressants, mais en contraignant tout de même 100'000 d'entre eux à des cotisations qui réduiront encore leurs bas salaires) et tous les retraités en petits bourgeois.

En mars dernier, le peuple (et les cantons) ont manifesté leur volonté de renforcer l'AVS par leur acceptation d'une 13e rente mensuelle. Dimanche, il ne s'agit peut-être que de confirmer le sens de ce vote : privilégier un pilier solide et solidaire du système de retraite (on paie selon ses revenus, on reçoit selon ses besoins, grâce s'il le faut aux prestations complémentaires)  à un pilier pourri de l'intérieur. Privilégier une assurance vieillesse qui peut être adaptée sans que ses rentes soient réduites,. et qui n'avait d'ailleurs même pas besoin d'un report de l'âge de la retraite des femmes, et qui pourrait même être accordée plus tôt puisque la productivité du travail (et donc des richesse) s'accroît constamment. Une assurance vieillesse qui peut être renforcée par une amélioration des plus bas salaires, et en particulier par l'introduction d'un salaire minimum légal. Une assurance vieillesse qui tient compte de tout le travail effectué, y compris le travail parental et de soins aux proches, contrairement au 2e pilier, dont les rentes sont, pour les femmes, plus basses de 44 %, et de moitié plus rares (presque 50 % n'en touchent pas). Une assurance vieillesse dont 99 % des cotisations se traduisent par des rentes, alors que dans le "2e pilier", cette productivité des rentes n'est que de 76 % puisque chaque année huit milliards de francs de cotisations sont claqués en frais de gestion. Et que pour un taux de cotisation AVS moyen de 8,7 %, on obtient une rente médiane de 1876 francs, alors que la LPP ne produit qu'une rente médiane de 200 francs plus basse pour un taux de cotisation d'un tiers plus élevé. Pour chaque franc versé à la "prévoyance professionnelle" avec la "réforme" sur laquelle (contre laquelle) nous voterons dimanche, les cotisants toucheront moins qu'actuellement, et cotiseront plus.

Ce n'est pas le 2e pilier qu'il faut sauver, il ne le mérite pas, ce sont les rentes des cotisants. Le système du 2 pilier est un réseau de 1300 caisses privées, que la Confédération, avec l'aval du peuple et des cantons, laisse gérer les fonds captés sur les salaires versée par les employeurs et ceux reçus par salariés, sous forme, pour les uns, d'une charge sociale et pour les autres d'une épargne forcée. Et pour que l'exercice soit le plus rentable possible, il exclut les bas salaires et punit les interruptions de carrière et le travail à temps partiel. Ces caractéristiques du 2e pilier ne tombent pas du ciel, mais de la volonté de ses instigateurs : les assureurs. Ce système est le leur, contrairement à l'AVS, la "réforme" de ce système, soumise au peuple dimanche, est aussi la leur.

Et c'est une raison suffisante pour refuser la proposition qu'ils nous font.


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