Refus de la contre-réforme du "2e pilier" : Une bonne chose de faite...


N'était l'échec de l'initiative pour la biodiversité, on n'aurait eu que des succès, voire des victoires, à célébrer hier. Sur les retraites, avec le refus de la contre-réforme de la "prévoyance professionnelle" (le parasitaire 2e pilier du système suisse de retraite), on peut célébrer la troisième victoire de la gauche politique et syndicale, après le rejet de l'initiative pour un report continu de l'âge de la retraite et l'acceptation de celle pour une 13e rente AVS. Une bonne chose de faite, donc.
On ajoutera à la tarte politique de ce dimanche les deux pruneaux cantonaux genevois pour un  jeûne politique offert à la droite :avec  deux référendums victorieux de la gauche contre deux projets de la droite. La baisse d'impôt pour les entrepreneurs est refusée à 58 %et dans 32 communes sur 45, et la réduction du temps de formation des enseignants à 61 % et dans 38 communes. Pour la sixième fois, le peuple désavoue donc le parlement qu'il avait lui même élu il y a deux ans. Ce qui confirme que ce n'est pas la formation des enseignants qui est trop longue, mais celle de la majorité des députés qui est insuffisante.

De quel "oui" ce "non" peut-il accoucher ?

Qu'est-ce que le peuple vient de refuser, en refusant la "réforme" de la prévoyance professionnelle concoctée par la majorité de droite des Chambres fédérales ? Il a d'abord refusé un projet imposé par cette majorité au Conseil fédéral lui-même, mais aussi aux partenaires sociaux, syndicats et patronat, qui avaient réussi à négocier et à adopter un projet de compromis. Il a ensuite refusé une baisse du "taux de conversion" qui réduisait le montant des rentes tirées du capital accumulé par les cotisations des salariés. Il a aussi refusé de contraindre les salarié.e.s les moins bien payés à voir leur bas salaires encore réduits par la perception obligatoire de cotisations à ce funeste "2e pilier", pour finalement n'en recevoir que des rentes ridicules. Il a enfin refusé un projet qui ne correspondait qu'aux intérêts des milieux financiers et des assurances.

Qu'est-ce que cela dit du "2e pilier", et qu'est-ce que cela nous suggère d'en faire ? Cela rappelle d'abord que ce "pilier" n'est pas une assurance sociale mais une épargne forcée, dont la fonction première n'est même plus d'assurer des rentes capables, en s'ajoutant à celles de l'AVS, 60 % du revenu antérieur à la retraite (les rentes LPP ont perdu un quart de leur valeur en vingt ans, et ne sont pas adaptées au renchérissement), mais de dégager des masses financières (qui, elles, sont en croissance continue) dont les banques, les gestionnaires, les assurances, vont pouvoir se repaître.

Le refus de la contre-réforme de droite de la LPP dit aussi, après l'acceptation de la 13e rente AVS, que le peuple est plus attaché au premier qu'au second pilier du système de retraite. Plus attaché à l'AVS qu'à la LPP. Plus mobilisé pour défendre l'une que pour sauver l'autre. Et il a raison. 92 % des retraités en Suisse reçoivent plus d’argent de l’AVS qu’ils et elles lui ont versé et neuf couples mariés sur dix perçoivent la rente maximale possible. Il y a deux raisons à cela : d'abord, les hauts revenus financent solidairement les rentes AVS , paient des cotisations AVS sur l’ensemble de leur salaire, mais ne reçoivent pas plus de rentes que les autres.  Ensuite, l’AVS ne verse pas des milliards de francs sous forme de frais administratifs aux banques et aux assurances, elle redistribue directement aux rentiers l'argent prélevé sur les salaires des actifs. Enfin, l'AVS est le seul système de retraite qui reconnaît par une augmentation de plusieurs centaines de francs par mois de la rente,  le travail non rémunéré d'assistance, de soins, de prise en charge des personnes, travail principalement accompli par des femmes. Les cotisations AVS servent à payer des rentes, les cotisations LPP à grossir les fonds d'investissement des assureurs privés, et des réserves qui dépassent le millier de milliards... ce qui n'empêche pas le 2e pilier d'être en déficit chronique (d'environ cinq milliards par année) et d'être incapable de générer les ressources nécessaires pour payer les rentes en cours en s'en tenant à la capitalisation des cotisations, ce sur quoi il est supposé être fondé. Il puise donc dans une partie des rendements de ses placements pour combler les trous.

Que dit alors, pour la suite (car suite il y aura, forcément) le refus de la contre-réforme du 2e pilier ? De quel "oui", et à quoi, ce "non" peut-il accoucher ? D'un "oui" à l'AVS, à son renforcement, à l'amélioration de ses rentes, à l'élargissement de son financement. C'est Pierre-Yves Maillard qui dit qu'"Il faut investir davantage de moyens dans le 1er pilier, qui est le pilier de la solidarité, au lieu d'inciter les gens à développer une épargne privée". Et c'est à la gauche de la gauche que mitonne un projet d'initiative populaire intégrant le 2e pilier dans le premier. Mais pour qu'une telle initiative soit autre chose qu'une gesticulation proclamatoire sans aucune chance d'être soutenue par une double majorité du peuple et des cantons, Il faudra l'unité la plus large de la gauche politique et syndicale. Il faudra un texte proposé et soutenu non seulement par la gauche de la gauche, comme le fut celui du Parti du Travail sur les "retraites populaires", mais aussi par 'Union Syndicale, le Parti socialiste, les Verts, l'AVIVO...

Il nous faudra produire le contraire de ce qu'a commis la droite avec sa "réforme" du 2e pilier. Produire un texte défendant un système de retraite solide et solidaire.

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